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jeudi 21 décembre 2023

REMARQUES EN PASSANT 36




AVANT-PROPOS



Jamais à court d’idées quand il s’agit d’être ignoble, Emmanuel Macron, assisté d’une première ministre qui n’en finit pas de se déshonorer, a offert aux français de toute origine le plus révoltant des cadeaux de Noël, une loi raciste sur l’immigration digne de Philippe Pétain.
Face à ce triomphe d’une logique libérale-nazie désormais décomplexée et qui prépare de plus en plus ouvertement le passage à une dictature d’extrême-droite, je me dis que ces Remarques, que je comptais publier après les fêtes, peuvent être à leur tour un cadeau de Noël, au vrai sens de cette fête pervertie par notre société de consommation : une bien modeste et bien imparfaite tentative de contrepoison.

En guise de cadeaux de Noël, je ne saurais trop recommander à mes lecteurs de s’offrir pour le très raisonnable investissement de 7,80 € (2x3,90 €) les deux ouvrages aussi courts que percutants que voici :

IL FAUT UNE RÉVOLUTION POLITIQUE, POÉTIQUE ET PHILOSOPHIQUE,
un entretien d’Aurélien Barrau avec Carole Guilbaud, Éditions Zulma, les apuléennes

CHAQUE GESTE COMPTE, MANIFESTE CONTRE L’IMPUISSANCE PUBLIQUE,
par Dominique Bourg et Johann Chapoutot, Gallimard, Tracts n° 44

Je signale aussi l’importance et la qualité du travail de BLAST, le souffle de l’info, un média créé par Denis Robert, qui mène de nombreuses investigations et propose de passionnants entretiens sur YouTube.

Pour voir un court (10’) rappel du travail d’enquête de BLAST : https://www.youtube.com/watch?v=EV2U1Tjh5wY

Et deux émissions récentes de BLAST sur YouTube, parmi beaucoup d’autres :

Entretien avec Johann Chapoutot à 58’50“ : https://www.youtube.com/watch?v=tz0voH41U6I

« La Novlangue de Macron », entretien avec Marc Weinstein (pas sans lien selon moi avec la destruction du français entérinée par des linguistes irresponsables) :
https://www.youtube.com/watch?v=fGAukvkTRPI&t=435s



REMARQUES EN PASSANT 36

ABSENCE
L’absence crée un vide qui permet la présence. Se retirer du monde, c’est entrer dans la vie. La vocation monastique s’est réglée à partir de ce constat, pour le meilleur et parfois aussi pour le pire.
La vieillesse peut être vécue selon cette optique, celle d’une solitude face au monde qui nous rend davantage présents à notre existence – au fait d’exister. Ce serait le fondement d’un authentique Éloge de la vieillesse, à condition de ne pas occulter l’immense difficulté de la solitude non désirée.
Ce qui me semble avoir changé pour moi, c’est cette envie qui monte de m’arrêter et de contempler, de me laisser vivre. Sans plus rechercher un résultat, comme les vieux piémontais de Venasca, tranquillement assis sur leur banc devant leur belle église baroque, et qui regardent le temps passer, s’écoulant comme s’écoule, presque sous leurs yeux, leur rivière, la belle Varaita.
Quand il fait beau, le vieux se met dehors et il attend. Plus besoin d’agir, dirait-on, juste de savourer, de déguster le fait d’être en vie.
Je vis pour ma part un double mouvement, un aller-retour assez compliqué à gérer par le roulis qu’il engendre : conflit entre le temps qui me manque désormais pour faire tout ce que je voudrais faire et le temps qui me reste et dont je veux jouir. Jouir voulant ici dire : avoir pleinement conscience d’être vivant, être le plus présent possible à chaque instant. Un état de conscience trop souvent parasité par l’urgence – mais quelle urgence ?

AIMER
Ce n’est pas trembler, mais vibrer devant l’être aimé.

AMISH
Quand Macron se moque des Amish, il révèle la naïveté fondamentale des tenants du « Progrès ». Car les Amish comptent parmi les rares groupes humains qui ont une vraie chance de survivre à ce qui est en train de nous arriver. Ils sont autonomes et peuvent se passer de l’attirail technologique sans lequel Macron ne serait que ce qu’il est en vérité : un impuissant, radicalement incapable de vivre dans le monde réel– faute de le comprendre.

ÂNE (bonnets d’)
« La dette devient de plus en plus accrue » susurre Guillaume Erner, sur France-Culture. S’accroître, un verbe devenu trop difficile à conjuguer, même pour France-Culture. France-Inter, de son côté, signalant un fait-divers, tient à rappeler, quitte à réformer la syntaxe, que toute attaque relève forcément du genre masculin : « une attaque au couteau commis par un jeune ».

ASTIGMATISME
Mon astigmatisme et ma myopie font que pour voir, je suis obligé de regarder. À partir de 4 ou 5 mètres, si je veux voir, il faut que je scrute, et c’est une des deux raisons qui font que certaines personnes parfois me croient indiscret. L’autre, c’est que je m’intéresse aux gens que je croise, notamment dans le métro, que j’ai envie de savoir qui ils sont, ce qu’ils ressentent. De cette curiosité, qui relève à mes yeux d’une saine empathie, je n’arriverai jamais à me sentir coupable. Mais elle semble paraître lourde à ceux et celles qui ressentent d’autant plus le besoin de protéger leur intimité que celle des autre ne les intéresse nullement.

AVENIR
Quel soulagement de n’avoir plus d’avenir ! Quelle liberté de n’avoir plus à s’inventer un avenir ! Géniale mais terrible, cette nécessité si contraignante que nous impose notre jeunesse : créer notre avenir. En nous dépouillant de tout avenir, la vieillesse nous rend libres de vivre le présent. Grande victoire, pouvoir abandonner le souci du lendemain pour se consacrer enfin à vivre ici et maintenant.
Mais parce que je suis libre, je dois sans cesse inventer le présent, créer l’instant, le découvrir. Et la tentation du vieux, c’est de le recouvrir, cet instant, de l’occulter, qu’il passe, parce qu’il exige pour être vécu une énergie que bien souvent nous n’avons plus, ou que notre paresse refuse de se donner, trop heureuse de se réfugier dans la bienheureuse léthargie des passe-temps.

BAROQUISME
J’écoutais l’autre jour l’excellent Quatuor Ébène jouer Die Verklaerte Nacht. Tout en appréciant la virtuosité et l’engagement de ces remarquables musiciens, ainsi que la cohérence de leurs choix, j’étais un peu frustré, et pour tout dire un peu perdu. La partition de Schoenberg était admirablement fignolée, le moindre détail ressortait avec une précision diabolique, j’entendais tourner sans le moindre à-coup une mécanique compliquée parfaitement huilée.
Sauf que. À pousser en avant et mettre sous les projecteurs chaque détail, on avait perdu l’essentiel : la ligne mélodique, rien que ça. La Nuit transfigurée n’était plus qu’obscure, elle ne chantait plus et retombait comme un soufflé…
C’est le problème de notre époque tellement amoureuse de la variété, de l’ornement et du tape-à-l’œil qu’elle finit par être plus baroquiste que les baroques. Devient en somme rococo. Mais du rococo, elle n’a ni la fantaisie ni l’humour.
Le retour de la musique baroque a été une merveilleuse aventure, mais qui tourne parfois à l’intégrisme. L’attention exclusive portée à la mise en valeur de l’harmonie finit par détruire la mélodie. L’anecdote l’emporte sur le symbole, et le plaisir de l’instrumentiste sur celui du musicien… et de l’auditeur ! À force d’orner, on engraisse la musique et on la rend inutilement virtuose parce que pour compenser cette lourdeur on joue trop vite. L’effet vainc l’impression, la sensation triomphe de l’émotion et le spectacle de la musique.
Plus gravement, mais tout aussi logiquement, dans cette interprétation trop parfaite la jouissance de l’instant présent court-circuitait le plaisir de cheminer au long du temps déroulé. Comme trop souvent aujourd’hui, ce qui ne fait que passer l’emportait sur ce qui dure.
Telle est notre civilisation moribonde : elle revit sans cesse l’agonie de l’instant présent faute d’avoir encore l’énergie d’accepter le dur devoir de durer.
Il me semble pourtant que dans la musique, davantage que des harmonies, on se souvient des mélodies, que ce sont elles qui persistent à chanter en nous.
Les décadences sont toujours baroques, et plus elles s’épuisent, plus elles sombrent dans l’excès, espérant suppléer leur absence de qualité et d’invention par une profusion et une complexité qui tournent vite à la confusion, tant la quantité est l’ennemie de la qualité.

CERF-VOLANT
Me fascine depuis toujours le principe du cerf-volant. Il lui faut être ancré pour voler. Je me retrouve dans cette nécessité. Je me sens tellement léger que j’ai besoin d’être ancré. Curieusement, mon thème astrologique figure un cerf-volant parfaitement régulier. Paradoxe apparent : si je ne suis pas retenu à la terre, je reste à terre, incapable de m’envoler. J’ai besoin de cette résistance pour prendre mon vol. Si je ne suis pas relié au sol, le vent m’emporte et me jette à terre. D’où mon besoin d’une maison, d’où mes meubles, d’où les objets qui m’entourent et dont je ne me sens nullement prisonnier mais qui me donnent au contraire le pouvoir d’aller voir ailleurs, d’aller vivre ailleurs, puisque je sais pouvoir les retrouver. D’où mes tableaux, qui incarnent ma vision du ciel et de la mer, de la façon la plus légère possible, mais dans la matière, par elle et grâce à elle. Un ancrage concret dont j’espère qu’il donne à la légèreté du rêve la solidité de la réalité. C’est par cet aller et retour perpétuel entre le matériel et l’immatériel que je tente cette improbable gageure de faire apparaître l’invisible dans le visible.

CHENG (François)
L’écrivain Cheng me semble plus intéressant que le poète. Qui me semble garder d’une certaine tradition chinoise une fâcheuse tendance à la fausse modestie, à la sincérité et l’authenticité académiques de rigueur entre lettrés de haut rang : faire voler son dragon, mais sans faire de vagues. Il y a là me semble-t-il quelque chose de très yin-yang, on se met en avant tout en reculant, en un même mouvement contradictoire qui laisse ouverts tous les choix. Limites du Tao : dès qu’il est assez yin pour que ça devienne fort, il passe au yang, dès qu’il arrive au bout du yang, il repasse au yin. À force de vouloir éviter le chaos, le Tao ne va jamais au bout de rien. C’est qu’aller au-delà, c’est risquer de perdre l’équilibre, qui est aussi perdre la face.

CIORAN
Perçante par éclairs, sa vision du monde relève d’un parti-pris si obstiné et arbitraire qu’elle n’est pas seulement irrecevable : elle ne convainc pas. Il le sait, d’où sa rage, impuissante, sauf à ressasser avec virtuosité une rigolote et dérisoire détestation universelle.
Depuis ce jugement lapidaire, j’ai pourtant continué à le lire et bien m’en a pris. Mangeons notre chapeau, c’est toujours un exercice salutaire.
Ce que j’avais écrit là valait pour ce que j’avais lu de Cioran, surtout des recueils d’aphorismes brillants, suggestifs mais trop volontairement anticonformistes. Les textes de La tentation d’exister, plus développés, plus argumentés, sont d’une bien plus grande portée, leur lucidité est plus frappante que dérangeante, et oblige le lecteur à réfléchir honnêtement, ce qui est le propre des vrais penseurs.
Plus nuancé et plus précis, le paradoxe trouve ici une rigueur qu’il n’atteignait pas quand il restait confiné à l’aphorisme.
On n’est plus dans cet exercice assez vain qu’est la boutade provocatrice, mais dans le déploiement d’une impitoyable perspicacité. C’est moins amusant, mais beaucoup plus révélateur.

CIORAN
Pensées étranglées, Emil Cioran : « C’est le propre d’un esprit riche de ne pas reculer devant la niaiserie, cet épouvantail des délicats ; d’où leur stérilité. »
Du même : « L’esprit n’avance que s’il a la patience de tourner en rond, c’est à dire d’approfondir. »
Et : « Le lot de celui qui s’est trop révolté est de n’avoir plus d’énergie que pour la déception. »

CLICHÉS
Au printemps, j’ai vu le couple d’écureuils roux danser follement du haut en bas du vieux poirier en fleur. À toute vitesse, ils se rapprochent, se croisent, se séparent, se rejoignent, jouent à cache-cache, volant de branche en branche en un ballet imprévisible où se marient à miracle vitesse et précision, vision quasi paradisiaque, digne des naïves illustrations des livres d’enfant de mon jeune âge…
Il y a toujours un peu de vrai et de beau dans les clichés, un rien peut les rendre à leur initiale vocation de symboles, et les enfants le sentent, qui s’en émerveillent.

COMMISSAIRES (d’exposition)
Dans le domaine de l’ânerie sentencieuse, de l’anachronisme vaseux et des analogies abracadabrantes, les commissaires d’exposition dopés à la littérature artistique de marché rivalisent de virtuosité. Celui de l’exposition Kokoschka nous apprend ainsi sur le ton de l’évidence que dans ses paysages des années 1920 ledit Kokoschka est dans la lignée de Canaletto, affirmation que contredit brutalement le moindre coup d’œil jeté aux œuvres de ces deux peintres que tout sépare.

COMPLOT
Personne ne dénonce davantage les complotistes que les comploteurs qui risquent de faire les frais de leurs révélations. C’est qu’à leurs yeux, sont complotistes ceux qui ont découvert qu’ils complotent. Belle illustration du cher « C’est çui qui l’dit qui y est » constamment utilisé par les enfants entre eux, le plus souvent à juste titre…

CONDITION (humaine)
S’agissant de métaphysique, Baudelaire me paraît bien plus convaincant que les poètes qui se veulent « orphiques », parce qu’il sait rester à sa place, humble et souveraine. Contrairement à des « mages » comme Hugo, Rilke ou le trop ouvertement modeste Cheng, qui, Prométhées de la Poésie, entendent nous révéler « Ce que dit la bouche d’ombre » et dévoiler les secrets de l’Infini et de l’Éternel, l’orgueil de ce voyant est assez grand pour lui permettre de mesurer sa petitesse et de refuser de monter sur un piédestal qui sous couleur de le rapprocher de Dieu lui permettrait de regarder de haut la commune humanité. Roulements de tambour et fanfares d’Hugo, bêlements inspirés de Rilke et de Cheng : chez les poètes du culte orphique, l’odieux le dispute au ridicule.
Il y a presque toujours chez les mages autoproclamés une modestie ostentatoire, une humilité tapageuse et un côté donneur de leçons sans avoir l’air d’y toucher qui sont totalement étrangers à Baudelaire, lequel a l’honnêteté de se vouloir lucide et non extra-lucide…
Trop sensible pour barboter dans l’Idéalisme outré d’un Rilke qu’il aurait probablement détesté, Baudelaire nous parle bien plus justement de cette tension entre le microcosme et le macrocosme, entre l’esprit et la matière, entre le fini et l’infini qui est le propre de la condition humaine. Méfions-nous des anges, quand ils ont figure humaine, Lucifer n’est jamais loin.

CONSCIENCE
Il est naturel et il est sain que la conscience ne puisse envisager sa propre mort. Et il est naturel d’en déduire, à tort ou à raison, que le fait d’être conscient de vivre ne peut pas mourir. Si la vie est immortelle, se dit notre conscience, je devrais l’être aussi. D’où sans doute mes impressions adolescentes d’éternité et de communion avec le cosmos quand à Montaimont, dans la montagne savoyarde j’ouvrais la fenêtre par -20°, et recevais sur moi et en moi la pureté presque solide de l’air glacial et cette impression non seulement d’être en accord avec le monde, mais d’en faire partie, présent à lui et lui à moi, comme inclus dans l’infini de l’espace et du temps. Prendre conscience, c’est entrer en relation. J’ai toujours cherché cette conscience-là, que je trouve aussi à Sambuco, autre village de montagne, le soir, tard, quand le froid fait prendre conscience de l’air. C’est comme si on le sentait vraiment, au point d’en faire partie. Dans la chaleur, je perds l’air, il m’envahit, mais ce n’est plus l’air, c’est la chaleur.
Si la chaleur permet la fusion, le froid permet la rencontre.

CONTRADICTION
Lutter contre les idées reçues, oui, mais pas à coup de vérités révélées…

CONTRADICTIONS
Nous sommes faits de contradictions, et tant qu’elles trouvent un terrain d’entente, si précaire soit-il, nous parvenons au moins à « gérer » notre vie, ou notre survie. Mais quand elles deviennent par trop incompatibles, elles nous réduisent à l’impuissance, puis à la disparition.
On nous appelle de toutes parts à la révolte, et l’on a raison. Mais jusqu’ici, la plupart d’entre nous ne se révoltent nullement ou font seulement mine de se révolter, belles paroles et promenades digestives avec concerts de casseroles et retour à la maison bien sagement à l’heure du dîner.
C’est que nous sommes pris au piège, enchaînés au réseau serré de nos contradictions, que les différents pouvoirs entretiennent et accroissent de leur mieux, avec notre complicité plus ou moins consciente trop souvent. Cœur à gauche, portefeuille à droite, révoltés mais peureux, écologistes mais consommateurs, idéalistes amoureux du confort. Nous avons mis la main dans le pot de confiture qu’on nous présentait, et il s’avère que c’était un poison, mais que nous continuons à l’aimer. Et puis, quand nous trouvons le courage d’essayer d’en sortir, notre main a gonflé, et elle reste coincée dans le pot, à mi-chemin : plus de confiture, mais toujours pas de liberté…
voir ÉCARTÈLEMENT

COUPLE
Pour qu’un couple dure, c’est à dire persiste dans l’amour, il ne suffit pas que chacun des partenaires aime profondément l’autre, il faut encore qu’il s’aime lui-même assez pour ne pas se perdre dans l’amour de l’autre. Aimer l’autre et s’aimer soi, seul moyen de faire couple. D’où qu’il en existe si peu.

CURIOSITÉ
Être curieux de tout, c’est n’être curieux de rien.

DOMESTIQUES (animaux)
D’après mon expérience, parfois cuisante, l’amour que les êtres humains portent à leurs animaux domestiques est presque toujours inversement proportionnel à celui qu’ils n’ont pas le courage de vivre avec leurs semblables. Il est vrai qu’avec l’animal dépendant, le retour sur investissement est autrement plus sûr qu’avec une personne indépendante, et que l’investissement lui-même est infiniment moins contraignant. Le prix de cette facilité, c’est que l’amour conjugué au verbe avoir comparé à l’amour conjugué au verbe être sont aussi différents en qualité et en profondeur que le plaqué or et l’or massif…
Quoi de plus apparemment humain et de plus essentiellement inhumain que de confondre amour et possession ?

DORMIR
Dormir pour ne pas voir, pour ne plus voir. Quand on dort, on ferme les yeux. Je suis de plus en plus tenté de dormir, pour échapper à cette réalité monstrueuse que nous sommes en train d’enfanter, tous réunis dans un même effort pour accoucher de notre mort collective. Nous ne sommes plus libres que d’accepter d’être pris au piège dans lequel nous nous sommes jetés après l’avoir créé avec autant de soin que d’enthousiasme.

DOUTE
Pour certains, le doute serait la clef de la sagesse.
Bien. Tant qu’à douter, si nous allions jusqu’à douter du doute ?
Le doute pour réfléchir, oui. Le doute pour créer, à manier avec précaution…
Ne pas sous-estimer la force de la conviction, et les atermoiements du doute, quand il s’installe au lieu d’ouvrir sur l’action.
Le doute comme Sésame, n’est-ce pas une commodité ? Se pose tôt ou tard le problème du rapport à l’engagement. La lucidité tue l’action, écrivais-je à 17 ans, en tête de mon premier cahier d’Élucubrations (titre trop pertinent, je le crains).
Il y a une double face du doute. Il a les défauts de ses qualités.
Le risque du doute, c’est de tomber dans le relativisme, où Montaigne se plaît parfois à barboter de façon assez pataude à mes yeux.
Il me paraît essentiel de se situer entre fanatisme et relativisme, entre doute et décision. Cela exclut un monopole du doute. D’autant plus que le doute, c’est humain, risque fort d’être à géométrie variable, en fonction de notre vision du monde et de nos intérêts.
Tâtons d’un pied prudent quelques pistes, histoire de nuancer un tantinet un éloge du doute qui dans son titre même a quelque chose de paradoxal.
Trop de doute ne risque-t-il pas de court-circuiter notre ressenti ? De nous faire quitter la prise directe sur le réel au profit d’une analyse abstraite de la réalité (Montaigne n’échappe pas toujours à ce travers).
Trop d’accueil de tout ce qui vient de l’extérieur n’est-il pas dangereux pour la cohérence et la conduite de notre personnalité ? L’individu contemporain n’aurait-il pas davantage besoin de se recentrer sur lui-même que de s’ouvrir aux innombrables vents qui de toutes parts l’envahissent ?
Le doute au risque de la dispersion et de l’impuissance. Pour ma part, je vois l’exercice du doute comme devant être mesuré ; penser contre soi-même, oui, mais pas n’importe comment ni n’importe quand. L’exercice du doute est vital, mais à la dose voulue, et il arrive qu’elle doive être homéopathique.
Et pour finir, si on se permettait aussi de douter de Montaigne ?
Le doute prioritaire, un peu popote et rabougri, de Montaigne me paraît moins intéressant que la lucidité active de Rabelais. Plus riche et plus opératoire, la pensée de Rabelais est plus foisonnante et personnelle, moins référentielle mais plus concrètement accueillante de la diversité et de la variété des choses. Montaigne est assis sur les Anciens ; sans les méconnaître Rabelais, en bon médecin, se tient debout dans le présent. C’est qu’il y a chez Montaigne une recherche de confort intellectuel, d’assiette de la pensée, qui aime le trot bien carré dans une selle aussi douillette que possible. C’est une pensée qui trotte, tantôt trot assis presqu’au pas, tantôt trot enlevé, et c’est là qu’il est le meilleur. Mais de galop, point ! Tout comme Rabelais faisait galoper la vie, c’est Pascal qui fera galoper la pensée, Montaigne ne lâche jamais la bride à la sienne, et c’est sa limite. Le doute comme façon de ne pas s’engager, ou à demi. Philosophie de coteau et de vallon, bien peu utile à la montagne ou en mer, là où sans cesse il faut choisir. Le problème du centre, c’est d’être inapte aux extrêmes – dont est faite la vie.

DURER (devoir de)
Pour exister, nous devons durer, tout en sachant que nous ne durerons pas. C’est cela, le dur devoir de durer. Si vouloir conserver, vouloir durer, est une folie, il est une folie bien pire, celle qui consiste à refuser de durer, à vouloir que tout change sans cesse. Choisir la fuite en avant, c’est tout simplement interdire à la vie d’exister. Rien ne peut vivre sans la notion de durée, et rien ne peut vivre non plus sans l’acceptation de la non-durée. D’où la nécessité de la succession des êtres et des générations. La noblesse, c’est le fait de choisir de durer tout en reconnaissant que nous ne durons pas. Se soumettre entièrement au temps, c’est disparaître. Nous ne pouvons vivre hors du temps. Nous sommes temps, nous sommes littéralement faits de temps. Et plus nous vivons l’instant présent, plus en fait nous vivons la succession de nos présents. Si je m’arrête sur l’image, il n’y a plus de film…
À l’instant T, nous sommes l’ensemble de nos instants. Ce que nous vivons à cet instant-là se vit en fonction de tout ce que nous avons vécu auparavant. Et oriente tout ce que nous vivrons par la suite.
Il est donc faux de penser que nous pouvons vivre l’instant. Nous ne pouvons vivre qu’un présent, forcément fait de tous nos instants passés et qui ne peut être vécu que grâce à eux.
Tel est le frustrant mystère de la vie : il n’y a de vie que dans la durée, mais la durée n’a qu’un temps.

ÉCARTÈLEMENT
L’espèce humaine en est à ce moment mortel où ses contradictions sont devenues si incompatibles qu’elles ne peuvent plus coexister. Nous nous retrouvons donc chaque jour davantage dans la situation désespérée du naufragé qui, les pieds bien plantés sur l’une et l’autre planches de son radeau de fortune, les voit se séparer et s’éloigner l’une de l’autre, et qui, faute d’avoir réagi à temps, se retrouve écartelé et finit par se noyer. voir CONTRADICTIONS

ÉCORCHER
Écorcher le français, un des passe-temps préférés de nos journalistes « mainstream ». Sur France-Inter le 21 juin 2023 : « Son dernier album est l’un des grands succès musicals de l’année ». Pour compenser, le lendemain, la radio la plus écoutée de France propose cette autre perle, disant de je ne sais quel champion qu’il a obtenu : « un titre mondiaux l’an dernier »…
Récidive quelques jours plus tard : une experte de la privation de liberté évoque « les travaux d’intérêts généraux ». Que ne se prive-t-elle de la liberté de mutiler sa langue natale !
France-Culture ne veut pas être en reste, massacrant tantôt le nombre : « ils font des promesses que craignent une autre partie de la population », tantôt le genre : « L’explication du problème animal, il est multiple ».
On se demande si les linguistes d’opérette qui réclament à cor et à cris qu’on laisse le français « vivre sa vie » tout en voulant lui imposer une écriture dite inclusive et en proclamant qu’il ne s’est jamais mieux porté écoutent parfois la radio…

ÉDITEURS
Plusieurs des éditeurs que j’ai croisés m’ont rappelé ces enseignants ratés devenus censeurs ou proviseurs et qui voudraient donner des leçons de pédagogie à des collègues plus compétents et plus courageux qu’eux. Titillés par l’envie de créer mais bien incapables de la concrétiser, ces éditueurs tentent de s’immiscer dans un processus de création qu’ils réduisent à des procédés de créativité et au conformisme à la mode. C’est aussi ridicule qu’odieux.
A-t-on jamais vu les hongres apprendre à baiser aux étalons ?
Que les éditeurs fassent leur boulot et aident les auteurs à faire le leur, en commençant par les payer à peu près correctement.
Comme par hasard, les deux meilleurs éditeurs avec qui j’ai travailllé, Yves Artufel et Jean Darot, sont aussi, pour le premier un vrai poète, un remarquable écrivain pour le second…

ENFANCE
Il me semble que ce qui a donné sens à ma vie, c’est le fait d’avoir refusé de quitter mon enfance, pour le meilleur et pour le pire. Cette fidélité à l’enfant que j’étais m’a conservé une forme de lucidité que les adultes ne peuvent plus se permettre et une capacité à rêver et m’enthousiasmer qu’aucun échec dans la prétendue « vie réelle », entendez la vie « adulte », n’a pu entamer.

ÉNORMITÉ
« Aucune cause ne justifie qu’on blesse des policiers ou des gendarmes » a osé dire cette petite frappe qu’est l’actuel ministre de l’Intérieur. Quand des politiciens tarés en viennent à proférer de telles énormités, il est plus que temps de les mettre à la retraite.

ENTROPIE
Favoriser l’entropie, tel a été le pernicieux travail de démolition des déconstructeurs, ces intellectuels de pouvoir français dont l’influence aura été désastreuse. Nul besoin d’insister sur l’entropie et de la favoriser, elle s’impose très bien par elle-même ! Ce qui doit être aidé, et mis en œuvre avec souplesse et fermeté, c’est la néguentropie, qui est le premier devoir de tout être vivant.

ESPRIT
Mépriser la matière n’est pas le fait d’un esprit digne de ce nom. La vraie raison cherche à vivre en harmonie avec la matière et échange en continu avec elle. L’esprit doit être nourri par la matière comme il doit la nourrir. Privé de matière, l’esprit se dessèche et meurt. Quant à moi, les constructions de l’esprit ne m’intéressent que quand elles partent de la matière, s’y attachent pour la transformer et y reviennent après l’avoir transfigurée. Voir MOYEN (homme)

EXALTATION
Le Colleone et la façade de la Scuola Grande di San Marco, un des cœurs battants de Venise. Chaque fois que j’y passe, ces chefs-d’œuvre associés ramènent la paix en moi. Ils sont à la fois exaltants et reposants. C’est l’élan assumé vers l’infini, mais sans hâte ni désordre, un élan contrôlé, achevé et d’autant plus irrésistible. La puissance et l’harmonie incarnées. Nous voici installés pour un instant dans la durée de tout ce qui compte. Et me voilà étonné, soudain transporté dans un calme souverain. À l’opposé de l’excitation, qui se prend souvent pour elle, la vraie exaltation est un repos, elle ne nous épuise pas, elle nous comble.

HIÉRARCHISER
On nous enseigne aujourd’hui qu’il ne faut pas juger. Quelle erreur ! Nous ne pouvons pas ne pas juger, et nous ne cessons de le faire, consciemment ou non. Le problème n’est pas de juger, mais de tenir le jugement pour définitif. Jugeons, mais soyons toujours prêts à réviser notre jugement.
S’interdire de juger, c’est s’interdire de choisir, et s’interdire de choisir, c’est s’interdire d’agir.
Nous avons laissé le monde de la finance et du marketing nous priver de notre esprit critique et de notre jugement au prétexte que la valeur financière étant le seul critère indiscutable, « tout le reste est relatif ». Rien de plus faux, mais cette commode absence de hiérarchie est la condition même de la possibilité d’un monde financiarisé drogué à la valorisation infinie, c’est à dire à la spéculation.
Le relativisme enlève tout sens et toute valeur à notre vie, il nie le passé et hypothèque l’avenir. Tout ce que peut proposer le relativisme, c’est un parcours de consommation, une vie sans âme, celle des morts vivants.

HOMÉOSTASIE
Je propose ici une vision des choses qui aura du mal à passer tant elle est contraire aux idées reçues en vogue. À mes yeux, tout se passe comme si notre volonté de prédominer à la fois en tant qu’espèce et en tant qu’individus mettait en danger l’homéostasie individuelle et collective de l’humanité mais aussi celle du monde où désormais nous sévissons en tant que parasites conscients et organisés. Le risque du chaos est évident, le chaos est déjà en cours. De ce point de vue, il me semble que, poussés à l’extrême, les mouvements LGBT, qui disent vouloir libérer les « potentialités réelles » des individus et permettre à chacun « d’être pleinement soi-même » et de « choisir son destin en toute indépendance », risquent d’aboutir à une aberration écologique, une tentative contre nature pour légitimer et installer une omnipotence individuelle radicalement contraire aux principes physiques, écologiques et génétiques de l’évolution, tant de notre espèce que de la vie sur cette planète sous toutes ses formes. En cela, plus ou moins involontairement, les mouvements LGBT ne risquent-ils pas de devenir les complices objectifs du Transhumanisme libéral-nazi qui de son côté prétend à rien moins qu’à prendre en charge l’évolution de la vie sur terre, tout entière mise au service d’un Progrès fantasmé et radicalement contraire aux lois de la thermodynamique ?
Progrès suicidaire d’une hubris individualiste totalement coupée du réel et qui prétend s’en affranchir pour le dominer, dans un mouvement qui l’en rend de fait esclave et la condamne à terme à une disparition sans gloire.
Rêve prométhéen d’une vie sans limites dans un monde limité, refus suicidaire de toute régulation, de toute prudence, de tout débat sérieux, et trop souvent volonté terroriste d’imposer une vision du monde minoritaire. En somme, un refus catégorique du réel.
Notre insatiable désir de toute-puissance personnelle et collective, triomphe d’une vision mentale fantasmatique du monde, volontairement hors-sol, met ainsi en péril tous les équilibres de la vie sur notre Planète. La vie nous a donné un pouvoir que grâce à notre génie propre nous tentons de retourner contre elle. On peut douter que l’homéostasie qui la rend possible adhère à ce triomphe d’une abstraction mortifère et penser qu’elle devra sans doute mettre un terme à des expériences qui dans leur principe et parfois dans leurs pratiques sont déjà dangereusement proches de celles des médecins nazis. Les conséquences du changement climatique montrent que la nature n’a pas le choix et commence déjà à tenter de rétablir les équilibres indispensables à la vie par des réactions de plus en plus brutales à notre comportement.
« Il est interdit d’interdire », autrement dit, rien ne doit empêcher mon désir d’être réalisé, quel qu’en soit le prix, ce slogan de mai 68 a ouvert une boîte de Pandore qu’il n’est plus en notre pouvoir de refermer.
L’espèce humaine a choisi depuis deux cent cinquante ans de privilégier l’entropie contre la néguentropie en refusant d’être ce qu’elle est en fait, une espèce animale parmi d’autres, appartenant à un monde dont elle n’est pas propriétaire. Nous n’acceptons plus d’être ce que nous sommes et ne savons donc plus qui nous sommes.
Ne sachant plus qui ils sont, les hommes nouveaux veulent être ce qu’ils rêvent d’être, quitte à changer sans cesse de rêve face à une réalité chaque fois décevante qu’il faut esquiver à tout prix. La nouvelle norme est qu’il faut être totalement libre de choisir qui on est. Pas de pire injonction paradoxale !
Cette idée volontariste de liberté totale bute sur la réalité concrète et aboutit inévitablement à un enfermement tout aussi total : l’individu est devenu tellement libre qu’il lui faut se protéger continuellement de cette insupportable réalité qui ne cesse d’attenter à sa liberté…

HYPOCRISIE
Destinée à paralyser la pensée et l’action de l’autre, l’hypocrisie crée le vide et stérilise la présence. Elle est le plus puissant antibiotique mental et émotionnel. Son discours fallacieux, qui imite le sentiment sans le ressentir, ôte toute valeur aux mots, tout sens au discours et censure toute possibilité d’échange authentique. L’hypocrite, c’est celui qui ne croit pas à ce qu’il dit tout en voulant qu’autrui tienne son mensonge pour vérité. Mais il se dévoile dès qu’il passe à l’acte, révélant par là même ses véritables intentions. Trop sûr de lui ou lassé de sa comédie il lui arrive aussi de s’autoriser à laisser percer le fond de sa pensée. Emmanuel Macron a donné de ces faux pas présomptueux des exemples qui lui vaudront dans l’avenir une bonne part de sa détestable réputation. Le fait est que l’hypocrite ne sonne juste que quand la chute de son masque met en pleine lumière la laideur de son visage.

IEL
Comme toujours, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Introduire davantage de complexité dans notre langue en y fourrant à la hussarde de nouveaux pronoms supposés neutres (en fait bi-genrés, c’est à dire hermaphrodites), c’est accélérer encore la dégradation d’une langue déjà très abîmée par le règne de l’image et les dangereuses béquilles du tout numérique et désormais trop complexe pour ce que sont capables de comprendre la plupart des locuteurs actuels. Nous ne savons plus ni parler notre langue ni l’écrire, et on veut nous imposer pour des raisons politiques des difficultés à peu près ingérables car anti-naturelles. Compliquer encore l’écrit, c’est saborder une langue qui risque déjà le naufrage. L’oral, qu’il faut parler, sera heureusement moins perméable que l’écrit aux caprices idéologiques des apprentis-sorciers de l’écriture inclusive. Qu’il est sans doute inutile d’interdire, tant son côté fanatiquement antinaturel lui ôte à peu près toute chance de survivre au-delà d’un effet de mode déjà ringardisé sauf dans le microcosme militant où il sert de puéril signe de reconnaissance.
Une langue, ce n’est pas un instrument artificiel. On est là encore dans le mécanisme irresponsable d’autodestruction brillamment enclenché par les intellectuels français fanatiques de la déconstruction avec la complicité intéressée des élites politiques pour lesquelles toute augmentation de la crétinisation et de l’impuissance politique du peuple va dans le sens de leur projet de nouvelle féodalité dans lequel la masse inculte est réduite en servage au profit du 1% des vrais riches. Il est criminel d’introduire de la complexité inutile et artificielle dans une langue en cours de délitement accéléré grâce aux règnes conjugués de l’image et du numérique. Notre langue se défait à toute allure, ses structures s’effilochent, son vocabulaire se délite.
Comme en tout domaine, avec les langues nous continuons à jouer aux apprentis-sorciers, malgré la conséquence déjà visible de notre hubris, une autodestruction aussi radicale que celle des populations de lemmings surnuméraires. Plaquer l’idéologie sur la langue et sur son étude, mettre la linguistique au service d’une cause, c’est aller au chaos, construire une nouvelle Tour de Babel. Une langue, ce ne sont pas des idées, c’est de la chair vivante, c’est du souffle, c’est du vécu. Jouer avec la langue comme si elle n’était qu’un mécanisme modifiable à volonté, une mécanique à manipuler, c’est entériner sa mort en la vidant de son sens. Notre langue est en pleine hémorragie, elle se vide de son sang, remplacé par de grandes idées abstraites bien incapables de la ramener à la vie. Car plus l’idéologie abstraite croit dominer la vie, plus elle l’élimine et s’élimine avec elle.
Nous devrions laisser la langue évoluer à son rythme, à sa façon, qui est aussi la nôtre, en la canalisant le moins possible, juste assez pour qu’elle garde cohérence et donc signification. Tomber, en pire, dans la même erreur commise au 16e siècle par certains grammairiens humanistes en imposant des normes discutables et parfois erronées est une erreur, d’autant plus qu’à l’époque il s’agissait de tailler pour lui donner forme cohérente un arbre qui partait dans tous les sens, alors qu’aujourd’hui il faudrait mettre des tuteurs à une langue qui se dessèche et s’effondre parce qu’elle n’est en fait plus pratiquée. Le français a soif, non d’être corrigé, déformé ou « réhabilité » mais d’être pratiqué et aimé, que ce soit à l’écrit ou à l’oral.
Deux superbes exemples de l’effondrement en cours : Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, invité sur une radio nationale, se montre par deux fois incapable de pratiquer l’accord de genre le plus évident, répétant : « La question auquel nous avons essayé de répondre… » Et Guillaume Erner, pilier de France-Culture, le rejoignait l’autre jour dans la barbarie analphabète en demandant à propos de la sinistre COP 28 « quelles ont été la manière… ? ». En matière de langue, si même France-Culture donne dans le mauvais genre…

IMPROVISATION
Tout l’art de l’improvisation consiste à te mettre au service du hasard qui dès lors se met à ton service. Et de votre fusion naît l’improvisation. Voir MODE

INDULGENCE (réciproque)
Rien de plus logique que d’être indulgent avec qui nous aime bien malgré nos imperfections. Quand nous nous sentons acceptés, par une pente naturelle, nous acceptons plus facilement ceux qui nous font la grâce de nous prendre comme nous sommes. Ce n’est pas forcément de la complaisance, ça peut être du savoir-vivre. La réciprocité est une des meilleurs façons de se faire du bien.

LAPSUS
Notre inconscient nous trahit souvent. Celui de Sonia Devillers lui a inspiré un superbe lapsus l’autre jour. Parlant des allègements fiscaux qui permettraient aux multinationales d’opérer leur prétendue « transition écologique », elle déclare qu’il faudrait peut-être les encourager : « si on veut encourager le changement climatique ». Nous avons beau cacher notre vérité intérieure, elle finit toujours par se faire jour en dépit de nous…

LIBERTÉ
Il m’arrive d’être prisonnier de ma liberté. Je tiens tellement à elle que je m’y enferme parfois.

LUMIÈRES (philosophie des)
La philosophie des Lumières, Proust la dénonce en creux dans la Recherche, à travers ses fruits. En privilégiant le rationalisme matérialiste, les philosophes des Lumières ont coupé l’homme de son inconscient et de son rêve, autrement dit l’ont mutilé. La philosophie des Lumières, c’est la castration rationnelle. Une mutilation responsable, avec l’esprit de lucre, de l’évolution désastreuse de notre civilisation. Avec les meilleures intentions du monde, l’esprit cartésien, contre lequel s’insurge justement Pascal, a commis un crime contre l’humanité, résultat inévitable de tout rationalisme refusant de prendre en compte l’irrationnel pour comprendre la réalité. La vision du monde rationaliste mécaniste tombe forcément dans une idéologie totalitaire qui en voulant modeler un monde réel conforme à ses théories mène tout droit aux systèmes qui ont été à la fois les plus rationnels et les plus fous, le communisme et le nazisme. Pour ne prendre que cet exemple, l’inhumaine beauté des architectures de Ledoux préfigure les si rationnelles constructions des camps de concentration, ces indépassables fleurons de l’optimisation planifiée. Réduite à elle-même, la raison accouche de ce monstre : une folie pire que la folie. Voir RATIONALISME.

MALFAÇON
Sur France-Inter, la présidente de je ne sais quel Conseil des architectes en commet une sévère, véritable crime contre sa langue maternelle, quand elle lâche : « la façon dont on a fabriqué les bâtiments ne sont pas les mêmes ». Si elle dessine les maisons comme elle accorde en nombre, on peut craindre l’effondrement.

MIEUX (faire de son)
J’ai fait de mon mieux. Certes. Mais ton mieux, c’était pas terrible…
De nos jours, la bonne conscience ne coûte pas cher, elle est constamment en solde au supermarché de l’aveuglement volontaire, ce grand bazar multinational qui en profite pour vendre très cher, dans le même « package », la servitude du même nom.

MODE
Quiconque a visité d’un peu près les églises vénitiennes a éprouvé dans son esprit, dans sa chair et pire encore dans son cœur, les ravages que peut faire la mode chez les artistes mineurs, les suiveurs, les conformistes. Le nombre incalculable de croûtes atroces liées à la mode, aux normes, aux codes, au suivisme, à l’académisme devrait nous faire sérieusement réfléchir sur ce qu’a été la course au fric et au succès de plus en plus folle de l’art prétendument contemporain, course au chaos désormais triomphante.
Terrible castration que la soumission à la mode ! Ne jamais la suivre, mais la fuir ou la dépasser.
C’est là que l’art de l’improvisation est si utile, pour briser à l’aide du hasard le carcan du déjà vu, du déjà fait. Voir IMPROVISATION

MORT (anticipée)
Nous avons si peur de la mort que nous préférons mourir que la regarder en face.

MOYEN (homme)
Pourquoi ai-je choisi de de nommer le recueil de mes émotions et réflexions, Dictinnaire d’un homme moyen ? Parce que les élites de tout poil se sentent plus que jamais au-dessus de l’humanité, nourrissant un complexe de supériorité aussi dangereux qu’injustifié.
Or nous sommes tous des hommes moyens, nous vivons tous le quotidien, nous ne sommes pas des dieux, et c’est notre vie tout entière qui mérite d’être vécue. L’homme moyen vit aussi, mérite de vivre, et ce qu’il vit n’est pas plus dérisoire que les frénétiques agitations des élites qui se créent un monde hors d’une vie réelle qu’elles méprisent parce qu’elles ne savent ni ne veulent la vivre. J’ai le profond désir de réhabiliter l’homme moyen que nous sommes tous et que nous acceptons si peu d’être que notre humanité même en pâtit. Voir ESPRIT

OUBLI
L’oubli. Un outil indispensable, mais très dur à manier parce qu’on risque très vite d’en faire trop – d’oublier ce qui ne devrait pas l’être.
Mais savoir oublier vaut la peine. On s’en rend mieux compte quand on comprend qu’en réalité rien n’est jamais oublié. Chaque instant est mis en réserve, presque toujours hors de portée de notre conscience. Réserve d’où cela pourra sortir au moment opportun si nécessaire, quand nécessaire. Notre inconscient tient les comptes, beaucoup mieux que notre conscience. Des comptes exhaustifs, bien plus précis que les fragments de souvenirs auxquels a accès notre conscience.
Savoir oublier, c’est rafraîchir la vie, repartir à chaque fois, non pas de zéro, mais d’une nouvelle page blanche.
Oublier, c’est donc faire confiance à notre inconscient. Lui laisser faire le tri tout en évitant à notre conscience un embouteillage qui tournerait bien vite à la confusion puis au chaos.
L’oubli, ne serait-il pas aussi la clé du pardon, qu’il s’agisse de pardonner à l’autre ou de se pardonner à soi-même ? Il est des « cold cases » qu’il faut laisser dormir. Ne pas aller les chercher mais les accueillir s’ils refont surface, car là encore l’inconscient ne travaille jamais au hasard et s’ils reviennent c’est qu’il est temps de les revivre pour pouvoir les classer.

OXYMORE
La social-démocratie a réussi ce chef d’œuvre de l’oxymore : incarner l’hypocrisie inconsciente.

PARADOXE
Amusant, puis un peu lassant, le paradoxe dans lequel se complaît Thoreau, celui du donneur de leçons dénonçant impitoyablement les donneurs de leçons… Nous devrions davantage écouter la sagesse des cours d’école : « C’est çui qui l’dit qui y est ! »

PARDON
Comment pardonner aux imbéciles ? Les salauds peuvent parfois s’amender, les cons restent des cons. Leur obstination à demeurer ce qu’ils sont décourage l’indulgence.

PARESSE
Plus la paresse gagne, plus l’art s’étiole. Ce qui permet à l’artiste de se dépasser, c’est la pratique, assidue, profonde, sans complaisance. Tout le contraire de la paresse, qui n’aime que le tout-cuit déjà cuisiné, et préfère, non pas maîtriser la difficulté, mais l’escamoter. Pourquoi créer l’œuvre si le titre se vend ? se dit le paresseux. En art, l’inspiration précède bien moins le travail qu’elle ne le suit.

PERSONNAGE(S)
Vaut-il mieux choisir un de nos personnages potentiels, l’assumer et le vivre jusqu’au bout, comme on avait tendance à le faire par le passé, ou choisir, à la moderne, d’explorer toutes les facettes de nos personnages éventuels ? Ainsi serions-nous successivement, voire simultanément, tous les personnages qui sommeillent en nous, au moins à l’état de germes.

PHILOSOPHE
Un philosophe incapable de dresser et d’allumer un feu devrait être aussitôt brûlé en place publique, comme charlatan. Naturellement, on devrait aussi exiger qu’il sache l’éteindre après l’avoir allumé…

PHOTO
La photo devient art quand elle raconte. La photo emblématique qui se trouve au Caffè Gilli à Florence le dit avec une force irrésistible : c’est toute une histoire que le photographe a su saisir, et il faudrait des pages pour la raconter. Là est la force de l’instantané, cette saisie si immédiate et globale d’une situation qu’elle la rend symbolique, lui donnant une portée universelle à travers l’anecdote particulière. Il n’est pas d’art sans récit, implicite ou explicite, et la grande erreur moderne a été de croire qu’on pouvait faire art en s’exonérant du sens, c’est à dire en détruisant la continuité. Nous avons cru arrêter le temps, c’est notre histoire que nous avons suspendue.
Quand on suspend le temps, là où l’art nous le faisait vivre, il ne reste que son ersatz, le spectacle, pour le faire passer.

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PLAISIR
Le plus sûr moyen de n’être pas heureux, c’est de vouloir sans cesse se faire plaisir. La société de consommation nous le prouve chaque jour et chaque jour nous refusons à nouveau d’en tirer la leçon.

PITRERIES
Les tristes pitreries d’Yves Klein ne peuvent séduire que les incultes ou les trop sachants. Les premiers n’y voient pas malice, les seconds y découvrent à grand bruit une profondeur absente.

POÉSIE
Le problème de la poésie, c’est qu’elle est la plupart du temps inférieure à son objet, parlant de quelque chose qu’elle est incapable de saisir et plus encore de célébrer. Dès lors elle barbote agréablement dans la prose. Passe encore quand elle est sans ambition, mais quand elle se veut orphique, quelle purge ! C’est un peu comme si la poésie servait aux poètes contemporains à se protéger de leurs émotions en les apprivoisant par le verbe. Ce n’est pas ça, la poésie. À tous ces poètes autoproclamés, j’ai envie de conseiller une bonne cure de Blanche Gardin. La vraie poésie n’a pas peur d’être elle-même.

PROCHES
Nos proches, nous les connaissons trop bien pour ne pas les méconnaître. Ils n’ont plus l’attrait de la nouveauté, et c’est notre curiosité défaillante qui fait que nul n’est prophète en son pays.

PROGRÈS
Ce qu’il y a de commun à toutes les idéologies extrémistes, c’est la religion du Progrès. Les nazis n’étaient pas conservateurs, ni les fascistes italiens, et pas davantage les communistes ni les ultra-libéraux. Tous adorateurs inconditionnels du progrès, qui satisfaisait leur insatiable volonté de puissance : il est bien plus facile de dominer le peuple que de dompter la nature. La notion même de progrès a quelque chose de monstrueux, dans la mesure où elle impose la primauté du volontarisme et une vision unilatérale du monde, si anthropocentrique qu’elle implique un progrès de rupture qui constitue une régression de notre insertion dans l’univers dont nous dépendons. Le véritable progrès consisterait à progresser avec le monde et non contre lui. Impossible à l’homme de pouvoir, qui ne vit que pour soumettre et doit combattre sans trêve pour se sentir exister. Le progrès pour lui, c’est de prendre toute la place. Le pauvret espère ainsi échapper à la mort, oubliant que le vrai progrès consisterait à l’accepter et à l’utiliser pour mieux vivre la vie. L’idéologie du progrès est mortifère parce qu’elle est incapable de comprendre que la mort est notre alliée et que nous lui devons le goût de notre vie.

RATIONALISME
L’incroyable sottise du rationalisme mécaniste n’a que trop nui depuis trois cents ans, il est temps de tirer le rideau sur une aporie dont le triomphe passé encore trop présent demeure incompréhensible à quiconque se donne la peine de vivre dans le monde réel tel que chacun de nous peut le percevoir à sa façon. Le dualisme cartésien nous a sorti de la réalité à l’aide des forceps d’une raison aveugle à tout ce qui n’est pas elle. Niant l’irrationnel, niant l’invisible, cette rationalité à la fois infirme et terroriste, en n’admettant qu’une infime partie de notre réalité, s’est mise hors la loi de l’univers, nous emportant avec elle dans l’enfer de la mauvaise foi idéologique. D’où le paradoxe du rationalisme matérialiste, étranglé entre son apparence de raison et sa totale incapacité à gérer un monde qu’il s’est mis d’entrée hors d’état de comprendre en profondeur. Voir LUMIÈRES (philosophie des)

RATAGE
Rater des aquarelles m’est indispensable. Qui ne rate plus n’avance plus. Si je n’en rate pas, je n’en réussis pas. En art comme dans tout le reste, le seul moyen de réussir, c’est l’essai et l’erreur. Dès que je sens que je commence à savoir faire, je remets en cause, j’explore ce que je ne sais pas encore faire, pour revenir ensuite à ce que je croyais savoir faire pour le faire encore mieux si je peux.

RATÉS
Quand j’entends parler le personnel politique d’aujourd’hui, je suis toujours frappé par le mélange de bêtise, d’arrogance et de méchanceté dans lequel se vautrent nos si médiocres représentants. Et je m’étonne que tant d’électeurs pourtant apparemment plus humains que ces pantins puissent voter pour des marionnettes aussi caricaturales.
Dans ce monde mafieux, la « réussite » a souvent tout d’un effrayant ratage, et les nuisibles le sont aussi à eux-mêmes.

RÉVÉRENCE
La révérence, pas mon truc. Le respect, ça se mérite.

RÉVOLUTIONNAIRES
Comme si souvent, les révolutionnaires autoproclamés de mai 1968 étaient des involutionnaires en germe, poussés par une ambition personnelle d’autant plus dévorante qu’elle était inavouée, et d’avance prêts à tout pour arriver au pouvoir, qu’ils comptaient bien exercer sans partage, comme le montrait déjà leur comportement à la fois autoritaire et démagogique. Les voir à l’œuvre, c’était les détester d’entrée, tant était transparent leur absolu manque d’empathie et leur goût dépravé pour la manipulation de leurs semblables.

RICHES
Venise me l’a confirmé depuis 40 ans : partout et toujours, les trop riches, c’est la fin du mystère et c’est la fin de l’âme. Jésus n’a rien dit d’autre, et il est merveilleux de voir à quel point cette partie essentielle de son discours a été occultée par les « croyants ». C’est que nous ne croyons jamais qu’à ce qui nous arrange.

RIEN
La civilisation libérale-nazie actuelle, celle qui règne des États-Unis à la Chine en passant par la Russie, c’est l’apothéose de l’être humain réduit à lui-même, autant dire rien. Même pas l’égal d’un robot, car bien plus seul que lui.

SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS (Église)
Malgré leur bonne volonté, les frères Flandrin ont réussi à conférer à cette belle église gothique l’honneur douteux d’une laideur achevée. Effort de reconstitution d’une insigne maladresse, non technique mais d’âme. Par bonheur, une statue qui avait servi à un réemploi et qui a été découverte place Furstenberg lors de travaux en 1999, rappelle que l’art peut être beau et profond.

SIGNAL
« Aucun signaux n’est venu de nulle part. » dit un quidam dans l’émission À l’air libre de Mediapart. Ils abondent, les signaux qui illustrent la désagrégation de notre langue…

SONORITÉ
À Florence, j’ai été très frappé par la sonorité de l’église Santa Maria Novella ; comme un ruisseau de sons, c’est du son qui coule, une sorte de rumeur, il n’y a jamais de vrai silence, c’est un silence de surface et qui résonne doucement, parfois ça augmente, et c’est moins prenant ; là où c’est vraiment beau, c’est quand on a l’impression que ça parle mais on n’est pas sûr que ça parle, on nage dans un bain de sonorités discrètes peuplé d’échos au bord du silence, tout à fait étonnant, presque irréel. Je n’avais jamais entendu ça.

TEMPS
Quand nous n’avons pas le temps, c’est que nous n’avons pas envie.

THÉÂTRE
Ne voir dans le théâtre qu’un spectacle, c’est à mes yeux se tromper aussi bien sur la nature du théâtre que sur celle du spectacle. Qui réduit le théâtre au spectaculaire aboutira au mieux au music-hall, au pire à cet anti-théâtre qu’est le théâtre de boulevard.
N’attendre du théâtre qu’un spectacle en affaiblit drastiquement la valeur et la portée. Le propos de la démarche théâtrale dépasse explicitement les notions de spectacle et de divertissement. Il les intègre si nécessaire dans son processus de développement, qui est celui d’un rituel, de la célébration de la présence échangée. Mais il les dépasse, car il vise plus loin. Rien d’étonnant à ce que les religions le redoutent, particulièrement la catholique : le théâtre, communion laïque, concurrence la Sainte Messe tout en n’hésitant pas à s’en moquer. Car le rituel théâtral est une cérémonie de purgation des passions, de mise à distance, de prise de conscience et de recul, à travers les larmes ou le rire.
Le spectacle, c’est pour les yeux, le théâtre, c’est pour l’âme. Si le théâtre donne un spectacle, c’est celui de l’âme incarnée, de cet intime universel qu’on ne rencontre qu’en le cherchant à l’intérieur de soi. En dépit de sa rigidité un peu trop hiératique, Laurent Terzieff avait raison, il était dans la chair du théâtre sacré et nourrissait la flamme face à la dégénérescence entretenue par le théâtre de boulevard.
L’actuelle pratique du théâtre souffre de la tragique incapacité contemporaine à hiérarchiser pensées, sentiments, émotions, sensations. Pour vivre une vraie vie et a fortiori pour créer de la vie, il est essentiel de refuser tout relativisme. « Tout se vaut » est la devise de la paresse.
Il y a une différence fondamentale entre les Chevaliers du Fiel et Blanche Gardin…
À mes yeux, au théâtre comme dans la vie, il y a ceux qui tentent de créer et ceux qui se contentent de s’amuser. Quand on s’amuse, on prend du plaisir, et c’est très bien. Quand on crée, ce n’est pas seulement du plaisir qu’on éprouve, mais du bonheur. Quand on s’amuse, on est dans le passe-temps, quand on crée, on ne voit pas passer le temps, ce qui veut dire qu’on en crée. Se faire plaisir n’est pas la même chose qu’être heureux. Le plaisir se prend, le bonheur se gagne. Créer du temps, c’est tout de même autre chose que faire passer le temps !

TITRE
Le titre de mes aquarelles, c’est ma vraie signature, ma signature profonde, celle qui dit : « Voici ce que cette œuvre est pour moi, comment elle résonne en moi, je lui rends sa liberté, à vous désormais de la signer – ou pas – de votre regard, mais comme elle est née de ma rencontre avec l’univers, il m’est essentiel de dire ce qu’elle appelle en moi. »
La titrer, c’est dire d’où elle vient et où elle va, à l’instar des grands peintres-poètes chinois d’autrefois, et s’inscrire dans cette immémoriale tradition. Mon ami Jean Klépal m’a toujours reproché de mettre des titres, mais nombre de ses commentaires sonnaient si bien comme des titres que j’en ai adoptés certains où je reconnaissais la juste résonance que l’aquarelle provoquait en lui comme en moi. Et quand il m’a proposé le portfolio AU-DELÀ, 15 très courts poèmes pour 15 aquarelles, qu’a-t-il fait, sinon apposer sa propre signature, le sceau de sa résonance à chacune d’elles, à l’aide de ces quasi haïkus ?

TRACE
Laisser une trace si légère qu’elle en devient profonde. Ce paradoxe apparent m’habite depuis longtemps. À force de légèreté, atteindre la profondeur en caressant la surface, permettre à la lumière de traverser le papier et d’illuminer la couleur : l’aquarelle est dans ce but le médium idéal. J’ai pratiqué la gravure, discipline magnifique disposant d’une infinité de procédés. Mais la mise en œuvre est lourde, complexe, parfois passionnante, mais toujours polluante, et la plupart du temps un peu brutale – jouissivement. Quand tu graves, tu forces la matière, c’est un rapport guerrier, tu creuses le métal, comme quand tu sculptes la pierre, tu la brutalises pour lui apprendre à vivre.
Je préfère l’aquarelle, qui me permet de laisser l’immatériel faire le travail, d’obtenir la profondeur à force de se refuser à la chercher directement mais en réduisant la présence de la matière au point de permettre à la profondeur de se manifester, d’apparaître à la surface. C’est au fond une question de tact. Faire confiance à la surface et communier avec elle, accepter de la laisser s’ouvrir d’elle-même à la profondeur. C’est l’absence d’épaisseur qui révèle la profondeur. Si c’est très peu épais, la profondeur sous-jacente peut se manifester. Si j’en rajoute une couche, c’est la matière qui se manifeste et éteint la lumière. Empâter, c’est presque toujours une grossièreté, une façon de réduire la peinture à la matière. L’art moderne a parfois réussi à montrer que la laideur peut être belle, mais il a trop souvent prouvé combien elle naît de la vulgarité, de l’absence d’attention à la fragilité de l’autre, chose ou personne. L’empâtement brutal dit la colère de l’artiste pressé, il est un aveu d’impuissance. Peindre, c’est donner de la profondeur à la surface.

TRAHISON
Trahir l’esprit des institutions en en tordant la lettre, c’est le travail des intellectuels liés plus ou moins directement au pouvoir par leur intérêt bien compris, ceux dont Julien Benda dévoilait la trahison dans un livre resté célèbre parce qu’il n’a rien perdu de son actualité, La Trahison des clercs. Armé de la plus parfaite malhonnêteté intellectuelle, d’une mauvaise foi en béton armé et d’une bonne conscience soigneusement nettoyée en permanence de tout doute salissant, le clerc contemporain est chargé de trouver des arguments hypocrites susceptibles de faire passer toute vérité gênante pour un mensonge et les mensonges les plus odieux pour des vérités incontestables.
Au passage, on appréciera l’humour assez noir ou l’infernal toupet, comme on voudra, des prétendus Neuf Sages du Conseil Constitutionnel, qui statuent sur la légalité de la réforme des retraites alors qu’eux-mêmes non seulement bénéficient de retraites particulièrement importantes, mais pour partie absolument illégales et relevant non de la constitutionnalité mais du fait du Prince…
Le principe même de la voyoucratie consiste à exiger de ses sujets un respect de la loi et de l’honnêteté dont elle s’affranchit allègrement tout en ne perdant pas une occasion de se donner en exemple et de donner des leçons de morale
Un débat récent sur France-Culture entre l’imbuvable Raphaël Enthoven et Barbara Stiegler en a donné un bel exemple : comment opposer la vérité des faits à à leur manipulation par un propagandiste dont le cynisme a quelque chose de stupéfiant ? Le combat n’est jamais égal entre la bonne foi et la mauvaise foi, d’où la nécessité de faire apparaître d’entrée dans tout débat de ce genre, les biais hypocrites par lesquels le propagandiste court-circuite et stérilise toute discussion, toute recherche commune d’une vérité.

VARIÉTÉ
N’est-il pas plus intéressant de trouver la variété d’un sujet unique que de varier artificiellement en changeant constamment de sujet ?

VÉTUSTÉ
Le sort des mots anciens et peu usités n’est guère enviable de nos jours, même sur France-Culture. Ainsi le présentateur vedette de cette radio, Guillaume Erner, semble penser que le mot vétusté, par contagion sémantique sans doute, est atteint par la limite d’âge. Cet intrépide manipulateur a donc forgé un brillant néologisme pour remplacer cette vieillerie, et il est apparemment si content de sa trouvaille qu’il l’a baptisée sur les ondes le 14 mars 2023, évoquant par deux fois la « vétusteté » des centrales nucléaires…

vendredi 20 octobre 2023

L’ENGRENAGE

20 octobre 2023, 4h30, nuit noire

Je n’oublie pas la Shoah.
Quoi qu’il arrive, je ne l’oublierai jamais.
Je l’ai découverte tout jeune, et le choc terrifiant de cette incompréhensible et impardonnable monstruosité a failli me rendre fou. Ce jour-là, j’ai perdu d’un seul coup toute confiance en l’humanité – et en moi, par conséquent.
Depuis, je crois que nous sommes tous coupables d’être humains – c’est à dire inhumains.
Je peux comprendre que le peuple juif, principale victime de l’horreur innommable du nazisme, ait cherché par tous les moyens, y compris le terrorisme, à retrouver un pays et la sécurité que donne la puissance économique et militaire.
Puisque la force règle la conduite humaine au point de lui permettre de s’affranchir de toute humanité, comme nous l’avons constaté à nos dépens, servons-nous de la force pour obtenir ce que nous ne pourrons jamais obtenir autrement. Tels ont été le raisonnement et la pratique des Israéliens, et le succès a dépassé leurs espérances.
Mais l’usage de la force comme solution à tous les problèmes nous en rend esclaves et la retourne inévitablement contre nous. Car la force ignore la justice et par là même appelle à la résistance ceux qu’elle contraint injustement.
C’est ainsi que les victimes deviennent à leur tour bourreaux. Et que leurs victimes aspirent à le devenir à leur tour.
La loi du talion a un grave inconvénient. Non seulement elle se répète indéfiniment, chaque camp l’appliquant à son tour à l’autre camp avec le sentiment d’être dans son droit et la satisfaction d’avoir fait à l’ennemi autant de mal que celui-ci lui en avait fait, mais elle tend à l’escalade. Œil pour œil, dent pour dent ne suffit pas longtemps, la vraie logique du talion, c’est pour un œil, les deux yeux, pour une dent, toute la mâchoire. Et que le meilleur gagne !
La « logique » du talion amène inévitablement à la logique de la terreur, que partagent dès lors les victimes devenues bourreaux et leurs victimes converties au terrorisme.
L’humanité ne retrouvera une chance de vivre en paix qu’en sortant de l’engrenage « naturel » par lequel un groupe opprimé trouve dans sa tentative de survie la force que donne la solidarité du désespoir, combat et vainc l’oppresseur, puis devient à son tour oppresseur, avant de succomber à la révolte de ceux qu’il opprime.
Il fait encore nuit. Je suis vidé, effondré. Je revois les photos du livre qui m’a dévoilé Auschwitz, je revois les mots qui ont tué chez moi la foi en l’homme, et 70 ans après, des sanglots me secouent à nouveau. On n’en finira donc jamais ?
Ce qui rend fous les êtres humains qui voudraient le rester, c’est notre impuissance à comprendre que la loi du plus fort est un terrible aveu de faiblesse et un suicide programmé.
Seuls l’échange et le partage sont féconds.
Il est temps pour l’humanité d’accepter d’être faible et d’apprendre à pleurer ensemble.
La vraie force, c’est de décider d’écouter l’autre et de s’écouter soi-même.
Que veut-il dire, et moi, que veut dire ce que je dis ?

samedi 3 juin 2023

AU PAYS DE TARTUFFE : L’HYPOCRISIE, VIOLENCE SUPRÊME...


AU PAYS DE TARTUFFE : L’HYPOCRISIE, VIOLENCE SUPRÊME



Appeler un chat un chat…


L’époque actuelle, sous l’emprise de la communication, tant publicitaire que politique, en est arrivée à un degré de manipulation du langage qui rend presque impossible de définir les choses par leur véritable nom, ce qui permet en même temps de faire régulièrement le contraire de ce qu’on dit.
Pour autant, le technicien de surface continue à balayer, le migrant « éloigné » est bel et bien expulsé, les prélèvements restent des impôts, les forces de l’ordre créent et entretiennent le désordre, les riches escrocs qui nous font les poches sont des premiers de cordée et on nomme langue de bois ou politiquement correct ce qu’il serait plus juste d’appeler de son vrai nom : hypocrisie.
De belles âmes et de beaux esprits, de ceux notamment qui fleurissent dans les rangs clairsemés de la gauche mondaine, celle qui couche avec tous les pouvoirs pour mieux défendre ses « valeurs », s’élèvent avec indignation contre les scandaleux excès de langage du peuple et de certains de ses représentants : pensez, ils osent appeler un chat un chat et dire que nous ne sommes plus en démocratie ! Et quand on leur rappelle les innombrables preuves de la nocivité antidémocratique de l’actuel président, ils hurlent qu’on diabolise Macron, comme s’il ne s’était pas très bien diabolisé tout seul.

Contre l’hypocrisie, rétablir sans cesse la vérité des faits

En quelque domaine que ce soit, rien ne nous exaspère davantage que l’hypocrisie. Parce qu’en ôtant toute valeur à la parole et en détruisant toute possibilité d’échange digne de ce nom, elle vise à nous désorienter et à nous rendre impuissants à retrouver le sens de notre vie et sa réalité.
Suprême injustice puisqu’elle remplace la réalité des faits par une parole fictive, l’hypocrisie est aussi violence suprême parce que déguisée. Comment s’opposer à une violence qui ne dit pas son nom ou qui prétend n’exister que dans l’imagination de ceux qu’elle frappe ?
« Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit »« Je récuse (…) le terme de violences policières ». L’hypocrisie tente de nous interdire de nous opposer à ce qu’elle masque en nous faisant croire que la fiction du mensonge est plus vraie que la réalité. Cela est révoltant, et bien souvent sidérant. L’être humain normal a beaucoup de mal à lutter contre l’hypocrisie, elle le paralyse. Même s’il n’est pas toujours de bonne foi, et s’en rend plus ou moins compte, le cynisme de l’hypocrite lui est étranger, ne serait-ce que par le goût du calcul et de la manipulation qu’il implique. Peut-être l’être humain normal est-il simplement trop paresseux pour prendre la peine d’explorer le cloaque du machiavélisme…
Pour puissante qu’elle soit, l’hypocrisie n’est pas sans failles, et donne même des verges pour se faire battre, pourvu qu’on se donne la peine de la démasquer.
Contre l’hypocrisie, nous avons juste à toujours nous rappeler que ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on dit, mais ce que l’on fait. La réalité ne repose pas dans les mots, elle s’exprime dans les actes. Contre l’hypocrisie, nous avons juste à dire et redire sans cesse les choses comme elles sont.
Face à l’hypocrisie, cette violence suprême qui consiste à violer en prétendant aimer, et qui est le fondement même du travail publicitaire et de toute propagande, nous devons toujours dénoncer la falsification, toujours rétablir la vérité, sans cesse dire les choses en leur donnant leur vrai nom, celui qui correspond à l’action réelle du beau parleur, celle que tout son effort tend à occulter. https://www.blast-info.fr/emissions/2023/repression-la-justice-au-service-du-pouvoir5x5JBvZ9RKKu-FBPhiWn9A
Par exemple, qui peut prétendre que les « interpellations préventives » ne sont pas une des pratiques les plus typiques d’une dérive fascisante du pouvoir étatique ?

Travaux pratiques : derrière les éléments de langage, repérer la réalité des actes

Avec l’actuel débat surréaliste sur la réalité ou non de la démocratie en France, nous tenons un exemple idéal du pouvoir de l’hypocrisie et des moyens de lui résister – en la dénonçant.
Non, nous ne sommes plus en démocratie, et nous le savons tous pertinemment, y compris la plupart de ceux qui prétendent le contraire, oui, ce que j’appelle le libéral-nazisme est au pouvoir et les méthodes qu’il emploie trahissent constamment l’esprit de la démocratie, même quand, et c’est de moins en moins le cas, elles en respectent les formes.
Non, Macron n’est pas un démocrate, c’est au minimum une sorte de despote illibéral, et nous le savons tous ! Il est à mes yeux ce que j’appelle un libéral-nazi, et nombre de ses propos illustrent l’absence totale d’empathie qui est l’un des traits principaux du nazisme comme de sa résurgence libérale-nazie. « Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien », une telle ignominie dit tout de celui qui la profère et de son absence de sens moral.
De même, quand des gouvernants font passer des lois qui de fait tueront de pauvres gens, ce sont en effet des assassins, tout comme quand ils sont corrompus ce sont des malfrats.
La scandaleuse impunité de ces criminels, loin de prouver leur innocence, les rend d’autant plus coupables vis-à-vis des peuples qu’ils ont pris la responsabilité de gouverner et qui sont en droit d’attendre qu’ils le fassent, non à leur profit et à celui de la mafia qu’ils représentent, mais au service du pays et de la population qu’ils sont censés représenter.
Ce fascisme larvé, insidieux, qui présente ses crimes non seulement comme inévitables mais comme vertueux, est presque pire que le fascisme avoué, dans la mesure où il est partiellement indolore, c’est un poison qui abrutit presque en douceur, quitte à devenir violent si la victime se rebiffe. Il est bien plus facile de lutter contre la violence ouverte que contre la violence feutrée de l’hypocrite – qui est la violence des lâches. L’hypocrite aime violer mais ne goûte guère les retours de flamme et c’est pourquoi tout en jouant les Matamore il défile devant des avenues vides….
On peut espérer que nul n’a été surpris par le comportement des pharisiens du Conseil Constitutionnel, agrippés comme des arapèdes à la lettre de la Constitution pour mieux en trahir l’esprit. Les « Sages », entendez les zélés serviteurs du Capital que sont ces professionnels de la politique tout bardés de conflits d’intérêts, n’allaient évidemment pas louper l’occasion de fermer « légalement » sa gueule à un peuple qui avait l’insupportable toupet de vouloir vivre pour autre chose que pour leur servir de paillasson.
Soyons clairs, la violence de ce que j’écris ici et que nous serions des millions à pouvoir signer n’est en fait qu’une très douce réponse à la violence déployée chaque jour davantage par la mafia au pouvoir.

Les masques tombent : le vrai visage de la Ve Ripoublique

En même temps qu’ils nous imposaient le masque, le leur tombait.
Et venait en plein jour la vérité de notre régime actuel : une dictature déguisée, peu à peu mise en place par une oligarchie mafieuse.
Non, n’en déplaise aux hypocrites, dans le monde actuel ce n’est pas la loi qui gouverne, c’est la violence d’état d’une caste mondialisée prête à tout pour garder un pouvoir qu’elle a confisqué, qu’elle exerce à son seul profit au détriment de l’immense majorité des citoyens de cette planète, et de la planète elle-même qu’elle saccage sans aucun souci de l’avenir.
République, Démocratie, derrière ces mots magnifiques se joue le sordide théâtre d’ombres de la mondialisation financière et du règne de l’argent à tout prix dont nous sommes en même temps les jouets et les victimes. Dans le macronisme, qui ne paraît flou qu’à ceux qui ne veulent pas le voir tel qu’il se révèle dans ses actes, la corruption est si présente, si naturelle, si fondamentale qu’elle va de soi et par conséquent ne se voit plus. Elle est l’essence de sa vision du monde.
Le vrai visage de la Ve Ripoublique, c’est le viol systématique en tous domaines : viol de la démocratie, viol de la volonté populaire, le conflit d’intérêts institutionnalisé, la corruption tolérée, encouragée, légitimée, l’industrie dépecée et bradée au pouvoir financier international. Ce sont les arrestations arbitraires, les violences policières excusées, provoquées, encensées.
Il ne s’agit pas de la violence impulsive de l’homme de pouvoir « normal », mais d’une violence délibérée, calculée, en un mot perverse, celle d’un système. Utiliser les outils de la démocratie et les institutions de la république pour détruire la démocratie et confisquer la république au profit des intérêts privés d’une infime minorité d’ultra-riches, c’est en fait, sinon en droit, de la haute trahison. Non seulement nos gouvernants n’ont plus aucune vraie légitimité, non seulement ils ont multiplié mensonges et abus, mais ils trahissent délibérément la démocratie, ils trahissent les institutions, ils trahissent le peuple français.

Le respect, ça se mérite

Nous ne sommes pas et n’avons jamais été des factieux, nous sommes des citoyens responsables face à des politiciens irresponsables. Nous savons qui sont les factieux, nous subissons leurs méfaits depuis trop longtemps. 50 ans de mondialisation financière synonyme de désastre humain et climatique, ça suffit. L’argent ne respecte rien et ne donne droit à aucun respect.
Nul ne peut ni ne doit respecter qui le méprise, aucun peuple ne peut considérer comme légitimes ni respecter des dirigeants qui le trahissent et le violentent. La démocratie, ce n’est en aucun cas un régime dans lequel les pouvoirs élus auraient le droit de forcer leurs électeurs à faire ce qu’ils refusent absolument de faire. La façon dont il se conduit depuis ses débuts en politique et particulièrement depuis qu’il est président a rendu ce tyranneau immature totalement illégitime, ainsi que tous ceux qui ont accepté de cautionner ses errements antidémocratiques.
https://www.mediapart.fr/journal/france/280323/macron-et-les-affaires-la-grande-defection
Et qui commencent, pour les plus lucides, à s’en mordre les doigts.
Par sa brutalité, son arrogance et son obstination l’actuel président aura ainsi ouvert un boulevard à Marine Le Pen, et le sytème sponsorisera discrètement, « divine surprise ! », l’éventuelle élection de notre première Présidente de la République, à charge pour elle de renvoyer copieusement l’ascenseur comme l’a fait avec tant de zèle et de succès l’actuel président depuis ses débuts en politique. Tout est ainsi mis en place pour assurer la transmission du flambeau de la droite dure à une extrême-droite soigneusement tenue au chaud plus de trente ans, en réserve de la Ripoublique. Car le libéral-nazisme est désormais d’autant plus compatible avec l’extrême-droite fascisante qu’ayant boulotté presque toute la carotte, il se voit contraint pour en terminer la dégustation de recourir au bon vieux bâton, de préférence à clous.

Transition vers l’inhumain

Dans la situation où ils se sont mis et où nous les avons laissés nous mettre par notre passivité, leur seul moyen de s’en tirer c’est de passer petit à petit, par avancées et reculs savamment dosés, de la démocrature à la dictature pure et dure.
Ce que Macron, Borne et les autres domestiques de la Finance Reine préparent, c’est la Transition Rêvée. Un magnifique retour à la case Départ, une merveilleuse Nouvelle Féodalité qui permettra de gérer à grands coups de matraque et de drones la catastrophe en cours afin que ceux qui l’ont provoquée en retirent tout le profit possible aux dépens de ceux qui la subissent.
Et cela se fait en pleine conscience comme en toute bonne conscience, le libéral-nazisme, si on lui donne le choix entre démocratie et dictature, n’hésitant jamais à préférer la seconde tout en proclamant benoîtement qu’« il n’y a pas d’autre alternative ». Quant aux esclaves, s’ils tentent de se révolter, on les éborgnera au nom de l’Ordre, c’est à dire du maintien de l’esclavage. Voyez les Lallemand, les Nunez, les Darmanin, ces couteaux suisses du boucher. Nous devons enfin comprendre que nous avons affaire à des êtres de pouvoir aux yeux desquels le peuple n’est que piétaille, « foule » indifférenciée, populace à mater et exploiter. Nous devons enfin le comprendre, ils ne fonctionnent pas comme nous, et pour eux, de fait, nous ne sommes réellement rien.
Leur politique tout entière le prouve.

Guerre (in)civile : choisir entre Involution ou Révolution

Ils ont donc bien raison, ceux qui se veulent nos maîtres : il n’y a pas d’autre alternative.
Face au rouleau compresseur de leur violence tous azimuts, nous allons devoir nous soumettre ou nous soulever. Entre le réchauffement climatique et l’empoisonnement généralisé voulu et organisé par une oligarchie folle de pouvoir, de paraître et de profit, c’est désormais une question de vie ou de mort.
S’ils ne changent pas, nous devrons les changer pour survivre.
Sans oublier de nous changer nous-mêmes, sans quoi nous tomberons dans leurs travers, comme ce fut si souvent le cas dans le passé.
Quand l’involution atteint ce point de d’indignité, de cynisme, de mépris et d’horreur, quand elle est devenue pure régression assumée et imposée, et que s’étale un retour à la féodalité la plus esclavagiste, quand la vie sur Terre tout entière est menacée, la seule issue possible est la Révolution, c’est à dire un changement profond de notre rapport au monde et à nous-mêmes.
Car ils ne s’arrêteront pas, nous seuls pouvons mettre fin au pouvoir que nous leur avons stupidement consenti. Leur fuite en avant se nourrit de nos renoncements.
La guerre civile avec son cortège d’horreurs et de destructions, ils y sont prêts. Ils l’attendent, ils la préparent, ils la veulent (90 véhicules blindés armés en guerre commandés pour la Gendarmerie après les Gilets Jaunes, et le nouveau blindé léger de l’armée clairement adapté au combat de rue et au maintien de l’ordre au sens le plus complet du terme, c’est à dire quel que soit l’ordre, et fût-il le plus criminel et le plus inhumain). Leur rêve, déjà en partie réalisé : écraser l’humain pour qu’advienne enfin le règne inhumain d’un transhumanisme qui se voudrait tout-puissant mais n’est que suicidaire.
Car la quête du pouvoir, le règne de la finance, ce sont les choix des morts vivants, de ceux qui ne savent vivre qu’en parasites.
Les involutionnaires sont toujours les pères de la Révolution que leurs abus rendent inévitable.
Révolutionnaires, les peuples ne le sont jamais qu’à contrecœur.
Parce qu’ils savent le prix de la révolution et que ce sont qui eux qui le payent.
Parce qu’ils savent aussi qu’aucune révolution ne garantit d’entrée un avenir meilleur.
Mais il nous faut choisir : accepter l’involution qu’on nous impose et qui nous détruit ou opérer ensemble la vraie révolution, une mutation de l’humanité au service de la vie.

Jusqu’à quand serons-nous les complices de ces bourreaux qui se présentent comme nos sauveurs ?



Quand Le Monde s’autocensure dans la joie et la bonne humeur…

samedi 20 mai 2023

LE JOKER, LE FLAPIN ET LE RAGEUR



LE JOKER, LE FLAPIN ET LE RAGEUR



Devant l’obstacle, nous avons parfois envie de sortir notre joker, de passer notre tour.
Au dernier moment, nous refusons de nous brûler. Et nous perdons la flamme qui nous ferait décoller. Faisant d’un excellent musicien, d’un brillant comédien, un véritable interprète. Qui ne répète plus, mais recrée. C’est le coup de la montgolfière : elle ne peut voler que grâce à l’air brûlant de son foyer.
Trouver l’envie et le plaisir d’aller même là où ça peut faire un peu mal, afin d’être vraiment bien. Entre la créativité et la création, il y a la même distance qu’entre le plaisir et le bonheur. Se révéler est plus intéressant que s’amuser, et c’est finalement beaucoup plus amusant.
C’est toute l’histoire du flapin et du rageur : le flapin fait ce qu’il sait faire, ce qui marche, il se repose sur ses trucs et se fait plaisir, le rageur ne se contente pas de ce qu’il sait faire, il veut faire ce qu’il ne sait pas encore faire. L’un veut (se) plaire, l’autre veut (se) découvrir.
Au bout des épines, il y a la rose ! Les fleurs artificielles sont sans épines, mais aussi sans parfum.
La créativité ne fait que passer, la création tend à durer. La créativité séduit, la création partage.
La créativité fait passer le temps, la création engendre de la vie.

Tant que nous ne prenons pas le risque de flamber de l’intérieur et de laisser sortir cette flamme à l’extérieur, de la partager, nous ne donnons ni flamme, ni lumière ni chaleur, nous faisons de la fumée, une jolie petite fumée vite dissipée, mais qui, comme le voulait notre paresseux ego, masque notre âme et sa capacité à créer. Pascal appelait cela le divertissement…

Ne serait-il pas dommage que notre Joker soit le seul Clown que nous sortions de notre jeu ?
Il est bon que nous disposions d’un joker. À condition qu’il ne finisse pas par disposer de nous ! S’il devient permanent, s’il est le moyen pour notre ego de ne jamais se mettre en question, il ne nous protège plus, il nous emprisonne. L’ego dit à l’âme : « Pas question que tu sortes, tu mets en danger mon image, l’essentiel est risqué, c’est l’inconnu, contentons-nous du confort bien connu de l’accessoire… »
Quand nous commençons à jouer, à écrire, à peindre, nous repartons toujours de zéro. Même si nous sommes des virtuoses de notre art, à chaque fois nous repartons de zéro. Pire, plus nous maîtrisons notre technique, plus nous devons vivre ce redoutable paradoxe de découvrir sans cesse que, depuis le sommet que nous avons atteint, nous repartons à nouveau de zéro. Ça devient fatigant à la longue, et c’est pourquoi il est parfois nécessaire de sortir de notre manche un reposant Joker. Mais il faut aussi savoir le rentrer dans sa boîte, ce Joker si tentant, parce qu’autrement, nous ne faisons plus rien… que nous répéter !

Se sentir libre est essentiel, prendre la liberté de se libérer l’est tout autant.
Plus nous souhaitons donner vie à notre rageur, à cet élan en nous que Michaux nomme Clown, plus nous voulons libérer et exercer notre âme créatrice, plus forts sont les enjeux et les craintes qu’ils suscitent, et par conséquent plus grande la tentation d’utiliser notre Joker…

Le seul moyen de conjurer nos peurs, c’est d’aller voir là où on a peur, et de quoi on a peur.
Ayant vécu nos peurs, nous ne les laissons plus nous empêcher de faire ce que nous voulons faire, nous empêcher de réaliser nos rêves. La peur nous empêche d’être pleinement nous-mêmes. Mais nous pouvons aussi nous servir d’elle pour devenir nous-mêmes. La peur peut être un moteur, et nous savons bien que le stress, le trac, sont des moteurs indispensables.
Nous ne supportons pas d’être contraints, et nous avons raison. Mais qui nous contraint plus que nous-mêmes ?
Nous avons à tout instant le choix d’être libres.

lundi 20 février 2023

REMARQUES EN PASSANT 35



L’Annonciation, Fra Angelico, AS 2022



« Toute civilisation est de l’intelligence rendue sensible au cœur. »

André Suarès




L’époque me rend rebelle aux certitudes. Si je souhaite continuer à tenter de vivre et de célébrer les valeurs qui ont jusqu’ici cahin-caha conduit ma vie, je me sens moins que jamais capable de répondre à toutes les questions que me pose le monde où je continue provisoirement à vivre. Ces questions, je peux tout au plus les poser à mon tour, en tentant de les examiner honnêtement, je ne dirai pas sans préjugés, mais du moins avec la conscience de mes préjugés. Je ne souhaite pas énoncer des vérités intangibles mais proposer au débat mes petites vérités personnelles pour tenter de découvrir avec qui le souhaite quelques-unes des nombreuses facettes d’une vérité que nous croyons trop souvent plus simple qu’elle n’est.
D’où, depuis 20 ans mes Remarques en passant, dont voici la 35e livraison.
Même si j’adopte parfois un ton ironique, voire provocant, je ne présente donc ici ni conclusions ni jugements, mais les réflexions personnelles de l’homme moyen, points de vue et propositions mettant souvent en question des opinions et des théories qui me semblent vouloir s’imposer arbitrairement, pour devenir des consensus allant tellement de soi qu’ils devraient échapper à tout examen. Face aux idées reçues, nous sommes de plus en plus cordialement invités à l’autocensure, et, si nous refusons cette castration de l’intelligence, soumis à une censure de fait ou à des interdits parfois renforcés par la loi, au grand dam de la liberté d’expression.
On sait quand commence la censure, on ne sait jamais jusqu’où elle ira. Je voudrais pour ma part que l’on puisse encore aborder tous les sujets, en examiner tous les aspects, exposer et discuter honnêtement tous les points de vue, particulièrement ceux qui semblent indiscutables : que son ancienneté l’ait installée dans la conscience collective ou que sa nouveauté lui donne la dangereuse séduction de l’inédit, plus une idée est « reçue », plus on devrait se demander pourquoi elle l’est…
Extrême-gauche, extrême-droite, mais aussi et peut-être surtout extrême-centre, des minorités très bavardes et agressives s’efforcent de confisquer la parole pour s’octroyer une légitimité qui naît davantage de leur propagande incessante que de la justesse et de la cohérence de leurs théories. Toute idéologie a vocation à faire système, au détriment de la réalité, qui est aussi variée que complexe. Forcer le réel à entrer dans notre vision du monde bride la vie avant de la tuer.
Questionner les questionneurs qui prétendent régenter nos pensées mais aussi nos vies, et proposer une autre vision des choses, pas forcément meilleure mais au moins différente, est donc à mes yeux le premier devoir du citoyen.
Je voudrais, de concert avec mes éventuels lecteurs, promouvoir une réflexion partagée qui s’autorise à examiner tous les aspects de la réalité, des plus plaisants aux plus douloureux, des plus exaltants aux plus sordides. Et à tenter de faire naître une civilisation humaine enfin digne de ce nom.



L'Annonciation, Fra Angelico, AS 2022 {JPEG}
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ACCEPTER
Admettons nos contradictions et notre faiblesse, et remettons un peu de finesse dans notre analyse du réel. Comme nous tous, par paresse et facilité, j’ai tendance à voir les choses plus simples qu’elles ne sont. Débattre, cela devrait être s’entr’aider à voir la réalité dans toute sa variété et sa complexité, afin de pouvoir agir de concert et en connaissance de cause. Comme le fait la Vierge dans L’Annonciation de Fra Angelico, accepter, c’est accueillir une vérité qui nous dépasse et à laquelle nous ne pouvons échapper et tenter de la comprendre et de la partager en la laissant agir en nous. Voir DÉBAT

ADULTE (âge)
Devenir adulte, c’est trop souvent mourir à sa vie personnelle pour entrer dans la vie sociale. Je ne sais pas d’où cela me venait, mais je me suis efforcé très tôt de refuser cette démission. Et suis donc resté un adolescent attardé, ce qu’on appelle parfois un adulescent – autrement dit un franc-tireur. La liberté, c’est le fait de ne pas se laisser castrer. Je connais beaucoup de gens plus ou moins castrés, soit de leur fait, soit par les systèmes auxquels ils se soumettent et dont ils adoptent les normes mutilantes.
Ma liberté toute relative de rebelle privilégié, j’en ai, comme il se doit, payé le prix, en matière de solitude et de rejet mais aussi en trichant parfois avec les règles de notre société. De petites saloperies pour échapper à l’embrigadement. Commises pour tenter de m’éviter d’en commettre de pires, certes, mais tout de même des saloperies…
On ne résiste pas sans se salir un peu les mains.

AMBITIEUX
« Il n’est pas exact que l’idée de la mort nous débarrasse de toute pensée vile. Elle ne nous fait même pas rougir d’avoir de telles pensées.
Rien ne nous corrige de rien. L’ambitieux demeure tel jusqu’à son dernier souffle et poursuivrait fortune et renommée même si le globe était sur le point de voler en éclats. »
Rien mieux que ces mots de Cioran ne décrit la dangerosité de l’individu irrémédiablement taré qui occupe actuellement une fonction présidentielle dont il est à tous égards indigne.

AMOUREUX (le paradoxe de l’)
S’avouer amoureux semble le meilleur moyen d’empêcher l’autre de l’être. Ce qui revient à dire qu’en matière, non d’amour, mais de désir, savoir dissimuler ce que l’on ressent est à peu près le seul moyen de le faire partager. Comme toujours, très logiquement, l’être humain n’attache pas autant de prix à ce qui lui est offert qu’à ce qu’il doit acquérir. D’où peut-être l’étrange expression « tomber amoureux », qui signale l’état de faiblesse et d’infériorité probable de la personne qui se trouve désirer avant de savoir si elle est désirée. La personne dont nous sommes amoureux souvent nous aime elle aussi, mais pas de la façon qui nous conviendrait, et c’est l’une des raisons qui rendent si improbable, quoique nullement impossible, une amitié profonde entre l’homme et la femme, amitié qui s’épanouira d’autant mieux que le désir ne viendra pas la parasiter. Ou qu’il en consistera la cerise sur le gâteau, non le gâteau lui-même.
Adolescent, je me demandais parfois : les êtres humains aiment-ils qu’on les aime, ou préfèrent-ils aimer qui ne les aime pas ?

ANCÊTRES
Nos ancêtres, ceux que nous avons connus et aussi ceux que nous n’avons pas connus, ne serait-ce pas gai de les retrouver ? Peut-être est-ce une des motivations qui nous ont fait inventer la vie éternelle. Regarder les films de mon père enfin numérisés m’a mis en présence de tous ces disparus que je n’ai pas oubliés, mais que je retrouve, et cela change tout, au moment où ils étaient en pleine vie, en pleine forme, dans leur jeunesse ou leur maturité, alors que dans mes souvenirs ils m’apparaissaient tels qu’en leur vieillesse je les avais connus. Nous avons tendance à garder en mémoire la dernière image vivante de nos morts, qui n’est ni la plus flatteuse ni la plus véridique, mais une sorte de résumé, palimpseste contenant les divers moments d’une incarnation en constante évolution.

ARTISTES
Les plus grands artistes de ces cent dernières années ne sont à mes yeux ni des peintres, ni des sculpteurs, même si quelques-uns d’entre eux ont été de vrais créateurs, voire d’authentiques génies. Les grands artistes modernes viennent des arts nouveaux, ils ont été cinéastes, dessinateurs de bandes dessinées. Il faut être aveugle pour mettre des Rothko ou des Soulages à la hauteur des Chaplin, Bergman, Fellini, Tati ou Visconti, et je pourrais citer vingt autres cinéastes majeurs à la cheville desquels les Warhol et les Basquiat sont bien loin d’arriver.
Quant à Hergé, Franquin ou Sempé, ils sont infiniment supérieurs aux barbouilleurs et bidouilleurs susnommés. Et qu’on ne me dise pas que ça n’a rien à voir. Qu’on y réfléchisse honnêtement deux secondes, et l’on verra qu’au contraire ça a tout à voir. L’art n’est pas dans le médium ni dans la prétention de l’artiste, ni dans la vénalité du marchand, la spéculation du milliardaire ou le consensus intéressé d’une critique ayant échangé le sens critique pour le sens des affaires, il est dans la force et l’influence de la création, dans la beauté d’une œuvre assez riche et originale pour durer. De ce point de vue, il n’y a pas photo.

BACH
Il aurait dit : « Je joue pour le plus grand musicien au monde : Dieu. Et s’Il n’était pas là ? Je joue comme s’Il y était. » 
Et je comprends mieux la belle formule de Suarès : « Bach révèle l’intelligence au cœur et pénètre d’amour toute l’intelligence. » Suarès, Pages, Éditions du Pavois.

BEAUTÉ
La beauté des femmes est une fête, entre lucre et luxure nous avons réussi à en faire un enfer.

BOURGEOISIE
Petite, moyenne ou grande, la bourgeoisie n’apprend jamais rien, parce qu’elle est constamment dominée par la peur, qui est la malédiction de la propriété. À trop conjuguer le verbe avoir, on oublie le verbe être…

CARESSER
Pour moi, peindre, c’est caresser la vie. C’est là que je suis au plus près d’elle. Caresser la vie, c’est la traiter avec un respect amoureux, et non la violer stupidement, comme le font tant d’autoproclamés artistes « contemporains ». Mes aquarelles, je voudrais en les peignant qu’elles caressent la peau du papier qui s’ouvre au pinceau, qu’elles caressent la vibrante humidité de l’eau et les couleurs onctueuses, qu’elles ne soient pas dans la conquête, dans la prise, mais qu’en la caressant, à force de douceur elles traversent la vie, arrivant par là même à son cœur, où est la plénitude. Quand on est dans la conquête, on ne partage pas, on occupe ; et ce qu’on occupe, c’est une apparence morte.
Il ne s’agit pas de pénétrer le papier, de lui arracher sa lumière, mais de la mettre au jour, de la faire se lever, épanouie.

CROÛTE
Il y a des peintres dont la peinture salit les yeux. D’où l’usage trop souvent justifié du mot « croûte »… Rien n’abîme notre regard comme une mauvaise peinture.

DÉBAT
Le vrai débat, ce n’est pas tenter d’avoir raison à tout prix, c’est renoncer à ses certitudes, au moins pour un moment, afin d’envisager d’autres visions du monde et de voir s’il n’y aurait pas moyen de les faire cohabiter, ou mieux encore, collaborer et se compléter, voire se rejoindre. Qui refuse le débat choisit la guerre, qui n’est jamais la victoire de la justice mais le triomphe du plus fort.
Pas de débat dans la guerre, mais de la propagande, et le règne d’un mensonge destructeur de toute vérité et qui finit par se détruire lui-même tant il a perdu contact avec la réalité. Voir ACCEPTER

DÉCHÉANCE
Les grands artistes étaient considérés comme des maîtres, non comme des démiurges. Avec la bourgeoisie triomphante et la religion du commerce et du profit, le respect et l’admiration du grand artiste ont été remplacés par la dévotion servile qui s’adresse à la Réussite et aux Affaires, pardon, au Business, moyennant quoi sont apparus dans le domaine de l’art non plus de vrais créateurs peu à peu reconnus à leur juste valeur, mais des histrions qui ont revêtu les dépouilles des artistes précédents pour leur succéder à moindres frais en utilisant les recettes toutes faites et les rituels spectaculaires des charlatans. Confusion flagrante dans l’art contemporain, où l’on consacre et porte aux nues des artistes médiocres, brillants publicitaires, et promoteurs outrecuidants de leurs chefs-d’œuvre autoproclamés. Tout pour l’effet, rien pour l’effort. Car tel est l’avantage de la créativité sur la création : la concrétisation d’une idée peut être confiée à des petites mains ou mieux à des robots. De l’atelier à la sous-traitance, on n’arrête pas le progrès. Le commerce y trouve son compte, l’art quant à lui est parti voir ailleurs.

DÉLIQUESCENCE
Proférés par une jeune écologiste dont je partage par ailleurs largement la vision du monde, les quelques mots qui suivent illustrent mieux qu’une longue démonstration l’état de déliquescence de la langue française, littéralement déchiquetée, démembrée et décérébrée par ses usagers : « privés de besoins vitaux et fondamentals ».
Même son de cloche fêlée sur France-Inter, toujours aussi avide de sauvegarder la langue française : « La mobilisation reste très porteur politiquement ». Et Yaël Gosz de renchérir : « C’est ce qui a convaincu à son tour les députés LR ». D’une journaliste sportive brute de décoffrage : « Même s’il ne préfère pas trop penser à la Coupe du Monde ». De l’ineffable Léa Salamé : « Il faut que vous les convainquiez, à ces gens-là… ». Mention Très Bien à ce courageux paradoxe : « Le travail continue, même si les convergences subsistent. ». « Y a des mutations qui fait que c’est difficile » ose l’insupportable Finkelstein, ce cuistre fielleux. Quant à Manuel Bompard, il lance avec un aplomb qui fait bien augurer de son avenir politique : « Quand je regarde les votes qui sont celles des autres partis ».
« Est-ce qu’il n’est pas imaginable d’imaginer que… » susurre Guillaume Erner sur France-Culture, prouvant magistralement que de nos jours rien n’est plus inimaginable. Le même, très en verve : « C’est une prise de conscience, même si celle-ci peut se dérouler de différents modes. »
Prix d’excellence à Esther Duflo avec ce joyau : « pour que les gens puissent pouvoir payer leurs factures. »
Arrêtons là ce florilège consternant, bouquet de barbarismes cueilli, tout frais pondu, si j’ose dire, chaque matin sur les radios d’État (ne parlons surtout pas des privées, qui le sont autant d’intelligibilité qu’elles le sont d’intelligence, vouées qu’elles sont à la propagande la plus brute).
L’usage que nous faisons de notre langue dit aussi celui que nous faisons de notre cerveau. Comment penser quand on ne comprend plus l’instrument de la pensée ?

DÉSABUSÉ
Ce n’est pas parce qu’il aurait tout vu que le regard du vieillard s’éteint peu à peu. C’est parce qu’il a fini par comprendre que depuis sa naissance tout ce que son regard rencontre lui échappe à l’instant même de la rencontre et qu’il n’en garde que la cendre refroidie du souvenir. Le seul moyen de n’être pas désabusé – de ne pas vieillir, en somme – c’est de regarder chaque instant comme le seul qu’on ait jamais vécu. Dès que je pense ce que je regarde, je deviens vieux. Nous ne perdons ce que nous vivons qu’en cherchant à le revivre. Quand je suis vraiment présent, je suis là tout entier, et tout mon passé avec moi, d’autant plus vivant qu’invisible.

DIEU
Sottise du scepticisme : « Je ne peux pas prouver que Dieu existe, donc Dieu n’existe pas. » Tout aussi stupide, la foi du charbonnier : « La preuve que Dieu existe, c’est que je crois en Lui. »
Ou le raisonnement pervers de Pascal : Je ne peux pas savoir si Dieu existe, mais je crois quand même en Lui, parce que ça m’arrange. »

FÊTE (faire la)
J’écris souvent pour secouer ma vie, la ranimer, me réveiller. Me rendre aussi présent que possible à cette fête incessante qu’est la vie. Si je n’ai jamais eu besoin de « faire la fête », c’est qu’à mes yeux la fête, c’est la vie. Vivre est une fête. Me lever le matin, me coucher le soir, dormir, travailler, manger, tout dans l’existence m’est une fête. Pourquoi faire la fête puisqu’elle est déjà là ? Faire la fête, c’est trop souvent forcer la vie, et quelle tristesse dans cette volonté d’obliger la vie à devenir belle, comme si elle ne l’était pas déjà !

GENS
Plus je vieillis, plus c’est avec les gens que j’ai envie de vivre. Pas avec leurs doubles de papier. Si je n’ai pas envie d’écrire des romans, ce n’est pas seulement que je doute d’en être capable, c’est aussi que j’ai envie de vivre ma vie comme un roman. Je comprends qu’on veuille créer de la vie par le roman, et j’admire ceux qui y parviennent. Mais je n’ai pas envie de vivre ma vie par procuration, comme une sorte d’ersatz, un artefact qui me ferait démiurge d’un monde virtuel. Pour moi aucun personnage ne vaudra jamais une personne. Même si peu de gens m’ont donné autant de plaisir que mes livres préférés, j’ai bien plus appris de mes rencontres avec mes congénères, lourdes de tout le poids de la vraie vie, que de la lecture des jeux du cirque mondain génialement mis en scène par Proust.
Il n’y a de vie dans les livres que si j’y apporte la mienne, qu’ils ne peuvent en aucun cas remplacer.
Je les aime d’amour depuis mon enfance, mais, et c’est aussi à cause de cela que je les aime, la vraie vie n’est pas dans les livres. Et encore moins sur les écrans. Auxiliaires de vie, tant qu’on voudra. Ils peuvent nous aider à vivre davantage et surtout mieux. Mais en matière de vie, se réfugier dans la copie revient à tuer l’original.

HIÉRARCHIE DES VALEURS
Un pays où les policiers sont mieux payés que les enseignants est un pays en état de mort cérébrale.

IMPERFECTION
Chacun de nous est mieux placé que personne pour savoir qu’il n’est pas parfait. Mais croit à tort avoir plus intérêt que tout autre à ne pas s’en rendre compte…

INFAILLIBILITÉ
L’idée selon laquelle un grand peintre ne pond que des chefs-d’œuvre est une idée de marchand. Rien n’est plus dangereux pour l’art que cette propension à prendre le moindre gribouillage d’un artiste célèbre pour une œuvre accomplie. Confondre la signature avec la création, c’est ouvrir la porte au relativisme le plus obtus et encourager une confusion mortelle entre la renommée et la réalité. Pas d’art possible sans un esprit critique assez affûté pour ne pas céder à l’admiration automatique.

KIEFER (Anselm)
En fait, quel que soit son talent, Kiefer ne m’intéresse pas. Sa vision des choses est à mes yeux dépassée, tant philosophiquement que techniquement. Le ressassement complaisant d’un passé qu’il n’a même pas connu, le gigantisme industriel de sa peinture, son usage du marketing, c’est à mes yeux du pipeau mégalomaniaque libéral-nazi typique. L’Obersturmbannführer Macron ne s’y est pas trompé, qui porte au pinacle ce nostalgique déguisé de la Gross Deutschland. Des obsessions, mais rien de vraiment senti, car l’obsession est le contraire du vrai ressenti. Kiefer est de son époque pachydermique, ce qui suffit à le condamner. L’art contemporain de marché, et Kiefer y participe désormais pleinement, est avant tout un art d’impuissants, qui n’arrivent à faire semblant de bander qu’à l’aide d’innombrables béquilles. Confondre artistes et pervers narcissiques va fort bien aux eunuques de la finance. Face à la psychose du quantitatif, il nous faut l’exploration du petit, pas la soumission à la frénésie du toujours plus.

KLEIN (Yves)
Que cet histrion hystérique ait pu faire passer ses puériles provocations pour de l’art n’a rien d’étonnant. Dans une époque qui a perdu tout repère et sombré dans un relativisme inculte, fait de l’effet et vend sa merde celui qui tape le plus fort sur la grosse caisse de son nombril, et se montre avec fierté plus ouvertement stupide que ses concurrents bateleurs. Quand on ne sait plus ce qui a du sens, ce qui de toute évidence n’en a aucun est d’autant plus apte à en prendre. Nier l’idée même de faire sens est alors un repère aussi nouveau qu’évident. Puisque ce qui avait du sens n’en a plus, ce qui n’a pas de sens fait sens. Sauf que ce nihilisme complaisant n’est qu’un amateurisme carnavalesque, amusant tant qu’il ne se prend pas au sérieux. Or Klein se prenait très au sérieux et cela seul aurait dû faire qu’on ne le prenne pas au sérieux. Mais ce provocateur en mie de pain est bien moins à blâmer que les profiteurs qui l’ont encensé, cyniquement ou sous l’empire de leur propre stupidité. Qui ne me croit pas lise ses textes, aussi creux que prétentieux.

LIBERTÉ
La prétendue liberté de beaucoup de nos contemporains consiste à se priver de tout – jusqu’à se priver d’eux-mêmes. On voit tout un chacun s’interdire le sexe, s’interdire presque toute nourriture, se priver de la différence et pour finir se priver de soi-même et de sa véritable personnalité en faveur d’une identité collective fantasmée. Une liberté qui n’en finit pas de fermer des portes, c’est un esclavage, et si complet qu’il en devient inconscient.

MATÉRIALISME
« Je ne crois pas à ce que je ne vois pas. » Aveuglement volontaire et paresse intellectuelle, pire, vitale. Le rationalisme des Lumières est fondamentalement irrationnel, et comme tel d’essence profondément « religieuse », au pire sens du terme. Il est juste et nécessaire de relever les horreurs commises par les religions. Mais la religion rationaliste des Lumières a causé plus de morts et d’horreurs en 250 ans que toutes les religions réunies en 2500 ans…
Pourtant, bien que depuis plus d’un siècle toutes les avancées de la science technologique aient montré non seulement ses limites mais son essentielle vacuité, le rationalisme mécaniste gouverne plus que jamais notre vision schizophrène et paranoïaque du monde.
Aimons la science, la vraie, celle qui doute, même de l’évidence.

MORT (du père)
À la mort du mien, j’avais noté ceci : Le plus terrible, c’est notre incapacité à vivre cette douleur de la mort de ceux que nous aimons. C’est tellement énorme, la mort, et nous n’avons pas de réponse. Même si nous avons la foi, il vient toujours un moment où nous n’avons pas de réponse. Et s’il est une réponse, ce n’est pas nous qui pourrions la donner. C’est du ressort de Dieu, dont nous ne pouvons même pas savoir s’Il existe. Et Dieu, devant la mort, c’est loin. Même tout proche, c’est encore très loin. Aussi loin que le mort sous nos yeux, dont nous touchons encore le front. C’est lui, et il n’est plus là ; il est là, et ce n’est plus lui.
Il a les yeux fermés et la bouche ouverte. Mais il ne fait plus de bruit en mangeant. Et ça me manque d’autant plus que j’en fais maintenant presque autant que lui. Dieu sait pourtant que ça m’agaçait, fut un temps. Il a les yeux fermés, il est pâle et froid comme un marbre ou un gisant de bois dans une église vide. Sa barbe pointe vers le ciel, peut-être qu’il la laissait pousser depuis quelques années pour prendre tout doucement racine dans l’au-delà.
Ça me bouleverse, mais je suis heureux de le voir et de le toucher parce que je sens très fort qu’on ne vit pas vraiment si on ne regarde pas la mort en face.
Il a de grandes oreilles. Comme ça, il entend ce que j’ai à lui dire. On voit beaucoup mieux les oreilles des gens quand ils sont morts. Tout comme on est davantage à leur écoute quand ils se sont tus. On croit toujours pouvoir réparer l’irréparable, tant qu’il n’est pas advenu.

MÜNCH
À l’exposition d’Orsay, dès les trois premiers portraits, nous faisons face à une peinture qui crie. D’entrée, nous voici face au meilleur et au pire de ce peintre aussi mégalomaniaque que génial : créer du beau universel avec du laid particulier, en sublimant la dépression. Rien d’étonnant à ce que sa peinture s’allume au moment où s’éteint l’écriture de Maupassant, ces deux-là sont frères de déréliction. Comme le Maupassant de Sur l’eau, Münch finit par être victime de son aveuglante lucidité. À force d’y voir clair, tous deux se retrouvent enfermés dans une vision tronquée et réductrice de la réalité.

ORDRE
Comme on peut le voir à la villa Pisani à Stra, Palladio et Napoléon étaient faits pour s’entendre : même goût de l’ordre géométrique le plus sec et du monumental vide, même tentation néo-classique, mauvaise copie de l’original où ne demeure que la forme, privée d’âme et même de sens, réduite à une habile et fallacieuse décoration, typique des modes qui ne parviennent pas à se dépasser pour atteindre une vérité artistique.

PARTAGER
Vivre c’est partager. Que nous le voulions ou non, nous partageons la vie – et notre vie – avec tout ce qui vit. Le partage de la Vie, c’est le partage de ce qui nous fait vivre, si humble que ce soit. Notre seul devoir, qui est aussi un droit trop souvent refusé, c’est de participer de tout notre être à ce partage de notre vie qui justifie notre présence au monde. La lecture du dernier livre de François Cheng, UNE LONGUE ROUTE pour m’unir au chant français, m’amène à préciser ce que je pense – qui n’est rien d’autre que ce que je ressens – du sens de la vie. Non pas seulement humaine. De fait, toute vie est partage, y compris dans l’acte de manger et d’être mangé. Dans le choix de la crémation, quelle est la part du refus de partager ? Le véganisme, plein de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé, ferait bien d’y réfléchir à deux fois avant de se dresser unilatéralement contre la vie, s’alliant ainsi de fait au pire transhumanisme. Qui ne respecte pas la mort ne respecte pas la vie. Car il n’est pas de vie qui ne soit partagée avec la mort.

POSITIF
Être toujours positif, c’est ne l’être jamais. L’optimisme et l’enthousiasme ne peuvent pousser qu’en terre de contrastes. Si tout se vaut, rien n’a de valeur.

PRINCIPES
Avoir des principes, non des certitudes.

PRISONNIERS
Il est rare que nous soyons vraiment prisonniers. Plus souvent, nous nous rendons prisonniers.

PROCÈS (d’intention)
Permet de refuser tout débat. Typique de la position totalitaire, qu’elle soit individuelle ou collective. Rien de plus contagieux, rien de plus pervers.

PROGRÈS
Le progrès, ce n’est pas d’aller loin, c’est d’aller profond. Dans ses Pensées étranglées Cioran ne dit pas autre chose, s’exclamant : « L’esprit n’avance que s’il a la patience de tourner en rond, c’est à dire d’approfondir. »

PROGRÈS (à l’envers)
Les nouveaux jardins royaux, derrière la bibliothèque Marciana, sont la seule réussite architecturale récente à Venise, un retour au passé pleinement réussi. Il arrive que le progrès consiste à savoir régresser. Consciemment. Le choix est ici net et sans bavure.

QUANTITÉ
Il me semble qu’il y a encore de la qualité, par ci par là, dans ce qui se crée aujourd’hui, mais noyée sans recours sous le tsunami de la quantité, qui nivelle tout. Publier cinq cents romans, c’est n’en publier aucun, sauf celui qu’on forcera dans le public par la publicité, comme on force artificiellement une plante à grandir, jouant là encore la quantité contre la qualité. La quantité n’a pas d’états d’âme, et pour cause, étant la négation même de l’âme. La paresse choisira toujours la facilité du plus contre l’effort du mieux. Parce qu’elle réifie la personne en l’anonymisant dans la quantité, la statistique est l’arme préférée du Mal contemporain.

SOUPÇON
Insensiblement, nous changeons de monde, et d’atmosphère. Et ça pue.
Nous sommes entrés dans l’univers du soupçon. L’autre, ce suspect idéal, a forcément de mauvaises intentions. Dénonçons-le avant qu’il ne soit trop tard. Sans compter qu’il est potentiellement contagieux, cet autre, de bien des manières, et nocif du seul fait qu’il est autre. Toute différence doit nous alerter !
Se protéger de l’autre étranger par définition et de toute présence extérieure, se masquer à tout propos, cesser même de respirer au cas où l’on croiserait quelque pernicieux virus, tel est l’idéal de vie de l’homme du 21e siècle, quel que soit son genre. Naturellement ce masqué ne l’est que par altruisme, chacun sait que l’être humain est ainsi fait qu’il est prêt à se sacrifier à tout instant dans l’intérêt d’autrui.
Et c’est uniquement par peur de leur faire du mal qu’on ne fait plus de bien aux autres. Plus de bises, ne surtout plus se toucher. Tout échange porte en lui-même un potentiel destructeur, évoque la possibilité d’un viol, toute approche sent le harcèlement.
Nous ne portons pas seulement le masque chirurgical, nous nous mettons à porter le voile, un voile invisible et d’autant plus inviolable. Tout contact est un viol, tout regard une agression. Non seulement on ne se touche plus, mais on n’a plus le droit de se regarder. Arrêter le regard sur un inconnu croisé dans la rue autrefois surprenait, aujourd’hui déclenche l’agressivité, voire l’hystérie.
Être curieux de l’autre est un comportement obscène, à dénoncer et réprimer sans pitié. Chacun dans sa bulle étanche, le Dieu Fric pour tous et que le pire gagne !
L’époque adore questionner les idées reçues, surtout celles qui ne lui plaisent pas et qu’elle aimerait remplacer par ses propres préjugés à vocation consensuelle. Face à cette nouvelle conception des rapports humains, j’ai donc une question, moi aussi : pour quelques incivilités évitées, combien d’échanges perdus ?

SPONTANÉITÉ
En art, la spontanéité n’est pas le début, mais la fin du travail. La chance du débutant est une invitation à travailler pour atteindre un but qu’elle nous indique pour mieux nous faire entendre que nous en sommes encore bien loin. L’impatiente époque moderne a voulu croire à l’immédiateté, et tout un chacun s’est proclamé artiste, poète, peintre, arrivé avant d’avoir commencé. D’où l’incroyable pauvreté créatrice de la plupart des postulants à la création, capables au mieux d’une très conformiste créativité, faute de travail sur eux-mêmes et sur leur médium.

SYSTÈME
La dénonciation du système à l’intérieur du système ne fait que renforcer le système, qui l’a prévue et l’instrumentalise.

TIQUE (poly-)
Le type d’intelligence entreprenariale actuellement développé par le néo-libéralisme et ses « services » est une intelligence parasitaire, l’intelligence de qui découvre ou crée les besoins d’un public et se greffe sur ces besoins pour les développer à l’infini afin de s’en nourrir. Ce n’est pas autre chose que la définition de ce parasite optimal qu’est la tique. Il s’agit toujours de se montrer assez ingénieux pour obliger la proie, je veux dire autrui, à entrer dans un rapport de servitude dont le prédateur va tirer profit. Mais cette pseudo-intelligence de court terme du néo-libéralisme est une stupidité sur le long terme, car elle mène à la destruction du parasité dont dépend la survie à long terme du parasite. Un parasite intelligent prendrait garde à ne pas épuiser sa victime.

TRIPOTAGE
Venise a toujours été un décor de théâtre, mais elle n’avait jamais été seulement cela. Aujourd’hui, l’argent-roi la condamne à n’être plus qu’un décor surchargé, où se joue le mauvais théâtre de boulevard qui a toujours eu la préférence des riches.
L’évolution actuelle de Venise est tout à fait caractéristique de la tragicomédie post-moderne imposée par le libéral-nazisme. Nous ne nous payons plus de mots, nous nous payons d’images. Nos mots ont perdu tout sens entre les mains des prestidigitateurs de la communication et de toute façon la majorité d’entre nous ne les comprennent plus. Nous nous laissons donc aller aux charmes vénéneux de l’image tripotée. Tripotage est le mot qui vient à l’esprit quand on regarde d’un peu près les produits mis en valeur par la Biennale vénitienne, cette Foire aux Vanités où se prostituent des « artistes » demi-mondains faisant assaut de mesquine mégalomanie pour faire oublier leur totale absence d’âme et d’originalité. Mi-Disneyland mi-Salon des arts ménagers, la Biennale fait dans le spectacle de cirque, mais ici, hélas, les clowns se prennent au sérieux. Dans cette soupe, brouet aussi insipide qu’indigeste, il y a de tout, et même parfois, parmi les nombreux étrons qui l’encombrent, des pépites égarées, ayant échappé à la censure vigilante des grands-prêtres du marketing artistique, ou déposées là comme pour rappeler à quel point la beauté est sans intérêt puisqu’on peut à loisir la noyer dans le laid. La plupart du temps, ni création, ni même créativité, mais de maladroits tripotages de concepts vides « incarnés » à grands coups de panégyriques abscons et de pognon, ce pognon de dingues dont parlait l’autre tripoteur en chef. La Biennale ne peut être séparée du globalisme prédateur, chargée qu’elle est de favoriser la prédation de l’art au profit de la spéculation financière, à grand renfort de déclarations éthiques hypocrites censées servir de caution morale à une entreprise de prostitution généralisée. Rien ne condamne davantage l’autoproclamé Art contemporain que l’art avec lequel ses promoteurs ont su pour quelques plats de lentilles transformer leurs complices « artistes » en pharisiens pur jus, vendant leur âme la main sur le cœur et le cerveau grand ouvert à tous les courants d’air.
L’accès à la Biennale à lui seul dit tout. Une prison à l’air libre. Guichets, barrières, tourniquets, clôture séparant du monde extérieur. Quand après avoir « librement » payé votre billet vous entrez à la Biennale, vous entrez dans la Prison du Fric. Manque juste le panneau « Art macht frei ». Devant ce pandémonium, Dante à juste titre aurait pu s’écrier : « Voi chi entrate qui, lasciate ogni speranza ». Pas d’espoir dans la Biennale, car pas d’avenir, tout est déjà étalé, vendu, et vous vous êtes vendu vous-même en y entrant.
Il va maintenant falloir vous mentir à vous-même, et parvenir à croire et à faire croire que vous aimez ce qu’au fond de vous vous détestez. Parce que vous aussi, c’est officiel, vous avez le droit et même le devoir de vous croire un chef-d’œuvre, et de prendre une bouche d’égout à ciel ouvert pour le summum de l’art.
Mais si, sortant du cloaque, vous tombez par hasard, en entrant par mégarde dans une église, sur l’appel silencieux de la vraie beauté, sur le coup de foudre et la révélation qu’elle nous délivre à l’improviste, quand pour un instant vous sentez l’homme et le monde enfin réaccordés, vous oublierez d’un coup l’enflure et la thrombose d’une culture obèse pour retrouver en vous la simplicité de l’enfance, la justesse du travail et la force de l’amour, éternel à force d’être infini.
L’art, ce n’est pas du tripotage, c’est une prière si sincère qu’elle s’exauce elle-même.

VIEILLISSEMENT
Certains signes ne trompent pas. Quand nous vieillissons, nos ongles et nos poils poussent presque aussi vite que si nous étions déjà morts…

Voir en ligne : LA DICTATURE DU VIOL

dimanche 22 mai 2022

REMARQUES EN PASSANT 34

De « l’actualité » en général et du « nouveau » gouvernement en particulier, je ne dirai rien, parce qu’il n’y a rien à dire. Quel que soit le personnel domestique aux commandes, le train blindé flageolant du libéral-nazisme mondialisé poursuit sa course folle.
Tant que la grande majorité des passagers applaudira la ridicule volonté de puissance des conducteurs et des contrôleurs sans accepter de voir que les maîtres du train ne conduisent ni ne contrôlent réellement plus rien que le bon aboutissement du déraillement en cours, il ne restera aux passagers lucides qu’à tenter d’amener quelques-uns des passagers qui somnolent devant le énième épisode d’une série catastrophe sur leur smartphone à regarder par la fenêtre et à voir à quelle vitesse nous plongeons dans le gouffre que nous avons nous-mêmes creusé.
Si elle tient absolument à disparaître, qu’au moins l’humanité se suicide dignement, les yeux ouverts, plutôt qu’en se réfugiant dans une inconscience volontaire qui ne trompe plus personne.


REMARQUES EN PASSANT 34



ÂNE (bonnets d’)
Comment ne pas saluer les efforts de nos brillants intellectuels pour se mettre à la portée des analphabètes ?
Rendons un hommage bien mérité à l’ineffable Pécresse, pour cette perle d’un orient douteux pondue l’autre jour dès potron-minet : « Moi, ma ligne directrice, c’est celui de… (je ne sais plus quoi, et peu importe tant son discours de politicienne lambda était comme toujours creux et convenu) ». 
De l’infect Gilles Finchelstein, abruti de haute volée et cuistre impénitent : « Ça peut changer dans les trois semaines qui vient ».
D’un journaliste de France-Culture : « J’ai demandé à ces personnes ce que ce mot entr’aide signifiait pour eux ».
De Sophie Braun, psychanalyste par ailleurs fort intéressante, ce déplorable faux pas :
« C’est un des éléments fondamentals ». Si même les psys oublient leurs fondamentaux…
La palme va pour cette fois à l’un de nos plus redoutables Tartuffe audio-visuels, Thomas Legrand, auteur sur France-Inter de cet incroyable barbarisme : « La potentialité du racisme sont induits ». Le Tartuffe de Molière du moins parlait français.

ARTISTE
Pour un artiste digne de ce nom, l’essentiel n’est pas de partager son aventure, mais de la vivre. Il n’est pas en quête de reconnaissance, mais de co-naissance.
M’est suspect tout artiste qui revendique un statut au lieu de proposer une pratique.

AURORES
Je l’ai encore vérifié à Wissant sur la plage en janvier, mais ce n’est pas moins vrai en Ubaye. Que ce soit à la mer ou à la montagne, la lumière des aurores est plus douce, plus transparente et évanescente que celle des couchants. C’est une naissance, et c’est sans doute pourquoi je peins avant tout l’aurore. Mes couchants eux-mêmes sont des aurores, à l’aube de la nuit…
Voir ÉTOILES (dans les yeux)

AUTO-IMMUNE
C’est l’humanité tout entière qui est en pleine maladie auto-immune. Et s’autodévore allègrement.

AUTONOMIE
Je tiens beaucoup à pouvoir faire mes propres conneries. Et j’y ai souvent réussi.

BIEN (faire du)
Nous sommes rarement conscients de tout le bien que nous faisons aux autres sans le vouloir, qui est presque toujours bien plus réel que celui que nous croyons leur faire, quand nous le voulons – la même remarque vaut pour le mal, évidemment !
Vouloir faire du bien n’est pas toujours en faire, et nous autres occidentaux confondons souvent sensiblerie et sensibilité, qui sont pourtant diamétralement opposées, tant dans la vision du monde dont elles naissent que dans les conséquences qu’elles entraînent. La première pense à soi et s’apitoie sur elle-même, la seconde pense à l’autre et s’en occupe.
Voir SENSIBLERIE

BIENNALE DE VENISE
Contrairement à l’originale qu’elle prétend continuer, l’actuelle Biennale d’Art de Venise n’est au fond que l’onéreuse manifestation de l’impuissance artistique du monde globalisé et du conformisme pédant qui en résulte. L’art contemporain de marché a réussi la prouesse inédite d’être à la fois académique et terroriste. Ne disposant ni d’une théorie ni d’une pratique qui légitimeraient son intronisation comme art officiel, il lui faut imposer son illégitime académisme par un quadruple terrorisme, celui de la provocation comme ersatz de l’originalité, celui de la quantité comme substitut de la qualité, de l’argent-roi comme étalon d’évaluation des produits de son industrie, et de la censure féroce de tout ce qui n’entre pas dans la spéculation financière qui est son véritable objectif et sa seule cohérence.
Qui chassera enfin les marchands du Temple ? Voir VENISE

CARESSE
Les mouvements lents de Mahler sont d’infinies caresses de l’âme. On voudrait qu’elles ne s’arrêtent jamais.

CÉLÉBRITÉ
Jamais compris qu’on veuille être célèbre. Être connu de gens que tu ne connais pas, quel intérêt ?

COSMOPOLITISME
Les élites cosmopolites de la mondialisation se flattent d’être chez elles partout. En dépit des apparences, ce cosmopolitisme permet surtout de n’être plus chez soi nulle part, faute de racines.

DÉGOÛT
Il y a quelque chose de sale dans le regard que nous portons parfois sur ceux qui ne nous plaisent pas. Méfions-nous de nos dégoûts, ils parlent de nous plus que de leur objet.

DOULEUR
Décrire une douleur qu’on n’a pas subie n’est pas seulement un mensonge, c’est une trahison envers ceux qui l’ont vécue. Nul ne peut témoigner pour autrui.

ÉTOILES (dans les yeux)
Je me suis aperçu il y a déjà quelques années qu’en fait je peignais davantage l’aurore que le couchant.
La différence de transparence apparente et de qualité de la lumière vient sans doute simplement du fait qu’au matin la lumière doucement augmente, et qu’au soir elle diminue doucement…
Et sans forcément en avoir conscience, nous le percevons, et l’impression est toute différente.
Descendre vers l’obscurité n’est clairement (!) pas la même chose que monter vers la lumière. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer la nuit, et de l’aimer profonde.
Et d’être terriblement blessé et enragé par la pollution lumineuse insensée qui m’empêche désormais de la vivre, aussi bien à Wissant qu’à Barcelonnette, où il faut s’enfoncer dans la montagne pour avoir à peu près accès aux étoiles.
Je comprends la peur du noir, mais sais d’expérience qu’il n’est pas de peur plus merveilleuse à dépasser.
Sans le noir et les étoiles, je me sens mutilé d’une part essentielle du lien ombilical qui me lie à l’univers à travers la Voie lactée et ses sœurs… Voir AURORES

EX-POSITION
Je découvrais l’autre jour une exposition d’une photographe dont j’apprécie beaucoup le travail, et me trouvais terriblement déçu, non par ses photos, mais par l’installation qui les enchâssait d’une façon aussi redondante qu’inutile.
Cette exposition et le texte qui l’accompagne me semblent révéler l’inexorable décadence d’une « civilisation » épuisée. La multiplicité erratique des objets exposés, la variété et la complication des approches, l’arbitraire intellectuel de rapprochements censés signifiants mais d’une pauvreté symbolique consternante (l’enfonçage de portes ouvertes et l’invention de l’eau chaude étant promus à la dignité manifestement usurpée de révélations essentielles), tout cela relève à mes yeux d’une impuissance créatrice qui faute de s’ancrer et de se nourrir dans le terreau d’un inconscient collectif sain se réfugie dans les artifices d’une rhétorique bien huilée. Le problème est que la carte n’est pas le territoire et qu’à proclamer arbitrairement le symbole on ne produit que du cliché.
De superbes photos se voient ainsi niées en tant qu’œuvres pour être intégrées dans une sorte de jeu de société où elles se dissolvent dans la grisaille d’une construction intellectuelle dont l’artifice saute aux yeux. Par contraste, exposés pour eux-mêmes, de très beaux scans de bois flottés rayonnaient d’autant plus qu’ils se tenaient à l’écart du carrousel kaléidoscopique indigent qui les cernait.
Dans cette exposition, la créativité sans cesse l’emporte sur la création, réduite au rôle de faire-valoir de l’ingéniosité – un mot qui n’a sa place en art qu’au service de la création et non comme ersatz d’une finalité manquante. Ainsi s’efface l’artiste créateur devant le plasticien, bien trop plastique justement pour être autre chose qu’un rapetasseur de références doublé d’un prestidigitateur de sous-préfecture. Pauvre magie, tirant de son chapeau truqué des lapins en fourrure synthétique et des colombes en carton-pâte singeant en vain la course et l’envol de l’esprit recréant la matière à son image pour mieux la découvrir en son essence et en nourrir notre âme.
Une exposition qui fournit un parfait exemple de la tendance suicidaire de notre époque sans repères spirituels à annuler les contraires, substituant frauduleusement la sophistication au raffinement, la créativité à la création, la communication à la communion la sensiblerie à la sensibilité, et cerise sur le gâteau, l’accessoire à l’essentiel. Un renversement des valeurs devenu inconscient à force de provocations conformistes, en complète contradiction avec l’approche carnavalesque lucide des sociétés moyenâgeuses, si bien décrite par Bakhtine.
Mortifère oxymore, bien dans l’esprit et au service de la promotion du monde néo-libéral, que ce matérialisme intellectuel où le démiurge châtre l’art en prétendant faire de son fini un infini au lieu de se mettre au service de ce qui le dépasse pour l’incarner autant qu’il est possible – et même parfois au-delà du possible, en une véritable apothéose de la création.
Quoi qu’en ait dit Duchamp en vue de sortir du pompiérisme arbitraire et figé de l’art bourgeois finissant, tout n’est pas art, et c’est ce que démontrait avec une terrible efficacité involontaire cette ex-position, fruit d’un nouveau terrorisme académique qui ne vaut pas mieux que l’ancien et dont le commode relativisme ne fait que mettre en relief l’absence d’âme. Cette façon de n’être que soi-même en refusant d’être au service de ce qui nous dépasse est à mes yeux l’exact inverse de celle qui me paraît nécessaire à l’artiste, qui pour atteindre l’universel me semble devoir accepter de n’être que lui-même.

FIDÉLITÉ
S’il est une valeur incompréhensible à notre époque, c’est bien la fidélité. Car elle suppose la gratuité, que l’humanité contemporaine se fait honneur d’ignorer, quand elle ne la pourchasse pas. D’où sa totale incapacité à pratiquer et même à seulement comprendre la fidélité. Vivant d’instant en instant, notre civilisation agonisante repose sur une spéculation permanente où tout étant relatif et mouvant, aucune valeur ne peut durer puisqu’elle ne cesse d’en changer au gré des caprices de sza recherche, non de la durée, mais du profit immédiat.

GIGANTISME
La peinture contemporaine à la mode tend à faire dans le géant par manque de générosité. Incapable d’émotion, réduite à un formalisme stérile qu’elle tente de justifier par un discours rhétorique dont l’insincérité saute aux yeux, elle s’efforce en vain de déguiser sa sécheresse en demandant à la quantité de suppléer à son absence de qualité. Mais si volumineuse qu’elle se présente, elle reste fondamentalement chichiteuse, pingre, sans chaleur comme sans amour. C’est qu’elle veut prendre et non donner.

HONNÊTETÉ
Je me demande parfois si l’honnêteté n’est pas le seul vrai talent. Avec soi-même, avec les autres.

INDIVIDUALISME
Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, c’est le règne de la quantité qui amène les individus à se replier sur eux-mêmes pour survivre. C’est noyé dans une foule que l’individu tend à se séparer pour retrouver le semblant d’unité que la masse lui confisque.
L’individualisme, c’est la défense contre une tyrannique emprise collective, le dernier sursaut contre l’anonymat de la foule.

IMPATIENCE
Nous le savons tous, mais n’avons jamais la patience d’en tenir compte : le plus sûr moyen de perdre du temps, c’est de céder à notre impatience.

INHUMANITÉ
Ce qui nous rend inhumains, c’est notre refus d’admettre que la vie ne se limite pas à l’humain. Loin d’être propriétaires de notre planète et encore moins de l’univers, nous n’en sommes que les colocataires au même titre que les autres formes de vie avec lesquelles nous cohabitons, sans même nous en rendre compte.

INTELLIGENCE
L’intelligence, ça consiste à comprendre les autres tout en restant soi-même – voire à devenir davantage soi-même à force de les comprendre.

JUSTESSE
C’est bien, la justice. Encore mieux, la justesse.

LUBRIQUE (vieillard)
À ce vieil ami qui évoquait dans une de ses lettres la souffrance des vieillards, et sans doute aussi des vieillardes, face au désir, j’ai répondu ceci, que j’avais envie de dire depuis longtemps.
Cette vraie douleur du désir cacochyme, non seulement on ne la dit jamais, mais on la moque, pire, on la méprise, elle fait scandale. Il y a des souffrances bien pires, c’est vrai.
Mais j’ai toujours été surpris, et un peu choqué, par l’image si répandue de l’abominable vieillard libidineux, comme si la « paix des sens » que certains, selon leurs dires, auraient atteint, était toute naturelle et ne dépendait en somme que de la baisse du taux de testostérone. Et comme si le désir, l’amour même, si essentiels jusqu’à un certain âge, devenaient honteux et pervers passée une limite d’ailleurs impossible à fixer.
Il faudrait donc qu’à heure dite nous cessassions de regarder ce que l’on nous a encouragés à désirer depuis l’enfance – la plupart d’entre nous n’avaient, heureusement pour l’espèce, guère besoin d’encouragements !
Je voudrais bien qu’on m’explique en quoi n’être plus désiré supprimerait automatiquement notre capacité à désirer et notre désir de désirer. Et qui osera dire que n’être plus aimé devrait nous interdire d’aimer ?
Oui, je suis un vieillard lubrique…
Où est le mâle ? Pour être vieillard, je n’en suis pas moins homme !
Oui, je suis dans l’occasion un vieillard amoureux, et parfois aimé, oui, je regarde les femmes, et mon temps étant désormais compté, je les regarde plus que jamais, je ne veux pas en perdre une miette, elles n’ont pas cessé et ne cesseront jamais de m’intéresser, de me plaire, de me passionner, et les aimer reste à mes yeux la manière la plus authentique de les respecter.
Et quand cela m’arrivera, je trouverai très beau de pouvoir les aimer encore au delà du désir, plus gratuitement et plus passionnément que jamais.
Notre époque inconséquente, incapable de s’avouer ses contradictions et de les gérer, aura poussé l’hypocrisie à son comble. Son attitude envers le « 3e âge », ridicule euphémisme qu’elle pense capable de l’exonérer de regarder la vieillesse en face, est un de ces chefs-d’œuvre de « respect » méprisant dont elle possède la quasi exclusivité dans le cours de l’histoire humaine.
Me revient cette terrible phrase d’un vieux monsieur à qui on demandait ce qu’il désirait : « Je désirerais avoir un désir… », murmura-t-il avec un grand soupir, qui ressemblait au dernier.
Un peu de prudence, mesdames et messieurs, par pitié : tuer la nature en nous, c’est y installer la mort. Avant l’heure…

MALADRESSE
Jouer de sa maladresse est de bonne guerre puisque ce faisant, nous transmuons notre maladresse en habileté.

MALÉDICTION
Ce type, il comprenait tout avant tout le monde.
Qu’est-ce qu’il a dû souffrir !

MÉCONNU (génie)
« Il n’y a pas de génie méconnu. » Combien de fois ai-je entendu cette pontifiante ânerie dans la bouche d’universitaires poussiéreux dont le génie ne risquait certes pas d’être jamais méconnu tant il brillait par son absence ! Bel exemple du discours arbitraire si typique de l’intellectuel inculte, cette nouveauté du 21e siècle engendrée par le 20e finissant.

MODE
Je suis toujours surpris de la facilité avec laquelle la mode impose de fausses obligations à presque tous, particulièrement à la jeunesse, qui se soumet ainsi à des « devoirs de vacances » aussi fastidieux qu’inutiles, mais déclarés indispensables. « Tu ne vas pas manquer ça ? » est une des pires saloperies qu’on puisse infliger à un être humain, et notre réaction à ce genre de chantage minable devrait être immédiate et radicale : « Si, et comment ! ».
À mes yeux, la mode est l’exact contraire de l’originalité, et sa prétention à être un art achoppe sur le fait qu’elle a vocation à être adoptée par tous sans examen ni véritable choix, mais par contagion, comme une maladie infantile, étape nécessaire à la croissance de l’intégration de la personne dans son milieu et à son époque. La mode n’est rien d’autre qu’un conformisme de la nouveauté, une norme déguisée en désir, et la preuve en est que les pires systèmes politiques ont toujours profiter des effets de mode qu’ils suscitaient pour imposer leur idéologie et leur pouvoir. Les nazis, maîtres ès communication, ont merveilleusement su se mettre à la mode, et décliner insignes et uniformes comme autant de collections désirables. Devenir nazi devait être un must, le truc à faire pour être à la page. Se pencher sur la mode qui met en forme les forces dites de l’ordre depuis la Libération donnerait sûrement une image très précise de l’évolution de leur place dans la société et des tâches qu’on leur assigne. Non, la mode n’est jamais un art, mais toujours la naissance célébrée d’un conformisme. Les portes qu’elle ouvre donnent sur une prison collective où la vie personnelle s’étiole à force d’uniformité. Voyez l’obligation du tatouage, indispensable passeport, QR code magique pour accéder à la modernité…

MORAND (Paul)
Un dandy jouisseur qui ne parvient jamais à l’orgasme. Moins plat et convenu que d’Endormesson, mais ne glissant guère moins à la surface des êtres et des choses.

OBSCURANTISME
On s’en apercevra tôt ou tard, le prétendu Siècle des Lumières aura consacré l’avènement du pire des obscurantismes, l’obscurantisme rationaliste.

PARADOXE ?
Au fur et à mesure que l’humanité s’auto-détruit elle a de plus en plus peur de la mort, fuyant avec horreur ce vers quoi elle se précipite toujours plus vite…
Paradoxe moins étrange qu’il n’y paraît, tant il relève de notre essentielle contradiction d’êtres vivants condamnés à mort, et le sachant sans pour autant savoir quand.
Mais que notre peur de la mort soit assez forte pour nous faire oublier de vivre, là est le vrai paradoxe !

PEINDRE
Peindre, ne serait-ce pas donner à voir ce que nous ne voyons pas à l’aide de ce que nous voyons ?

PEINTURE 
Une chose est sûre, l’univers a peint bien avant l’homme.

PHILOSOPHIE
Dans le système libéral-nazi, la philosophie sert le plus souvent à annuler la politique en évacuant le collectif au profit du particulier. D’où que tant de « philosophes » actuels soient dans la philosophie comme des rats dans un fromage.

RANCUNIER, MOI ?
En fait, je ne deviens réellement rancunier que si les gens continuent à m’en vouloir…

RESPONSABILITÉ (de soi)
La bienveillance envers soi-même ne me semble possible que si nous acceptons cette forme essentielle d’autonomie, d’authentique indépendance, qui consiste dans le simple fait de se sentir responsable de soi-même et de ce que l’on fait.

SÉDUIT
Je n’ai jamais été un grand séducteur, mais toujours, et dès ma prime enfance, un grand séduit. Ce n’est pas toujours commode, mais au fond j’adore ça. Séduire sans aimer, quelle purge !

SENSIBLERIE
Sensiblerie et cruauté ont toujours fait bon ménage. Rien là de paradoxal : elles sont toutes deux filles de de l’égocentrisme, cette hypertrophie de l’ego. La sensibilité s’intéresse à ce que ressent l’autre, la sensiblerie ne s’intéresse qu’à ce que l’on ressent soi-même. Aussi est-ce toujours au nom de nos souffrances réelles ou imaginaires que nous justifions toutes nos cruautés – particulièrement les pires. Voir BIEN (faire du)

SENSIBLERIE
La sensiblerie a ceci d’épatant pour ceux qui s’y complaisent qu’elle donne à moindres frais une bonne conscience d’autant plus inoxydable qu’elle ne se confronte jamais à ce que vit l’autre mais à ce que sa vie produit en nous d’émotions frelatées. Autrement dit, loin de prendre la peine de s’identifier à l’autre, le faux sensible s’autorise la facilité d’identifier l’autre à lui, astucieuse façon de le nier discrètement en tant que sujet et de lui conférer subrepticement le statut d’objet. La sensiblerie est ce tour de passe-passe qui nous permet de ne pas avoir à exercer notre sensibilité.
Voir BIEN (faire du)

SOI-MÊME (n’être que), codicille pour mon dialogue avec Jean Klépal PEINDRE À L’AQUARELLE
De ma peinture, je cherche à disparaître, à m’effacer. C’est pourquoi j’ai tôt décidé de ne pas signer mes tableaux autrement qu’au dos, refusant de m’inscrire sur eux en auteur exclusif, en propriétaire. Je ne peins pas tout seul, le ciel, la mer peignent avec moi, et plus ils peignent avec moi, plus la peinture prend vie.
Pas question de marquer le tableau comme m’appartenant, il n’est pas à moi, il ne vient pas de moi, il vient à travers moi ; c’est un mariage, c’est une communion. L’aquarelle est à la fois un baptême et une communion et quiconque ne le sent pas n’en fera jamais de vraies.
Le titre du tableau incarne par les mots ma part de la rencontre, il est ma signature de la rencontre qui a engendré l’œuvre.
Avec le nom de cette première série de grandes aquarelles de 75x105cm, La Renaissance, d’une certaine façon je prends possession de ma disparition, j’en prends acte au moins. Toute la place étant donnée au paysage qui envahit l’espace, le paysage devient un pays sage, il se connaît et se fait connaître.
L’art véritable ne supporte ni la provocation ni la sensiblerie. La provocation dispense du vrai courage, qui est le courage du travail, et la sensiblerie nous dispense de cette ouverture au monde qu’est la sensibilité. Dans les deux cas, on s’éloigne du sujet, qu’on réduit à un objet, à un prétexte, à un support de notre narcissisme.
En revanche, ce serait peut-être une bonne idée pour les peintres d’aujourd’hui d’un peu moins « dialoguer » avec leurs prédécesseurs et d’un peu plus regarder et vivre la réalité présente.
D’abord parce que ce prétendu dialogue se résume de fait à un monologue, et ensuite parce qu’interroger sans cesse l’histoire de l’art pour y trouver des références donne trop de place à la culture et ouvre la porte à l’idéologie, deux maîtresses envahissantes et abusives qui ne laissent guère de place à une pratique artistique assez libre d’être elle-même pour engendrer une véritable création.
Se confronter à ses prédécesseurs me paraît légitime et parfois indispensable, mais pas au point d’entamer une sorte de bras de fer à travers les âges ou de rechercher une filiation légitimant par la caution du passé revisité les dérives du présent.
Se servir du passé comme d’un tremplin, d’une source d’énergie, non comme d’un punching-ball ou d’un substitut paresseux à l’imagination.
Le peintre doit partir de ce qu’il voit, et désirer peindre aussi ce qu’il ne voit pas mais dont il éprouve la présence impérieuse en lui-même comme chez son sujet.

SOLIDARITÉ
Ne nous en demandons pas trop ! Pour vivre, la solidarité doit s’incarner. Sinon, elle fait partie de ces mots-tiroirs commodes où nous rangeons nos belles idées de peur de les froisser au contact de la réalité. Être solidaire de tout le monde, c’est trop souvent n’être solidaire de personne.

SOLITUDE
La solitude me paraît plus immédiatement angoissante que la mort, non qu’elle fasse moins peur, mais parce qu’elle est plus présente que la mort qui jusqu’à son arrivée appartient au futur, aussi proche soit-il.
Tu sais que tu mourras tôt ou tard, mais tu ne sais pas quand tu mourras, et pour l’instant tu es encore en vie, alors que ta solitude, elle est là, présente non seulement quand tu es seul, mais aussi du seul fait que tu es cette personne qui dès l’instant de sa naissance, a commencé à être seule et le sera jusqu’à sa mort. Cette détresse de notre inévitable solitude existentielle, nous ne la vivons pas à tout instant, mais quand nous en prenons conscience, quelle terrible petite mort ! La mort, ça reste une idée, la solitude, c’est une réalité immédiate, un vécu. Reste qu’on peut sortir de la solitude, pas de la mort…

SOUBRESAUTS
Les civilisations à l’agonie sont agitées de sursauts sporadiques que les tenants d’un optimisme volontariste s’acharnent à prendre pour des Renaissances. Mais ces sursauts qui tentent de mimer l’énergie créatrice des commencements ne sont que les derniers glouglous d’une source tarie. La pauvre agonisante n’est plus dans l’action soutenue engendrée par un flux qui semble inépuisable, mais dans la réaction panique à un irrémédiable épuisement.
D’où le côté geyser de ces soubresauts, arrosant en tous sens, au hasard, faute d’un futur sur lequel se concentrer, d’un but auquel se consacrer. En témoigne entre autres l’invraisemblable feu d’artifice de mauvais goût de la Biennale d’Art de Venise.
Quelle que soit la force apparente de ses manifestations, l’hystérie est toujours signe et produit de la faiblesse, où elle retombe après chaque accès. Elle est une fuite en avant qui voudrait se prendre pour une création, mais n’a pas même assez de force pour s’en persuader.
Ce que nous appelons Renaissance est toujours une Naissance – venue d’un ailleurs que nous ne pouvions deviner d’ici.

STATUE & STATUT
Le vrai problème de nombre d’artistes modernes et contemporains, c’est qu’inconsciemment fidèles à l’égocentrisme individualiste de leur époque, ils sont plus préoccupés d’asseoir leur statut et de sculpter leur statue que de créer une œuvre digne de ce nom. Leur but n’est pas d’être au service de l’art, mais de mettre l’art à leur service. D’où les sévices qu’ils lui font subir… Rothko et Klein en sont à mes yeux des exemples frappants, dans leurs écrits comme dans leurs œuvres, et jusque dans leur mort. Voir SOI-MÊME (n’être que)

TÉMOIGNER
Dans son texte « Une alernative est-elle encore possible ? », publié dans ses Épistoles improbables le 13-01-2022, Jean Klépal posait de façon très pertinente le problème du découragement face à un processus global qui nous dépasse. Nous reste la possibilité d’agir sur nous-mêmes et nos proches, si ténue et fragile soit-elle.
Le simple fait de témoigner n’est pas indifférent. Non seulement c’est prendre date, mais c’est rappeler que la lucidité, si elle peut tuer l’action en imposant un pessimisme bien légitime, n’en est pas moins la condition sine qua non d’une action efficace !
J’en reviens toujours à Guillaume d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». C’est juste plus difficile, mais c’est ça ou… rien !
Il est un point sur lequel je suis en désaccord avec Klépal. Les gouvernements ne comprennent rien, dit-il. À mon sens, ils savent très bien ce qu’ils font, la stratégie du chaos se déploie avec une parfaite rigueur, le libéral-nazisme s’installe tranquillement, par petites touches, en alternant carotte et bâton, bon flic et méchant flic, la technique est rodée, et le peuple consentant ou bâillonné. Je ne saurais trop engager mon lecteur à lire « Histoire d’un allemand » de Sebastian Haffner, qui complète admirablement l’analyse de Klemperer, « LTI, la langue du 3e Reich », que Jean Klépal a à juste titre évoquée à plusieurs reprises dans ses Épistoles improbables.
Que par ailleurs, tout autant que les nazis, ils soient littéralement cinglés ne fait aucun doute à mes yeux. Qu’ils ne comprennent absolument rien à la vie, que ce soient donc très exactement de parfaits petits cons, ce n’est pas moins évident. Mais leur logiciel de conquête et de conservation du pouvoir, aussi simpliste qu’efficace, fonctionne à la perfection sur une humanité désormais à la fois dénaturée et inculte, réduite en conséquence à l’état de zombie, encéphalogramme plat et vie artificielle. La race des saigneurs a su créer de nouveau la race des esclaves en promettant le mirage du surhomme transhumaniste aux morts vivants qu’elle manipule et exploite.
Il n’est donc pas inutile, et d’une certaine façon c’est un devoir, un devoir de conscience, de témoigner de sa vérité, si étroite soit-elle, et de réaffirmer les valeurs et les engagements qui donnent sens, si peu que ce soit, à nos vies.
Ce qui n’exclut nullement de trop compréhensibles moments de découragement ! Mais nous ne sommes pas totalement seuls, autant le global est lamentable, autant, dans l’individuel, les belles personnes sont nombreuses et agissantes. Cela ne suffit pas, mais c’est de là qu’il faut partir.

VENISE
Je ne veux pas habiter Venise, je veux être à Venise. C’est que Venise m’habite.

VENISE
Alla Bragora, il est une pâtisserie-salon de thé populaire qui faisait depuis des décennies un merveilleux gâteau aux amandes. Un soupçon d’amande amère lui conférait une saveur et une élégance introuvables ailleurs à Venise. C’est une des premières promenades que je fais à chaque retour. Mais cette fois, si le gâteau avait exactement la même apparence qu’à l’habitude, à l’intérieur plus d’amande ou si peu. À la place, de la farine, celle dans laquelle on aime rouler le client.
La pilule était d’autant plus amère qu’elle valait métaphore pour la ville tout entière. À Venise, l’apparence est encore là, mais, elle ne contient plus d’essence, bouteille vide dont le parfum a fui, remplacé par des odeurs de synthèse qui prennent le nez.
Comme les immeubles haussmanniens de Paris, les palais vénitiens sont désormais des coquilles vides ou remplies d’une farce post-moderne écœurante et indigeste où la quantité tente vainement de simuler la qualité, contresens révoltant dont se nourrit la Biennale prétendument artistique, où s’accumulent des « travaux » prétentieux, aussi creux que fastueux, dans une prodigalité digne des nouveaux riches de l’art qui ont réussi une OPA spéculative, non sur la Beauté qui leur échappera toujours, mais sur la connerie, dont ils sont eux-mêmes amplement pourvus.
Telle est Venise, ville-miroir dont les canaux reflètent fidèlement les modes, les ridicules et les tares de chaque époque, mais aussi ses élans, ses découvertes et ses retours d’âme.
Quand serons-nous de nouveau dignes de la Venise éternelle ? Voir BIENNALE

VENISE
Le titre de mon exposition au Musée de Gap, VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE, souhaitait évoquer la présence persistante, la résonance dans notre présent du passé de Venise encore vivant. Ce lointain passé fait écho dans notre actualité, et nous serions bien avisés non seulement de l’entendre mais de voir ce que nous pourrions utiliser de cette très ancienne musique pour mettre un peu d’ordre et d’harmonie dans la cacophonie où nous a conduit notre goût immodéré pour le changement, notre recherche permanente de l’innovation, ces deux termes usurpant le sens du mot progrès, comme si tout ce qui « change », tout ce qui est « nouveau », constituait par nature un progrès…
Venise nous est encore présente. Jusqu’à quand ? Son absence définitive semble programmée par l’excès de notre envahissante présence dans ce cadavre plus vivant que les zombies à selfies qui le piétinent.
C’est la conscience de cette survivance menacée qui a tout naturellement imposé, pour accompagner les diaporamas de l’exposition, le refrain lancinant du Concerto per eco in lontano de Vivaldi, et le nostalgique début de sa Sonate funèbre…

VIOL (collectif)
C’est nous-mêmes que nous sommes en train de violer, et de ce viol-là nous ne nous remettrons pas.

samedi 5 mars 2022

À REBROUSSE-POIL



Compte tenu de l’effroi procuré par la diabolique aventure poutinienne en Ukraine, la diffusion de ce billet a failli ne pas avoir lieu, considérant que l’horreur apocalyptique du moment imposait le silence, faute de moyens convenables pour en parler.
À la réflexion, se taire et pleurer dans son coin pourrait faire la part belle au Diable et permettre à ses homologues de continuer leur business as usual. Alors, donc, paraît le billet entamé juste avant l’ouverture de la boîte de Pandore. Il le faut pour ne pas laisser la peur tout envahir et tout gommer, surtout à l’approche des présidentielles.

Tenter de décrypter l’évolution sournoise du quotidien est affaire délicate qui souvent conduit au sentiment d’être bien seul parmi un entourage soucieux de la recherche parfois naïve du maintien d’un confort illusoire.
Alors se taire, courber l’échine, attendre des "jours meilleurs", choisir la servitude volontaire, pour surtout ne pas froisser quelques esprits délicatement assoupis ? Au risque de déplaire, ceci n’est pas vraiment le parti adopté.

Onésime Fouinard et Hyacinthe Trébuchet, chroniqueurs associés depuis des lustres sous des noms d‘emprunt bien avant l’ère Covid ont donc décidé de reprendre leur véritable identité pour créer une feuille périodique vouée à la traque du réel le moins frelaté possible. Cette feuille diffusée par la voie du réseau Internet sera livrée hors de tout abonnement. Elle a pour principal objet d’améliorer la vue des biens voyants en les aidant à contrôler les variations de leur tache aveugle, et d’éviter la castration définitive aux couillemolles mâles ou femelles, qui choisissent la cécité au nom du maintien illusoire d’un confort individuel de plus en plus précaire. Certes, chacun est encore libre de soi pour ce qui est des apparences. Très nombreux sont encore ceux qui veulent ignorer combien nous sommes en permanence soumis à des contrôles par le biais de nos cartes numériques, de nos téléphones mobiles, des compteurs Linky, ou bien des détecteurs embarqués dans nos automobiles, sans parler du contenu des nouvelles cartes d’identité. Il suffirait d’un rien pour que ces dispositifs se transforment du jour au lendemain en instruments de la plus parfaite coercition. Quand on parie de complot et de complotistes, il importerait de regarder du côté de ceux qui crient au loup, là sont sans nul doute embusqués les vrais comploteurs du libéralisme économique mondialisé.
Déjà ouvertement présente dans de nombreux Etats, la dictature s’avance chez nous de manière insidieuse sous couvert du faux nez d’élections foireuses, de lois sécuritaires sans cesse reconduites dans le plus grand désintérêt, et d’appauvrissement du parlementarisme réduit à un enregistrement des volontés du Monarque élu par une minorité. On peut toujours faire comme s’il n’en était rien, le péril n’en est pas moins présent, les effets induits (lassitude, abandonnisme, soumission, lâcheté, délation…) pas moins considérables.
Nous vivons à l’heure actuelle des événements voisins de ce que l’Allemagne a connu après la première guerre mondiale, où une semi dictature s’est mise en place au nom de la démocratie sous prétexte d’empêcher une véritable dictature, qui finit bien sûr par l’emporter.[1] Les rapprochements avec le début des années 30 sont tentants. Certes, les conditions ne sont pas exactement les mêmes, certes l’histoire ne se répète pas à l’identique, mais les mêmes tropismes se retrouvent, et la perte de mémoire est des plus dommageables. Cerise sur le gâteau, la menace du recours à l’arme nucléaire par un dictateur nostalgique de la puissance soviétique vient aujourd’hui ajouter à la saveur incomparable du menu. L’angélisme peine à trouver une place où se blottir.
Deux liens récents parmi beaucoup d’autres permettent de prélever des échantillons significatifs de la dégradation mentale et morale à laquelle nous sommes conviés, dont nous sommes malgré nous les agents anémiés. Il ne faudrait pas que la brutale escalade de la violence orchestrée en Ukraine par la Russie masque ces faits, terreau de notre asservissement progressif par accoutumance à la privation de liberté.

À chacun de choisir de prendre ou non le temps de s’informer, de réfléchir, de se déterminer. Refuser de savoir après les monstruosités du XXe siècle, ne saurait permettre de prétendre après coup qu’on ne savait pas.

BLOOM Association One Ocean Summit : lettre ouverte au Président de la République - BLOOM Association

INÉGALITÉS : LE RAPPORT LE PLUS CHOQUANT DE L’HISTOIRE D’OXFAM - YouTube

Exemple remarquable de la crétinisation sociétale en cours, un courriel du Ministère de la Santé, tout à fait exemplaire de l’hypocrisie sinon de la perversité du système oppressif à l’œuvre, est en cours de diffusion pour les assurés sociaux, c’est-à-dire la quasi-totalité de la population.
Chaque destinataire peut apprendre avec autant de bonheur que de stupéfaction que l’Etat ne lui veut que du bien, qu’il va même au-devant de la satisfaction de besoins qu’il ne se connait pas encore. En Français pure laine de République En Marche, cela s’appelle de la Bienveillance. Merci Patron !
Voici ce que révèle le message, qui dès les premières lignes signe le mépris dans lequel nous tiennent les crânes d’œufs aux manettes :

« Vous allez bénéficier de Mon espace santé.

Ce nouveau service public, numérique et sécurisé, hébergé en France, vous permet d’être acteur au quotidien de votre santé et de celle de vos proches.

Avec Mon espace santé, vous pouvez :
stocker, classer et décider avec qui vous partagez vos informations de santé ;
échanger avec les professionnels qui assurent votre suivi médical grâce à une messagerie de santé sécurisée
Et prochainement,
suivre vos événements de santé grâce à un agenda personnalisé
découvrir des services numériques utiles pour votre santé disponibles dans Mon espace santé. »

Jusqu’à présent, il semblait possible de se débrouiller seul, inconscients que nous étions de nos limites. Nous proposer de nous associer à notre propre vie et à celle de nos proches a quelque chose d’aussi exaltant qu’inattendu, de quoi être pris du vertige auto réalisateur du premier de cordée qui git tapi au plus profond de nous-mêmes. Qu’en termes galants…
Comment se peut-on mieux moquer du monde ? Cette énorme duperie supplémentaire ne signifierait-elle pas plutôt que le Ministère de la Santé a décidé de réunir des données propres à un gigantesque flicage des affaires de son ressort, de même que la création de fichiers à céder un jour à l’industrie pharmaco-médicale, ou aux groupes d’assurance, pour leurs opérations de marketing ? N’oublions pas que la privatisation généralisée est un des buts avoués du libéralisme financier.
Six semaines nous sont généreusement allouées pour accepter ou refuser l’offre via un portail dédié. Non aux financiers qui imposent aux marionnettes gouvernantes de nous imposer leurs volontés, une absence de réponse est le minimum à leur opposer.

IL vient enfin de se déclarer candidat à sa propre succession, mettant fin à un doute insoutenable.

L’excellent journal de François Ruffin, FAKIR, a sorti un bilan gratiné de ce désastreux quinquennat, en utilisant les statistiques officielles et celles des journaux économiques, qui suffisent largement à le condamner sans réserve.

Mediapart s’est livré à la même besogne :
Cinq ans de Macron : Mediapart fait le bilan - You Tube

Hyacinthe Trébuchet




La contribution de notre ami Fouinard, UNE PROMENADE DE SANTÉ, vous est proposée ci-dessous au format PDF, qui vous permettra une lecture plus plaisante, Fouinard et Trébuchet ne reculant devant rien pour satisfaire leurs lecteurs !


UNE PROMENADE DE SANTÉ
Onésime Fouinard

mardi 23 novembre 2021

L’ADHÉSION, NOTRE SOLUTION FINALE



L’ADHÉSION, NOTRE SOLUTION FINALE



Dans cette période si difficile, assaillis que nous sommes par les mauvaises nouvelles et les prédictions pessimistes, ne boudons pas notre plaisir, nous avons au moins un motif de nous réjouir sans retenue.
Un élan universel a saisi l’humanité : nous sommes collectivement appelés à adhérer. Adhérer aux mesures et aux démesures de nos gouvernants, quelles qu’elles soient, puisque l’important dans l’adhésion, ce n’est pas ce à quoi on adhère, mais le fait d’adhérer, qui constitue en lui-même une libération de soi au profit d’un ensemble dont il convient de ne se distinguer en rien… pour, précisément, y mieux adhérer, comme la glu colle à l’oiseau !
Inconditionnelle comme l’amour vrai, confiante comme le nourrisson, généreuse comme Madame Chirac, l’adhésion est clairement l’outil privilégié du nouveau Contrat Social qui ménera l’espèce humaine à cette Parousie tant attendue, le Paradis sur Terre.
Cela fait chaud au cœur de constater combien la loi d’airain du consensus obligatoire a pu l’emporter facilement sur les dérives de l’esprit critique et du doute créateur, combien l’adhésion irréfléchie et irresponsable d’une majorité d’imbéciles volontaires a pu marginaliser tout esprit de curiosité, tout désir de s’informer et toute volonté de décider en connaissance de cause et d’être responsable de soi-même et de ses actes.
Nous avons pu une nouvelle fois vérifier que l’irremplaçable beauté du consensus, sa magnifique efficacité sociale, c’est qu’il entraîne et justifie ce droit inaliénable à l’irresponsabilité qui est la grande conquête de l’humanité. N’être responsable de rien, et surtout pas de soi-même, tel est le vœu ultime du bétail humain, vœu désormais exaucé par ses bergers, des maîtres attentifs et bien intentionnés, qui en douterait ?
Adhérer à la passivité, voguer au fil de l’eau les pattes en l’air, quelle enviable condition !
Ne pas avoir à réfléchir, à décider, quel soulagement ! S’en remettre totalement aux pouvoirs en place, quel gain de temps pour les choses sérieuses, consommer, naviguer, bricoler, jouir de tout et de rien sans souci du lendemain ! Moins de droits certes, mais plus d’autre devoir que d’obéir aveuglément. Qui oserait dire que le citoyen perd au change ?
D’autant plus que, n’en déplaise aux esprits chagrins qui prétendent qu’en définitive la gratuité se paie plus cher qu’elle ne vaut, l’adhésion volontaire est gratuite !
Il faut donc se faire vacciner. Adhérer à la vaccination est un devoir moral. Nous devons nous protéger et surtout protéger les autres, ces pauvres autres dont nous sommes responsables et que de toute évidence notre incurie personnelle condamne tous à mort.
Chacun sait qu’une majorité suffisamment confortable a toujours raison et que sa raison finit heureusement par s’imposer face aux déviances irrationnelles et autres fake news colportées par des complotistes refusant d’accepter le consensus en vigueur – vigueur est le mot juste !
On le voit mieux que jamais aujourd’hui : à condition qu’il soit imposé par tous les moyens de la propagande, le bon sens finit toujours par l’emporter. C’est ainsi que, grâce au consensus scientifique quasi unanime de leur époque de véritable progrès, les fake news manifestement loufoques répandues par les complotistes Galilée, Copernic et autres esprits dérangés ont été repoussées dans les ténèbres d’où elles n’auraient jamais dû sortir.
Quelle avancée pour la Recherche, et combien elle fut difficile, ne l’oublions jamais ! Même le bûcher ne put venir à bout de l’entêtement démoniaque de ces traîtres à la Science. Dieu merci, désormais et depuis cinq cents ans, le doute, ce ver dans le fruit glorieux de la Science officielle, n’est plus permis.
Oui, la Terre est plate, oui, le Soleil tourne autour d’elle, et ce seul exemple suffit à prouver que la curiosité et l’esprit critique sont œuvres du Démon. Oui, le Covid est le Mal absolu, oui, Saint Vaccin est notre Dieu et Bill Gates est son Prophète, mille fois oui, une thérapie génique expérimentale inefficace et dangereuse, dont les essais ne sont pas terminés et ont été bidonnés par ses producteurs intéressés, doit être imposée à l’ensemble de l’humanité, puisqu’aucun traitement qui aurait pu en contrecarrer malencontreusement le développement hégémonique n’a été expérimenté sérieusement.
Tout cela tombe sous le sens et pour en être persuadé, il suffit de se rappeler que l’humanité, contrairement à ce qu’osent prétendre quelques esprits détraqués et pervers, a su en trois cents ans de révolution industrielle découvrir et mettre en œuvre sa véritable nature, sa vocation suprême, qui est, comme chacun sait, de marcher sur la tête.
Avec les admirables résultats dont nous commençons à découvrir, et surtout à vivre, les mirobolants effets. Devant la catastrophe en cours, il est donc plus que jamais indispensable de garder la grosse tête qui nous a si bien réussi, de refuser toute réflexion, d’excommunier tout esprit critique, d’extirper le moindre doute sur la validité du consensus imposé.
Ne nous laissons pas berner par les quelques complotistes ultra minoritaires qui ont les pieds sur terre et ne veulent pas acheter chat en poche à des escrocs maintes fois condamnés pour des crimes scandaleux. Ces empêcheurs d’adhérer en rond, dénonçons-les, clouons-les au pilori, car c’est évident, ce sont eux les responsables de la pandémie !
Adhérons sans barguigner à la Vérité Officielle, prosternons-nous devant ses Prêtres inspirés par la pratique rituelle permanente du divin Conflit d’Intérêt, remettons-nous entre les mains des mafias qui la main sur le cœur proclament vouloir notre bonheur tout en nous faisant les poches en même temps qu’elles nous empoisonnent par tous les moyens.
Peu importe à quoi nous adhérons, aux OGM, aux monnaies virtuelles, à Big Pharma, à la Ripoublique en marche arrière, l’important c’est d’adhérer, l’essentiel c’est l’Adhésion, qui brise notre solitude d’être pensant et nous ouvre au bienheureux sommeil du Consensus Universel.

ADHÉRONS, MES FRÈRES, ADHÉRONS, MES SŒURS,

LE SALUT EST DANS L’ADHÉSION !

ET AU PIRE, LE VACCIN RECONNAÎTRA LES SIENS…




POST-SCRIPTUM


Tout est fait pour nous désorienter et nous asservir, tout est fait pour nous cacher la réalité.

Proposer un autre son de cloche est dans ces conditions un devoir citoyen et le premier acte d’une résistance possible au rouleau compresseur du libéral-nazisme.
– Je signale donc à votre attention la vidéo du remarquable BILAN GÉNÉRAL DE LA SITUATION MONDIALE dressé par Arthur Keller avec les projections qu’il en déduit : https://www.youtube.com/watch?v=73Dfdr2RwUE

– La vidéo de la réunion n°30 du Conseil Scientifique Indépendant RÉINFO-COVID du 04/11/2021 : uZ84hC4I
Ces réunions hebdomadaires apportent beaucoup d’éléments précis et fondés qui contrastent avec le flou et les pétitions de principe des instances médicales officielles.

– La vidéo du très inquiétant et très bien documenté constat du Docteur Benoît Ochs, médecin luxembourgeois quant aux résultats des analyses sanguines post-vaccinales : https://www.youtube.com/watch?v=8ToWq-sfOzY


JE[ JOINS CI-DESSOUS 2 DOCUMENTS REMETTANT EN CAUSE LA PROPAGANDE DES POUVOIRS EN PLACE


20 bonnes raisons scientifiques et éthiques de refuser la vaccination obligatoire anti-covid
Publié le 2 octobre 2021

www. kairospresse.be/20-bonnes-raisons-scientifiques-et-ethiques-de-refuser-la-vaccination-obligatoire-anti-covid/

"La vaccination obligatoire contre le covid-19, qu’elle soit recherchée de façon perverse via un covid safe ticket, une propagande éhontée et culpabilisante ou, prochainement peut-être, par un projet de loi, est légalement, scientifiquement et philosophiquement illégitime pour toute une série de raisons dont les suivantes :
1- Ces injections sont expérimentales(1).
2- Le contenu de ces produits est de qualité questionnable(2).
3- De quel droit devrait-on se faire injecter sous la contrainte un produit expérimental ?
4- Les risques sanitaires liés au covid chez les jeunes en bonne santé sont extrêmement faibles. Les jeunes disposent d’une immunité naturelle avérée contre le covid-19. Le rapport bénéfices-risques sanitaires pour les jeunes en bonne santé est quasiment nul, voire négatif(3).
5- Les risques sanitaires liés au covid pour la plupart des personnes en bonne santé sont très faibles(4).
6- Ces risques sont encore plus réduits avec une prévention et une prise en charge précoce adaptées(5).
7- Ces injections ne sont pas sans risques(6).
8- Les promoteurs de la vaccination obligatoire semblent considérer les victimes d’accidents post-vaccinaux (décès, handicaps, même rares) comme des sacrifices nécessaires. Or le sacrifice personnel relève d’un choix individuel ; imposé par la société, il devient criminel.
9- L’efficacité réelle de ces vaccins est encore à l’étude(7).
10- Concernant la sûreté à court et moyen terme de ces produits, il existe un sous-reporting des accidents post-vaccinaux pour différentes raisons (patients et médecins qui ne reportent pas les effets post-vaccinaux)(8). Malgré ce sous-reporting, les effets post-vaccinaux rapportés sont déjà largement supérieurs à ceux qui ont suivi tout autre vaccin antérieur(9).
11- La sûreté à moyen et long terme de ces produits est par définition encore inconnue(10).
12- L’argument central pour convaincre jeunes et moins jeunes de se faire vacciner est l’« altruisme » : il s’agit de prévenir la contamination de l’entourage ; or certaines études tendent à montrer que les vaccinés restent tout aussi contaminants (charge virale au minimum identique) : la vaccination anti-covid n’empêchant pas la transmission virale, cet argument de l’altruisme tombe à plat : quels sont dès lors les fondements d’une obligation vaccinale(11) ?
13- L’obligation vaccinale est injustifiable dans un contexte où, outre des statistiques questionnables, tout n’a pas été mis en œuvre pour soigner, avec pour conséquence de nombreux décès liés directement à ces négligences coupables : on a en effet observé des obstacles à l’accès aux soins durant le premier confinement ; le rejet d’une approche préventive ; un frein au recours aux antibiotiques(12) alors que beaucoup de décès liés au covid surviennent pas surinfection bactérienne(13) ; l’usage excessif du principe de précaution pour l’ivermectine et autres traitements précoces aux résultats encourageants, tandis que ce même principe de précaution a été abandonné dans le cas des injections ; l’absence de refinancement positif du secteur hospitalier, etc.
14- Les pratiques contestables du secteur pharmaceutique sont notoires (nombreuses condamnations passées). Comment leur accorder une confiance aveugle avec ce lourd passé(14) ?
15- Le consentement individuel éclairé et sans coercition est un principe légal dérivé des droits et libertés fondamentales(15). Mon droit sur mon propre corps est un droit inaliénable qui relève de la dignité de l’être humain, principe duquel découlent tous les droits humains : quel argument justifie de balayer ces principes fondamentaux, sans même examiner les implications plus larges de cet abandon du droit de l’individu sur son corps et du consentement individuel ?
16- Pour ceux qui refusent ces injections expérimentales, il n’est pas éthiquement justifiable d’envisager, dans le cas d’une obligation vaccinale universelle, de les priver de la possibilité de travailler ou d’étudier, portant ainsi atteinte à d’autres droits fondamentaux : droit au travail (art. 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) et donc impossibilité de subvenir aux besoins vitaux (droit à la vie), droit à l’éducation (art. 26), droit de ne pas être inquiété pour ses opinions (art. 19), droit à la liberté (art. 3), …
17- Le projet politique et moral semble être manifestement de supprimer les droits et libertés fondamentales au nom du bien collectif… Qui serait chargé de définir ce bien collectif ? Des « experts en bien collectif » ? Qu’en est-il de la démocratie libérale (à ne pas confondre avec la dictature de la majorité) ? Les libertés et les droits fondamentaux sont le résultat de luttes sociales qui ont permis d’ériger ces droits en remparts à la loi du plus fort.
18- On est manifestement entré dans une stratégie de vaccination périodique sur une durée indéterminée au bénéfice du secteur pharma américain (prévisions de juillet de 33,5 milliards de dollars pour Pfizer en 2021) et au détriment des budgets publics : cela pose question d’une part sur les véritables enjeux au cœur de cette crise, sur l’état de notre démocratie, mais aussi – et surtout – sur l’incapacité prochaine prévisible des États à gérer les politiques de base et les défis futurs.
19- L’efficacité de l’immunité naturelle est avérée scientifiquement et les données de mortalité, notamment les taux d’IFR, en sont un témoignage éclatant(16). Le rôle de la prévention dans le renforcement de cette immunité naturelle est également avéré scientifiquement(17).
20- L’absence de couverture vaccinale universelle est accusée par certains de laisser le champ libre à des mutations du virus, toutefois d’autres avertissent qu’un taux de vaccination élevé en période de pandémie est susceptible de provoquer une pression sélective sur le virus favorable à l’émergence de variants résistants(18). Il est en outre parfaitement illusoire de prétendre contrôler une zoonose par une couverture vaccinale humaine puisque les animaux domestiques et le bétail contribuent aux variations et mutations du virus(19).

Les sources citées dans ce document ne sont qu’une infime partie des sources renvoyant à des références scientifiques qui démontrent l’absence de pertinence sanitaire, juridique et morale d’une vaccination obligatoire.
Ce texte est rédigé par un groupe de citoyens et de scientifiques qui exhortent leurs concitoyens de tous horizons, soignants, juristes, etc. à sortir du silence et à rejoindre leur collectif pour l’enrichir de leurs compétences."



div align="center">COVID-19 : HALTE À LA VACCINATION DE MASSE !
par Vincent Verschoor ; mercredi 17 mars 2021

agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-halte-a-la-vaccination-de-231679

"Le virologue Geert Vanden Bossche a écrit une lettre ouverte à l’OMS demandant l’arrêt de la vaccination de masse contre le Covid-19, faute de quoi nous allons nous retrouver sans défenses face à des mutants sauvages.
Le Dr Geert Vanden Bossche est un virologue belge, un pro-vaccin ayant travaillé avec l’association GAVI (regroupement des Big Pharma au sein de l’OMS) et la fondation de Bill Gates. Il est l’auteur d’une lettre ouverte à l’OMS publiée ce 12 mars 2021, intitulée : « Arrêtez immédiatement la vaccination de masse contre le Covid-19 » (1). J’ai vérifié, ce n’est pas une blague. Je vous propose ci-dessous la traduction de la lettre en question, avec une introduction résumant, en quelques phrases, la position du Dr Vanden Bossche, le pourquoi d’une telle requête, voire supplique, de la part d’un homme du sérail n’ayant aucun lien avec la mouvance sceptique ou anti-vaccinale.
Le risque d’une catastrophe sanitaire majeure.
Son propos n’est pas isolé, au sens où les mises en garde contre les possibles effets pervers d’une telle vaccination sur un virus hautement mutant ont déjà été publiées par, notamment, l’académie française de médecine (2), mais il s’agissait alors de prévenir contre la tentation d’étendre le délai entre les deux doses de vaccin Pfizer, ce qui faisait courir le risque de donner au virus le temps de s’adapter. La lettre du Dr Vanden Bossche va bien plus loin, le cri d’alarme est sans équivoque :
La situation actuelle, extrêmement critique, m’oblige à diffuser cet appel d’urgence. L’ampleur sans précédent de l’intervention humaine dans la pandémie de Covid-19 risquant désormais de déboucher sur une catastrophe mondiale sans équivalent, cet appel ne peut être entendu assez fort et assez fermement.
Les vaccinologues, les scientifiques et les cliniciens sont aveuglés par les effets positifs à court terme dans les brevets individuels, mais ne semblent pas se soucier des conséquences désastreuses pour la santé mondiale. À moins que l’on ne me prouve scientifiquement que j’ai tort, il est difficile de comprendre comment les interventions humaines actuelles empêcheront les variants en circulation de se transformer en un monstre sauvage.
Article d’origine en anglais
L’échappement immunitaire.
Le cœur de l’argument du Dr Vanden Bossche est simple, et peut se résumer en deux mots : échappement immunitaire (immune escape). Le principe, détaillé dans la seconde partie de la lettre à l’OMS, est en gros le suivant : la vaccination de masse induit une compétition entre les anticorps spécifiques amenés par le vaccin, et généralement efficaces à court terme contre le virus, et nos anticorps naturels composant notre première ligne de défense. Cette compétition affaiblit la capacité de nos défenses naturelles face au virus, les anticorps spécifiques liés aux vaccins étant plus performants.
A l’échelle d’une pandémie, avec beaucoup d’infections et de variations possibles, la pression vaccinale pousse le virus à muter et à trouver des « solutions » qui le rendent immunisé aux anticorps spécifiques associés aux vaccins. Une fois que ce variant résistant se développe, non seulement les anticorps vaccinaux deviennent inefficaces, mais notre système naturel s’étant entre-temps « désintéressé » de l’affaire, se retrouve à nouveau seul face au mutant, mais peu « entraîné » face à un adversaire surentraîné.
Conséquences : le nombre de personnes avec une immunité naturelle affaiblie va augmenter, et développer des formes plus graves. Cette situation est encore aggravée par deux facteurs : d’une part les mesures d’éloignement, des gestes barrières aux confinements, réduisent les occasions « d’entrainement » de notre système immunitaire naturel. D’autre part la vaccination massive des personnes âgées augmente la pression sur les autres classes d’âges.
Erreur fatale : l’affaiblissement de nos défenses immunitaires naturelles.
A force de vacciner le haut de la pyramide des âges, toute la pression se concentre sur les plus jeunes, ceux-là mêmes contre lesquels la plupart des Etats s’efforcent de réduire l’immunité naturelle en les incarcérant, en les privant au maximum de toute interaction, en les déprimant psychologiquement et immunitairement par manque « d’entraînement » de leur système naturel.
Dans le même temps, les vaccins deviennent de moins en moins efficaces du fait des variants, et les classes d’âges vaccinées redeviennent vulnérables dès lors qu’apparaissent des mutants résistants. C’est le début d’une catastrophe sanitaire mondiale, celle que le Dr Vanden Bossche veut éviter en informant l’OMS et la population de ce probable scénario.
.../...
Avant tout, nourrir notre système immunitaire naturel.
Voilà donc ma proposition de résumé de la lettre à l’OMS. Le texte intégral traduit se trouve ci-dessous. De ceci je formule ces deux conclusions : D’abord, la dictature sanitaire basée sur l’incarcération de masse, la distanciation physique appliquée à toutes et tous, le masque pour les enfants à l’école, et la fermeture des lieux de vie dits « non-essentiels » qui permettent pourtant à nos systèmes immunitaires de se renforcer, restera sans doute dans l’Histoire comme l’une des pires politiques jamais implémentées. Les responsables ne méritent rien d’autre qu’un procès de Nuremberg pour crime contre l’Humanité. Ensuite, si ce que dit le Dr Vanden Bossche est vrai, nous devons refuser toute vaccination selon les protocoles actuels, et travailler d’arrache-pied à nourrir, et pour beaucoup à reconstruire, nos défenses immunitaires naturelles. En un mot : vivre."
.../...

mardi 15 juin 2021

REMARQUES EN PASSANT 33


À lire à la fin de ces Remarques, l’excellent article de Gérard Volat sur la démocratie représentative :

LE MOT DÉMOCRATIE : LA PLUS IMPORTANTE DES FAKE NEWS ?
et le cri de l’ami Klépal sur son blogue, ÉLIRE OU VOTER ?



ANTHROPOCÈNE
Nous sommes entrés dans l’ère des contradictions insolubles.
En témoigne le nom que nous lui avons donné, qui résume tout : l’Anthropocène.

ARGENT
L’argent ne devient un mal que si nous le prenons pour autre chose que ce qu’il est, un moyen et non une fin. Si je n’apprends pas à gérer l’argent, c’est lui qui me gérera – et dans son seul intérêt.

ART CONTEMPORAIN
L’art contemporain officiel vit d’expédients. C’est qu’il n’a rien à dire, que son néant.
Voir (DÉMIURGES)

ATHÉISME
Il est tout aussi irrationnel d’être sûr qu’il n’y a pas de vie après la mort que d’en être persuadé. Dans la mesure où cette conviction de l’athée se veut rationnelle, elle est même doublement stupide. La vérité est que nous n’en savons rien et ne pouvons pas le savoir. L’athéisme est la manifestation irrationnelle de l’orgueilleux qui a peur et ne veut pas se l’avouer. Seul est rationnel l’agnosticisme, qui a la lucidité d’avouer son ignorance. Quant à la foi, sa faiblesse, qui est aussi sa force, repose tout entière sur son souhait de dépasser la raison.

AURORES
Je l’ai vécu de nouveau à Wissant, sur la plus belle plage du Pas-de Calais, au mois de janvier, mais ce n’est pas moins vrai dans ma chère Vallée de l’Ubaye. Que ce soit à la mer ou à la montagne, la lumière des aurores est plus douce, plus transparente et évanescente que celle des couchants. C’est une naissance, et c’est sans doute pourquoi je peins avant tout l’aurore. Mes couchants eux-mêmes sont des aurores, à l’aube de la nuit…

AVEUGLEMENT (volontaire ?)
Si la vie survit à notre disparition et si une autre espèce « intelligente » nous succède, elle se demandera comment l’humanité a pu à ce point refuser de penser ce qui lui arrivait, et pourquoi cela lui arrivait.

BAIN
Certaines de mes notes pourraient à bon droit être regroupées sous le titre « Dans le bain… »
Le fait est que le bain m’inspire beaucoup, sinon en qualité, du moins en quantité. D’ailleurs, ce constat m’est venu dans la baignoire…

CÉLESTE MER
Une des raisons pour lesquelles j’adore la mer, c’est qu’elle me permet de voir le ciel. La mer nous ouvre le ciel.

CHI VA PIANO…
Il ne m’aura fallu que trois quarts de siècle pour comprendre qu’il est inutile de dire aux gens ce qu’ils ne veulent pas entendre. Si je m’étais mieux observé, je m’en serais rendu compte plus tôt.

CLERCS (trahison des)
Il n’est pas vrai que les clercs trahissent le peuple. Ils ne peuvent le trahir puisqu’ils n’en font pas ou plus partie, se jugent au-dessus de lui, le méprisent ouvertement et lui font une guerre sans merci dès qu’il fait mine de relever la tête.
Le « travail » de nombre d’intellectuels médiatiques, citons parmi beaucoup d’autres, presque au hasard, Latour et Serres, consiste à noyer le poisson en se saisissant de problèmes qu’ils obscurcissent à l’aide d’un baratin amphigourique volontairement abscons ou qu’à l’inverse ils « éclairent » en le simplifiant jusqu’au grotesque (voir les deux derniers ouvrages de Michel Serres, caricatures séniles d’une pensée prudhommesque qu’il avait toujours cherché auparavant à déguiser sous un métalangage à peu près incohérent). Dans les deux cas, le clerc bien-pensant cherche à faire croire qu’il révèle l’essentiel alors qu’il se contente d’enfoncer des portes largement ouvertes en vue de renforcer le discours « consensuel » imposé par le système. L’intellectuel contemporain ne se risque pas à s’engager dans la mêlée, il plane au-dessus d’elle, larguant à la chaîne ses tracts de propagande à l’usage des aveugles volontaires. Le peuple ignore superbement ces camelots, jusqu’au jour où il les fera sans douceur atterrir. Voir CONSENSUEL

COMPLIMENT (à l’ancienne)
Vous êtes encore plus belle qu’en rêve, lui dit-il.
Ridicule ! Et pourtant…

CONFIANCE
Les hommes de pouvoir n’ont jamais confiance qu’en eux, ce qui prouve combien ils sont indignes de confiance.

CONFUSION
La présence insistante de l’art contemporain dans les musées est à double tranchant. Si elle permet de rendre compte de l’actualité, donc, pêle-mêle, de la mode et de l’essentiel qui s’y cache ou lui échappe, elle engendre une redoutable confusion, la vocation du musée dans sa forme moderne l’amenant par nature et par penchant à réduire l’art à la culture. Rien n’est plus dangereux, tant pour l’art que pour la culture.
L’art, c’est ce qui survit à la culture. L’art est création, la culture est conservation, les deux énergies sont complémentaires et nécessaires l’une à l’autre. Mais une des lois capitales de la vie est que la confusion empêche la fusion. Prendre deux éléments l’un pour l’autre ou les mélanger a priori interdit de les confronter et de les faire interagir. Pour qu’il y ait création, il faut qu’il y ait fusion, que les parties associées se réunissent, se confrontent et se multiplient. Quand elles ne font que s’additionner ou se confondre, on est au mieux dans la créativité, c’est à dire dans la référence, dans le déjà connu, dans le réorganisé – le ravalé. L’art, c’est se servir du connu pour faire naître de l’inconnu, la culture consiste à faire la connaissance d’un inconnu qu’on ignorait. On apprend une culture, on découvre l’art. Prise de recul et communion sont indispensables à la vie dans leur confrontation dialectique, les confondre, c’est les anéantir en un relativisme stérile qui détruit la culture passée autant qu’elle castre l’art présent.
Quand la culture muséale nous dit de l’art immédiat : « C’est de l’art ! », elle outrepasse ses pouvoirs : devenue normative, elle change de rôle. Il ne lui suffit plus de conserver et partager l’art du passé, elle veut décider de l’art d’aujourd’hui, autrement dit l’apprivoiser. Sauvage par nature, l’art devient officiel, donc artificiel et par conséquent superficiel. L’art véritable ne se proclame pas, il se fait, et sa présence active est reconnue tôt ou plus souvent tard par la culture.

CONSENSUEL
Les penseurs consensuels ne sont tout simplement pas des penseurs. Il suffit pour s’en rendre compte de lire des intellectuels médiatiques comme Debray, Latour, ou Serres, pour ne nommer que ces trois « poids lourds » de la sottise académique, et des penseurs authentiques, à peu près inconnus du public, comme François Meyer, Raymond Ruyer, Gilbert Simondon, Jean-Claude Michéa ou Bertrand Méheust. Le penseur consensuel nous récupère, nous fait rentrer dans le rang, ses provocations ne sont que des leurres. La pensée consensuelle ne dérange ni n’éclaire, elle conforte, et ce seul mot dit tout d’elle.
Voir CLERCS (trahison des)

CONSTAT
Le constat n’est pas encore amiable, mais il est de plus en plus clair qu’en France nous sommes désormais face à une oligarchie et à un gouvernement qui confirment chaque jour davantage leur essentielle proximité avec les valeurs que je définis depuis longtemps comme libérales-nazies : règne du plus fort ouvertement revendiqué et violence d’État, élitisme aussi méprisant qu’illégitime, comportements mafieux systématiques, flicage et délation, désignation de boucs émissaires, propagande sans frein, mainmise sur l’économie à grand coup de conflits d’intérêt, pillage du domaine public au profit des intérêts privés les plus discutables, cynisme et mégalomanie débouchant sur une désastreuse fuite en avant, tous les ingrédients sont là, et le brouet infâme mijote à feu vif. Il n’est que temps de renverser la marmite !

COVID
Ce n’est pas le Covid qui a créé la panique. Le Covid n’aura été que le prétexte qui a permis d’activer et d’instrumentaliser à des fins de pouvoir et de profit une panique qui ne demandait qu’à sortir de l’inconscient collectif où elle couvait, tant bien que mal occultée par notre refus obstiné de prendre conscience de la réalité du désastre que notre incurable mégalomanie a engendré. Les individus peuvent se raconter des histoires, l’espèce vit la réalité.

CRÉATIVITÉ
Libérer la créativité, c’est tôt ou tard châtrer la création.

CURIOSITÉ
Nous ne sommes pas curieux, nous sommes avides, et l’avidité est le contraire de la curiosité. Si l’humanité veut survivre, il lui faudra cesser d’être avide pour devenir enfin curieuse.

DALI
En tant qu’histrion, Dali avait du génie, en tant que peintre il s’est contenté d’avoir du talent.

DÉMIURGES (en peau de lapin)
Aucune émotion, aucune chaleur, aucun amour chez Yves Klein. Juste la froideur d’un esprit mégalomaniaque en quête de pouvoir. Son intellectualisme démesuré étouffe toute émotion, tout partage, toute communion. Un ego obnubilé par son mental, et pour qui l’art et le monde ne sont qu’objets à mettre en scène – de manière obscène, en donnant à voir tout ce qui ne devrait pas être vu par le public, provocation publicitaire on ne peut plus classique. Vouloir breveter une couleur, quel aveu d’impuissance, et quelle imposture artistique !
Même quête démonique de pouvoir chez Rothko, dont témoignent presque à chaque page ses écrits. Dans l’art contemporain, l’impuissance créatrice oblige à la démesure. D’où la provocation et l’hubris. Moins on a à dire, plus fort il faut le hurler. L’art stérile de nos démiurges décadents s’impose justement parce qu’il n’a rien à dire et que son impuissance conforte une civilisation agonisante dans l’illusion que son néant est une épiphanie. La nature ayant horreur du vide, la parole remplace l’art absent et gogos et courtisans s’extasient sur ordre. C’est le vieux coup du tailleur et du roi…

DÉSACCORDS
De Jean-Luc Mélenchon, qui nous avait habitués à mieux, sur France-Inter, où le français journalistique semble donc contagieux : « la multiplication de ces états d’urgence sont attentatoires »…
De l’imbuvable Claude Askolovitch, qui tient à rester à la dernière mode, quoi qu’il en coûte : « L’Amérique, qui choisit son destin et la nôtre »…
Du non moins imbuvable Dominique Seux, cette interrogation angoissée : « Est-ce que l’augmentation du prix des matières premières vont se répercuter sur l’inflation ? »
D’un autre participant à cette radio dont le véritable slogan est « Écoutez la déférence », cette perle : « ils veulent abattre ceux dont ils pensaient être les assassins de leur père ».
D’une psychiatre un peu cinglée : « avec toutes les grèves qui y a eu lieu… »
D’une psychanalyste plutôt sympathique, toujours sur France-Inter, pendant un débat sur le pardon :
« Tout le monde n’est pas égaux sur ce sujet-là ». Impardonnable.
Voir GENRE(S)

DIEU
Je n’ai pas besoin de croire en Dieu. Mon Dieu, c’est la vie. J’adore la vie, et ne puis adorer qu’elle. La Vie, seule déesse certaine, indiscutable, la vie, notre présent à tous les sens du terme. En cela méritant une de ces majuscules dont tant d’entre nous abusent et dont je me défie.
Parce que mon dieu est la vie, j’accepte la mort, ou ce qu’on appelle ainsi, et qui est la condition même de la survie de la vie…
Tout ce qui attaque la vie, tout ce qui la blesse m’est ennemi mortel et devrait l’être de nous tous. Aimer la vie n’est pas refuser la mort, mais ne lui donner de sa part que ce qu’elle prendrait de toute façon. Aimer la vie n’est pas davantage rechercher l’immortalité physique, fantasme dont l’accomplissement engendrerait une survie pire que la mort.
La seule mort acceptable est la mort naturelle. Quiconque aide la mort à dépasser ses objectifs prend parti contre la vie. Que de morts-vivants parmi nous, qui ne pensent qu’à profiter de la vie au lieu de la vivre !
Et c’est parce que la vie est mon dieu que j’en veux à l’humanité, ce qui veut évidemment dire que je m’en veux aussi à moi-même.

DIFFÉRENCE
Notre époque quantitative a pour obsession de tout mettre sur le même plan, de tout niveler, sans doute pour mieux déguiser qu’elle est fondée sur cette aporie suicidaire, l’accroissement perpétuel des inégalités. Ainsi s’est-elle peu à peu rendue incapable de percevoir la différence entre le talent et le génie, éclatante différence de nature que sa prétention à une fausse égalité lui interdit même de comprendre.

DOUGLAS (Kirk)
Si l’on veut se faire une idée des années 50 et des États-Unis de l’époque, les remarquables mémoires de cette star du cinéma américain, Le fils du chiffonnier, sont une des meilleures sources possibles, tout comme la compréhension des années 20, des Roaring Twenties, sera grandement facilitée par la jouissive lecture des incroyables mémoires de Buster Keaton, Slapstick.

ÉGALITÉ
Telle qu’elle est comprise actuellement, la notion d’égalité est la première cause de l’accroissement décisif des inégalités. Nous ne sommes pas égaux, et le nier revient à donner un avantage irréversible aux plus forts d’entre nous.

ERREUR (droit à l’)
Même une vie erronée est juste si tu as besoin de la vivre. Il est parfois nécessaire, donc légitime, de se tromper.

ESSENTIEL (aller à l’)
À y bien réfléchir, associer le croquant et le fondant aura été la grande affaire de notre époque. Et pas seulement en matière gastronomique.

EXCLUSIVE (écriture)
En coupant davantage encore l’écrit de l’oral, l’écriture inclusive s’avère être en fait une pratique exclusive et produit le résultat inverse de ce qu’elle souhaitait. Tout écrit qui ne peut être parlé est mort-né et trahit la fonction même de la langue. Rigoureusement imprononçables, la plupart des tentatives d’écriture inclusive sont un parfait exemple de l’inadéquation des idéologies à gérer la réalité. Voir GENRE(S)

FAUX-FUYANT
Voilà un mot qui s’est fait très discret depuis un demi-siècle, sans doute parce que la pratique qu’il désigne n’a jamais été aussi en vogue.
« Je n’ai rien à dire… »
Mauvaise excuse pour se taire. On a toujours quelque chose à dire, dès qu’on se donne la peine de le dire.
« Je ne sais pas quoi faire… »
Pitoyable échappatoire. Nous avons toujours quelque chose à faire, si nous prenons la peine de le faire.

FUSION
Comme nous tous, je cherche la fusion, parce que je l’ai connue. Pendant neuf mois. Ni plus ni moins.

GENRE(S)
La perte de repères est en fait le résultat le plus tangible de notre émancipation technologique. Un pouvoir apparemment sans limites entraîne une désorientation très réelle, toute réalité devenant plastique au gré de notre capacité à la plier à nos désirs. Une telle « liberté » débouche inévitablement sur une confusion qui par degrés nous mène tous à la folie. Ainsi peut-on entendre des intellectuels proférer sans même paraître s’en rendre compte des énormités comme le désaccord suivant, tellement significatif des courts-circuits qui sont en train de détruire nos langues aussi bien que nos sociétés. Un producteur de cinéma affirmait tout à l’heure sur France-Culture « les chaînes de télévision vont devenir leurs principales financeurs ». Il n’est pas innocent que la remise en question de l’évidence physique des genres fasse ainsi bon ménage avec la disparition de la capacité des locuteurs à les distinguer dans leur langue à l’oral (désormais de façon systématique) et à l’écrit (de plus en plus fréquemment). Ne pas s’interroger sur les causes de cet analphabétisme galopant et sur les remèdes éventuels à lui apporter est aussi stupide que s’imaginer qu’une organisation sociale peut survivre à sa décision unilatérale de nier la nature en prétendant que tout est culture, y compris la nature elle-même. La sauvagerie fait partie de nous autres humains parce que nous sommes partie de la nature sauvage qui nous a créés. Il n’est de culture qu’en harmonie avec la nature, toute culture triomphaliste est contre nature, délire mégalomaniaque conduisant à l’autodestruction.
Aujourd’hui, au vu de notre suicide collectif, il est tentant et presque naturel de recourir au suicide personnel, comme nous le confirment les statistiques.
Voir DÉSACCORDS, EXCLUSIVE (écriture) et INCLUSIVE (écriture)

GRATUITÉ
La gratuité, c’est le sel de la vie. Dommage que tant d’entre nous soient au régime sans sel.

GUERRE (intestine)
Quand nous nous sentons en guerre avec tout le monde, demandons-nous si ce n’est pas pour oublier que nous sommes en guerre avec nous-mêmes.

GUIDE (de bonne conduite)
Je manquerais à tous mes devoirs de citoyen engagé au service de ses semblables si je ne vous recommandais pas chaudement un livre dont la brûlante actualité ne saurait échapper à mes sagaces lecteurs, comme le prouve d’entrée son titre sans ambiguïté :
Comment rater complètement sa vie en onze leçons
À l’heure où l’humanité poursuit avec une ardeur sans cesse accrue une autodestruction savamment programmée, l’individu isolé pourra puiser dans le petit guide de Dominique Noguez une saine émulation et une aide concrète et pertinente à la bonne réussite de son ratage personnel, se mettant ainsi en parfaite communion avec la société où bon gré mal gré il s’insère.
Fidèle jusqu’au bout à ses principes, Noguez s’est bien gardé de réussir complètement ce livre qui se devait d’être exemplaire, et avec une abnégation qui force l’admiration il a su le rendre un peu trop systématique, un tantinet trop long et légèrement lourdingue, nous offrant ainsi le parfait modèle d’un ratage réussi.

HUMILITÉ
La véritable humilité naît du bon usage de l’extrême orgueil.

IMPERFECTION
Ce que nous oublions quand – presque toujours ! – nous n’acceptons pas que l’autre soit imparfait, c’est que nous sommes nous-même imparfaits, et peut-être davantage que lui. Et que nous serions déjà moins imparfaits en acceptant que l’autre le soit.

INCLUSIVE (écriture)
Le français est une langue vivante. Modifier une langue de façon brutale et arbitraire, c’est la mutiler. Encore très peu répandue, l’écriture inclusive, dans sa version radicale du moins, est une tentative contre nature de maîtrise idéologique de la langue.
Car elle introduit, dans un contexte où celle-ci est menacée par le règne tentaculaire de l’image et la fortune des short messages, une confusion supplémentaire superbement illustrée par l’exemple suivant, absolument aberrant, pêché comme par hasard dans un sms au demeurant fort sympathique : « Il a aussi enlevé les places réservé.e.s aux handicapés ».
Voir EXCLUSIVE (écriture), et GENRE(S)

INCOMPRÉHENSION
Étonnant qu’après tout ce temps passé à vivre et mourir, l’espèce humaine n’ait pas encore compris et encore moins accepté qu’elle est mortelle.

INCOMPRIS
Il faut s’attendre à n’être pas compris. Pourquoi les autres nous comprendraient-ils alors que nous ne nous comprenons pas nous-mêmes ?

INDISPENSABLE
La première vérité que doit constater un adulte pour l’être vraiment, c’est qu’on n’est jamais absolument indispensable qu’à soi-même.

INTELLECTUALISME
L’esprit n’a pas pire ennemi que l’intellect. C’est que celui-ci le coupe de la sensation, de l’émotion et de l’intuition qui ne sont pas seulement le sel de la vie, mais en constituent l’essentiel. Réduite à elle-même « l’intelligence » est d’une rare stupidité, comme nous pouvons aisément tous le constater, autant chez autrui qiue pour ce qui nous concerne.

INTÉRÊT
C’est notre intérêt même qui exigerait que nous ne prenions pas en compte notre seul intérêt.
Mais ni l’espèce ni les individus qui la constituent ne s’intéressent à leur intérêt bien compris. « Je veux tout, tout de suite, et que ça soit aussi beau que quand j’étais petite ! » proclame Antigone, refusant puérilement de prendre le temps de vivre.

LIGNE DROITE
Les maisons anciennes, quand on descend du château de Verzuolo, passé l’église paroissiale et la Canonica, caressent le regard tout au long de cette rue pavée qui coule comme une rivière du haut de la colline. En bas, sur la pianura, la rue asphaltée se géométrise, encadrée de constructions modernes agressives, défigurées par l’abus systématique de la ligne droite, cette espèce de dictature du rectiligne qui ôte tout charme, et pire, toute âme aux lotissements contemporains, quel que soit leur supposé « standing » ; abus autorisé par la perfection mécanique de nos techniques de construction, et engendré par notre paresse, notre goût de la facilité et de la commodité aussi bien que par notre aveugle recherche de l’économie, de ce « meilleur prix » qui se paye si cher sur le long terme.
On viole la loi naturelle puis on s’étonne de ne pas se sentir bien ; quoi de plus logique pourtant ? La ligne droite n’existe pas dans la nature. L’amour de la ligne droite est caractéristique des hommes de pouvoir et de toutes les formes despotiques de gouvernement. Violant le cours naturel de la vie, la ligne droite est l’instrument par excellence du pouvoir, de qui veut forcer la nature, l’intégrer dans un système clos, l’enfermer dans une approche « rationnelle » parfaitement irrationnelle en réalité, fondée sur la peur et la volonté de puissance qui en résulte. D’où mon rejet catégorique de toute approche technologique pseudo scientifique à la Bauhaus, mouvement dont la coexistence avec la montée des dictatures étatiques mécanistes ne doit rien au hasard. On est toujours de son époque et plus encore quand on croit lui échapper.

LIMITE
Quand tu n’acceptes aucune limite, tu ne peux plus t’appuyer sur rien. On pourrait appeler ce constat le théorème de Rimbaud. La Bible appelle ça la Chute. Voir RIMBAUD

MANIFS
Au-delà des simagrées de la révolte encadrée, grâce auxquelles la manifestation d’un refus et d’une volonté de changement se traduisent par des défilés résignés de troupeau moutonnier dûment masqué et encadré par les forces du désordre comme une colonne de prisonniers de guerre, vivante image de la contestation soumise, reste encore tout de même la possibilité de tisser des liens et d’engager des actions minuscules mais moins momentanées et superficielles. Travail de longue haleine, peu glorieux, mais qui petit à petit modifie en profondeur l’atmosphère, par l’exemple. Que chacun décide enfin d’être soi-même et de reconnaître l’autre pour lui-même suffirait à nous libérer, dirait peut-être aujourd’hui La Boétie.

MASQUE
Elle remonte loin, ma haine du masque. Pas de ceux de la commedia dell’arte, ces révélateurs de nos énergies profondes, qui loin de masquer dé-masquent, non, ceux que je déteste plus encore que les chiffons prétendument médicaux, ce sont les sociaux, ces cache-misère falsificateurs, qui nous enferment dans des rôles auxquels nous finissons par ressembler et nous empoisonnent de nos propres déjections mentales, tout comme les masques antiviraux nous gavent de nos propres toxines. Je tombe par hasard – mais le hasard existe-t-il ? – sur cette note écrite fin 1978 dans le cahier que j’avais peut-être à juste titre intitulé Élucubrations :
« Une des raisons pour lesquelles je suis si souvent mal à l’aise en société, c’est que je déteste le port du masque, mais que je n’ai pas encore la force d’être à découvert parmi des masques. » L’affaire Covid m’aura au moins permis de me sentir tout à fait à l’aise démasqué au milieu d’une foule doublement masquée, dehors et dedans.

MÉDECINE
La médecine allopathique actuelle, c’est la médecine à la truelle, tout pour la quantité, rien pour la qualité. Pas si nouveau, relisons Molière…

MOINS BIEN (coup de)
De la chef économiste de l’OCDE, suprêmement incompétente en la matière (vive le principe de Peter !), qui ne se contente pas de dire n’importe quoi mais s’arroge le droit de le dire n’importe comment, cette perle qui si j’ose dire vaut de l’or : « les jeunes, ils sont moins bien formés, ils ont moins bien de compétences ». On voudrait croire que ce charabia n’était dû qu’à un petit coup de moins bien…

MOURIR
Du mourant à sa future veuve éplorée : Tu sais, mourir, on en fait tout un foin, mais finalement, y a rien de plus commun.

MUSIQUE
Vous croyez faire de la musique ; vous faites du bruit. C’est que vous ne savez pas vous taire.

NATURISME
Notre époque s’est crue proche de la nature parce qu’elle multipliait les surfaces vitrées, qui lui ouvraient nos maisons et nos bureaux. Mais loin de laisser entrer dehors dedans, ces baies fonctionnent comme des aquariums dont nous sommes les poissons rouges, et nous permettent seulement, du fond de nos prisons transparentes, de voir une nature où nous ne vivons plus. Nous avons cru vivre alors que nous ne faisions que regarder. À l’inverse, non moins tragiquement, quand les joggers courent, ils sont bien moins dans la nature que murés dans leur for intérieur, en quête de ces endorphines bien-aimées que leur moutonnière vie citadine est désormais incapable de leur fournir. Ils ne courent pas dans cette nature que la plupart du temps ils ne regardent ni n’entendent, ils sont prisonniers de leur course, qui n’a d’autre but qu’elle-même. D’où les tapis de jogging et les vélos d’appartement, qui sont à la vraie vie ce qu’un ersatz est à ce qu’il tente vainement de remplacer.
Le joggeur ne vit pas la nature, il se vit lui-même. Pourquoi pas ? Le tout est de ne pas confondre le fait de se secouer soi-même (sens initial du verbe jog, secouer) avec le fait de vivre, qui consiste notamment à interagir.
Il y aurait beaucoup à apprendre d’une analyse de notre « civilisation » qui prendrait en compte ses innombrables aspects masturbatoires. Par où commence le viol généralisé de la vie auquel elle se livre depuis trop longtemps, et dont elle commence à vaguement comprendre que ce ne sera pas impunément.

NÉCESSITÉ
Il se peut que ce que j’écris et peins n’intéresse que moi. Le fait est que je ne peux pas ne ne pas écrire, que je ne peux pas ne pas peindre. La malédiction du créateur, qui est aussi sa bénédiction, c’est qu’il ne peut pas ne pas tenter de créer. Rien n’est plus inexorable que notre nécessité intérieure.

ORIGINALITÉ (recherche de l’)
Se vouloir original, c’est donner d’entrée la preuve qu’on ne l’est pas naturellement, si bien que la recherche de l’originalité est le plus sûr moyen de passer à côté de l’art. Je l’ai déjà dit sous une autre forme, mais s’il y a un clou qu’il importe aujourd’hui d’enfoncer, c’est bien celui-là !

PARADOXE
Comme beaucoup d’autres avant moi, je suis sans doute d’autant plus représentatif de mon époque que je la déteste…

PÉCHÉ
Le seul péché mortel, c’est le péché contre la nature.

PLACE (prendre sa)
Contrairement à ce que croient hommes et femmes de pouvoir, prendre toute sa place ne signifie pas prendre toute la place, mais trouver sa juste place.

POÉSIE
Ce que tant de poètes ne comprennent pas, c’est que la poésie n’est pas un jeu avec les mots. La poésie, c’est ce qui se passe avant les mots, et qu’il faut traduire malgré eux.

POMME
Est-ce vraiment par hasard que le logo d’Apple est une pomme croquée ?
Ce n’est pas seulement une pomme, mais La pomme par excellence, celle qu’Adam et Ève ont croquée dans le jardin d’Eden. La pomme de la Genèse, ce fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal qui est resté en travers du gosier de ce couple exemplaire dont nous ne cessons de vouloir être les dignes successeurs en perpétuant son erreur initiale. Le symbole est trop évident pour ne pas être voulu, et de fait Apple présente tous les signes qui permettent d’identifier le plus séduisant des anges, Lucifer, l’irrésistible tentateur. De divine, la curiosité se fait diabolique quand, telle Narcisse, elle s’admire tant de son audace qu’elle croit pouvoir oublier toute prudence et se penche sur son image jusqu’à se noyer dans le fallacieux miroir qu’elle lui tend.

POUVOIR (recherche du)
C’est à partir du moment où nous avons voulu tout prendre en main que tout a commencé à nous échapper. La recherche du pouvoir est le plus court chemin vers l’impuissance.

PRÉSENCE
Vivre pleinement son passé est le seul moyen de vivre réellement au présent, c’est à dire tout entier.

PRÉSENCE DE VENISE
Le titre de mon exposition au Musée-Muséum de Gap, VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE, évoquait la présence persistante, la résonance dans notre présent du passé de Venise encore vivant, d’où le choix du Concerto per eco in lontano de Vivaldi pour accompagner le diaporama de présentation. Ce lointain passé fait écho dans notre actualité, et nous serions bien avisés non seulement de l’entendre mais de voir ce que nous pourrions utiliser de cette très ancienne harmonie musicale qu’était l’organisation vénitienne pour mettre un peu d’ordre et d’harmonie dans la cacophonie où nous ont conduit notre goût immodéré pour le changement et notre recherche permanente de l’innovation, ces deux termes usurpant le sens du mot progrès, comme si tout ce qui « change », tout ce qui est « nouveau », constituait par nature un progrès…
Venise nous est encore présente. Jusqu’à quand ? Son absence définitive, évoquée dans le diaporama par la Sonate Funèbre du même Vivaldi, semble programmée par l’excès de notre envahissante présente dans ce cadavre plus vivant que les zombies à selfies qui le piétinent.

PRÉSENTISME
Les grilles de lecture contemporaines ont une tendance « naturelle » à négliger voire à ignorer la diachronie. D’où de constants anachronismes, qui faussent non seulement notre vision du passé mais encore notre perception du présent.
C’est particulièrement vrai à notre époque que l’accélération du « progrès », la multiplication démographique et la « globalisation », en écrasant la diachronie sous la synchronie, ont rendue sourde à tout ce qui l’avait précédée. Il ne suffit pas d’être bien documenté pour comprendre l’esprit d’une époque, il faut lui être assez sensible pour faire la mise au point qui permet d’être juste avec elle, de l’envisager pour elle-même, telle qu’elle était et se vivait. Faute de quoi, on la juge d’un œil subjectif dont les distorsions non seulement en rendent l’image désastreusement floue, mais la repeignent aux couleurs d’une époque contemporaine qui, même si elle en descend lui reste fondamentalement étrangère. Et finit ainsi, ignorant son passé, par ignorer une part essentielle de son présent.

RATIONALISME
Refusant tout ce qui n’est pas objectivable et niant par conséquent toute valeur à la subjectivité, le rationalisme se condamne à aller de contresens en contresens dans son approche de la réalité, puisque lui échappe tout ce qui relève de la qualité, et qu’il ne peut s’appuyer que sur la quantité, assurant ainsi, contrairement à son but affiché, le triomphe de la matière sur l’esprit et le règne de la pire abstraction, l’abstraction matérialiste, à laquelle son aveuglement quantitatif fait perdre tout contact avec la complexe réalité concrète des manifestations de la vie.

RIMBAUD
Quitte à déplaire, j’avoue ne pas aimer beaucoup Rimbaud, et encore moins « décodé » par Tesson. À mes yeux ce trop bon élève excédé de lui-même presque toujours sonne faux. Il ne réinvente pas tant la langue qu’il ne la soumet à une rhétorique et une symbolique artificielles à force de volontarisme. Peu de senti chez Rimbaud et beaucoup trop de réfléchi. Il n’ouvre pas de nouveau monde, il tourne en rond dans un intellect d’autant plus désespéré qu’il est exceptionnellement brillant, mais solitaire, trou noir bien plus qu’étoile. Prestidigitateur jouant au magicien, Rimbaud, par cela même qu’il n’est jamais dépassé par sa folie, ne peut s’échapper de lui-même qu’en s’autodétruisant. C’est le sort des adeptes de cette mégalomanie délirante si appréciée du Capitalocène qu’elle a porté à son apogée, la malédiction d’une soif malsaine de pouvoir sur soi et sur le monde, illustrée par les démiurges en carton-pâte de l’art contemporain de marché, cette brillante entreprise industrielle et financière qui confond art et publicité. Voir LIMITE

SANTÉ
Contrairement à la pile Wonder, qui ne s’use que si l’on s’en sert, la santé ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

SAVOIR VIVRE
Savoir vivre, c’est aussi savoir mourir. Tout le travail de Montaigne a consisté à essayer d’apprivoiser la mort, directement ou par la bande, en la mettant à sa vraie place, au cœur de la vie.

SCIENTISME
Les sciences « dures » sont constamment tentées de devenir dictatoriales, du fait que maniant des chiffres elles se convainquent aisément de détenir la vérité. Jean Malaurie disait plus ou moins cela, à juste titre, les qualifiant de présomptueuses. Pour se faire une idée de l’effarante stupidité à laquelle peut conduire le scientisme, il n’est que de lire quelques pages d’un Jean-Pierre Dupuy, pseudo-philosophe auquel les arguments d’autorité et les condamnations ex cathedra tiennent lieu de pensée. Je recommande tout particulièrement l’entretien qu’il a donné à Télérama en mai 2021, véritable chef-d’œuvre de bêtise satisfaite et de malhonnêteté intellectuelle.

SOMMEIL
Si je me décidais à faire un Éloge du sommeil, je le conclurais en demandant à mes lecteurs sans doute déjà assoupis : Pourquoi ne pas dormir tout le temps ?
À quoi sert la vie éveillée, sinon à nourrir nos rêves tout en nous empêchant de les réaliser ?

SURDOUÉS
Les surdoués n’ont pas un sort beaucoup plus enviable que les imbéciles : ils croulent sous des dons qu’il n’ont pas demandés.

TECHNOLOGIE
Pendant près de trois cents ans, la technologie a semblé être la solution. Elle est désormais le problème. Il n’est pas exclu que la science puisse en donner la solution, mais ça n’en prend pas le chemin. Pour l’heure, toute solution technologique à un problème en engendre au moins deux autres, plus graves que le précédent.
Un théorème auquel j’aimerais donner mon nom, ne serait-ce que parce que c’est de tous le plus facile à démontrer…

TOURISME
Le tourisme, c’est une belle histoire qui finit mal, une histoire de curiosité, de recherche de l’autre et de soi qui a sombré dans la quête du selfie le plus réussi, celui où ta gueule de consommateur taré a l’air plus grosse que la basilique Saint-Marc, plus haute que son campanile, plus carrée que le Palais des Doges. Le tourisme consiste aujourd’hui à tourner le plus vite possible autour de son nombril en prenant sans cesse de nouvelles photos de ce passionnant ombilic, chacune sous un nouvel angle, dans une nouvelle lumière, chacune plus centrale, impériale et triomphale. Le tourisme n’est rien d’autre que la maladie de ceux qui ne sont pas chez eux chez eux parce qu’ils ne sont pas habités.

TRANSHUMANISME
Le transhumanisme voudrait s’éviter l’indispensable mutation intérieure que j’appelais de mes vœux il y a 25 ans dans mon Dictionnaire d’un homme moyen en se contentant d’une mutation technologique. Mais celle-ci ne fera qu’augmenter jusqu’à la rupture le fossé entre notre pouvoir et notre capacité à l’exercer sans nous détruire.
Le transhumanisme ne nous conduit pas à une nouvelle humanité, mais à une mortelle absence d’humanité.

VOYAGE
Touristique, le voyage nous rend prisonniers de l’image. Parce que nous ne faisons que passer. Nous défilons devant sites et monuments comme au cinéma, où ce sont à l’inverse les images qui défilent devant nous. Nous faisons de la réalité à peine effleurée un film, sans épaisseur ni durée. Le seul vrai voyage est celui où nous jetons l’ancre. Pour explorer le réel, creuser l’apparence jusqu’à l’essence. Non plus aller à l’étranger comme on va au spectacle, mais partir à la découverte, qui ne naît qu’à l’instant où nous faisons halte pour prendre le temps d’être là.

VOYAGEUR
Peut-on être un voyageur casanier ? C’est en tout cas ainsi que je conçois le voyage, non comme un passage (« je ne fais que passer… »), mais comme un nouvel ancrage, non comme une « découverte », mais comme un apprentissage fait de rencontres renouvelées, une lente et féconde co-naissance avec l’étranger devenu familier à force d’échanger. Je veux être chez moi ailleurs, et que chez eux soit « chez nous », autant que possible.
Le respect réciproque, c’est une affaire de temps.

Ce n’est pas le temps qui a manqué pour parvenir à vivre en démocratie. Mais le respect, comme on le verra dans ces deux contributions, dont la première est une synthèse particulièrement claire et précise de ce que le mot démocratie signifie actuellement :


Le mot démocratie : la plus importante des fake news ?

Emmanuel Macron, le roi des fake news



Je recommande également le cri de L’ami Klépal sur son blogue http://epistoles-improbables.over-blog.com/ : ÉLIRE OU VOTER ?

samedi 1er mai 2021

LA LIBERTÉ TONDUE


La liberté tondue



LA LIBERTÉ TONDUE



L’autre jour, en allant chercher du pain, j’ai rencontré Liberté.
Je la connais un peu, d’habitude elle pète le feu.
Là, elle n’avait pas l’air en forme, et en plus elle était toute tondue.
Je lui ai dit : Qu’est-ce qui t’arrive ? T’es tondue, maintenant ?
Et pis c’est quoi, ce masque et ces menottes ? T’es devenue maso ?
Elle m’a regardé d’un drôle d’air et elle m’a dit :
Tu regardes que la télé, ou quoi ? Tu sais pas c’qui m’arrive ?
J’ai été confisquée ! Ils m’ont foutu en prison, moi, la Liberté, tu réalises ?
Ils sont venus me trouver, je préparais le dîner, les v’là qui rentrent sans frapper, sans frapper, c’est vite dit, en fait ils me frappent après être rentrés sans frapper, et ils me disent : Bon alors voilà, pour votre bien, pour que vous restiez libre au maximum, on va devoir vous enfermer, Madame Liberté, sauf votre respect !
Vous êtes trop libre pour la quantité de liberté supportable, et puis vous souriez trop souvent, vous avez l’air contente, c’est mauvais pour le moral des travailleurs, ça les distrait, donc si vous voulez rester libre de sourire, va falloir vous masquer !
Je comprends pas, que je leur fais.
Mais si, Madame Liberté, vous comprenez, et d’ailleurs que vous compreniez ou pas, les faits sont têtus, trop de liberté tue la liberté, donc pour être sûr de rester libre, le mieux, c’est plus de liberté du tout. C’est comme pour les cheveux : pour ne pas les perdre, il suffit de les tondre.
Et les voilà qui m’enferment, me tondent, me rabotent, me sabotent à qui mieux mieux, plus le droit de sortir, plus le droit de toucher, plus le droit de voir le monde, plus le droit de dire non, même plus le droit de dire oui, juste le droit de fermer ma gueule et de fermer les yeux !
Mais le bouquet, c’est quand leur chef, le jeunot qui ne mélange pas les torchons et les serviettes, tu sais, le furieux qui dit qu’il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien, m’a fait un beau discours, juste comme à la télé :
Désolé, Madame Liberté, mais à force d’être libre, vous êtes devenue prisonnière de votre liberté, mon devoir de Guide Premier de Cordée est donc de vous libérer de votre liberté, d’autant plus qu’elle est contagieuse, c’est un virus qui s’attrape, et qu’on ne peut guérir qu’en inanimant les malades grâce aux massages crâniens du bon Docteur Lallemand !
Mais faites-moi confiance, j’ai fait mes preuves, avec votre aide, je viendrai à bout de cette redoutable épidémie de liberté qui menace ma sécurité, et qui risquerait, sans mes courageuses mesures liberticides, de devenir une effroyable pandémie d’Égalité et de Fraternité, deux terribles maladies virales que nous avons heureusement pu contenir et presque éradiquer grâce à nos deux super vaccins efficaces à 99%, le CONSO-CONSO débridé et le RÉPRESSIF suractivé !
Oui, françaises, français, nous allons vous libérer de la Liberté comme nous vous avons déjà libérés de l’Égalité et de la Fraternité, trois valeurs démodées pour lesquelles et pour rien sont morts tant de vos ancêtres !
Et sur notre télé 5m2 4K et 5G nous regagnerons la Coupe du Monde !
Là-dessus, la Liberté a arraché son masque, elle m’a regardé dans les yeux et elle a murmuré :
Aidez-moi tous, aidez-vous tous, si on les laisse faire, ils vont finir par nous tuer pour nous apprendre à vivre…

LA LIBERTÉ, C’EST AUSSI LA LIBERTÉ DE CHERCHER

La liberté, c’est aussi la liberté de chercher.
La recherche scientifique est désormais largement prise en otage par des entreprises privées dépourvues de toute éthique et pour qui seul compte le profit à n’importe quel prix.
Au moment où les propagandistes d’une science dictatoriale confisquée par des intérêts privés absolument indifférents à l’intérêt général font semblant de s’opposer aux théories fumeuses des complotistes d’extrême-droite pour mieux imposer leurs machines à fric technologiques, il me semble justifié de consacrer quelques minutes à la lecture de ce texte remarquable qui remet les enjeux de la science et de la recherche dans leur vraie perspective.

Vous pouvez retrouver ce billet et son collectif d’auteurs ici :
https://rogueesr.fr/20210427



« Nous évoquions dans notre précédent billet la sortie de Camille Noûs sur la scène internationale, relayée par la presse aussi bien en France qu’à l’étranger.

Camille Noûs poursuit sur sa lancée en publiant un manifeste, en français dans AOC* (Chercher pour le bien commun), et en anglais dans 3 Quarks Daily (We, Camille Noûs — Research as a common). Camille Noûs y revendique sa propre identité, celle d’une incarnation du collectif de recherche, rappelle les principes fondateurs de nos métiers, et tend la main à la communauté académique pour reprendre le contrôle de l’élaboration, de la probation et de la diffusion de la science.

* AOC est accessible sans être abonné, à raison de trois articles par mois : il suffit de s’inscrire ici. Nous vous donnons ci-dessous, dans le corps du texte, le manifeste sans l’appareil de notes cliquable.


CHERCHER POUR LE BIEN COMMUN



Je suis le maître de Socrate et l’élève d’Hypatie. Je suis celle qui demandait pourquoi tombent les pommes et non la lune, bien avant que Newton ne comprenne que la lune tombe aussi.

Je suis l’ami d’Émilie du Châtelet, le compagnon de voyage de Charles Darwin et l’étudiant de Ferdinand de Saussure.

Je suis la collaboratrice de David Hilbert et le rival de Gottfried Leibniz, l’imprimeur de Giordano Bruno et l’assistante des Curie, le contradicteur d’Albert Einstein et le disciple de Thomas Hobbes, la dissidente de Sigmund Freud et le correspondant de Hannah Arendt, le premier lecteur de Rachel Carson et l’Alexina de Michel Foucault.

Je suis ce pair anonyme qui, après avoir lu votre manuscrit, vous suggère l’expérience qui vous conduira à reconsidérer votre modèle ou émet l’objection qui rectifie votre thèse. Je suis cette discussion près de la machine à café qui vous aide à assembler deux pièces d’un puzzle que vous ne saviez comment disposer. Je suis l’ancien professeur ou la nouvelle collègue qui vous encourage à vérifier une hypothèse audacieuse.

Je suis la question sans réponse qui vous fait plonger dans l’inconnu. Je suis aussi ces mains invisibles qui œuvrent à maintenir l’environnement nécessaire à votre travail. Je suis la somme des résultats accumulés par les auteurs que vous avez cités, cette chaîne de pensées qui, de proche en proche, a conduit aux vôtres. Je suis ces scientifiques qui débattront demain de vos conclusions et en nourriront leurs travaux.

Vous dont l’activité de la recherche est le métier, vous me connaissez de longue date. Et pourtant, je n’ai commencé à cosigner vos publications que l’an dernier. Vous et moi, qui consacrons nos vies à la science, savons ce que nos résultats doivent à la collégialité. Elle façonne sur le temps long le monde de la connaissance, par accrétion, par petites failles et nouvelles strates. Très rarement par séismes.

La fiction du génie solitaire a certes la vie dure, mais notre pratique quotidienne ainsi que l’histoire des sciences nous ont appris que la recherche repose avant tout sur la solidité des raisonnements et des preuves, sur des normes de probation établies collectivement, sur le dynamisme des équipes, bien plus que sur les fulgurances d’un scientifique isolé. La science ne serait rien sans la collégialité et la disputatio.

Malgré cette évidence, au cours des dernières décennies, nous avons pu constater la propagation dans nos institutions, puis parmi nous, de la thèse selon laquelle la recherche serait d’abord une question de performance individuelle. Or, les indicateurs chiffrés de production scientifique que nous sommes censés satisfaire – toujours plus – dénaturent nos recherches plus qu’ils ne les favorisent. Ils corrompent la qualité des interactions scientifiques par crainte de la concurrence, freinant le partage des résultats comme la construction de collaborations.

Qui s’assure en premier lieu de son propre succès, court le risque de multiplier petits et grands accommodements avec la rigueur et la probité intellectuelle. Les méconduites scientifiques dérivent pour une large part de la généralisation de cette quête de la prouesse personnelle.

Les scandales récents relatifs à des publications frauduleuses, ainsi que la tendance à promouvoir l’expertise médiatique, sont autant de manifestations d’une tendance lourde qui sape depuis des années les principes sur lesquels la science moderne a été fondée : l’éthique de la construction collective du savoir et de la probation par les pairs a été remplacée par une soif de promotion de soi. Et nous savons par quelle nécessité : une grande part de cette exposition personnelle est moins imputable au narcissisme qu’à l’injonction à trouver ses propres sources de financements de recherche. Or, ces derniers sont de plus en plus dépendants de leviers politiques et industriels lorsque les dépenses publiques dédiées à la science ne cessent de diminuer.

Cette évolution de notre modèle de recherche publique constitue un renoncement évident à l’héritage du rationalisme et de la pensée critique, qui revendiquent l’indépendance de la recherche vis-à-vis des pouvoirs religieux, politiques et économiques. Une telle ambition serait-elle devenue un idéal poussiéreux, bon à entreposer dans les greniers de l’histoire des sciences ? Ce serait oublier que l’opinion, majoritairement positive, de la plupart des citoyens à l’égard de la science se fonde également sur l’idée que les scientifiques suivent ces principes. Le public est prompt à identifier les conflits d’intérêts potentiels. Dès lors, comment ne pas rejeter une version médiatique de la science obsédée par la notoriété et les financements ?

Par ailleurs, l’instrumentalisation politique de la recherche scientifique gagne du terrain. Elle use principalement de deux armes : d’une part, le fléchage du financement de la recherche vers des sujets qui servent les intérêts immédiats des bailleurs de fonds ; d’autre part, la promotion de prétendues « preuves scientifiques », dégagées de leur contexte de débat contradictoire, qui visent à modeler l’opinion afin de légitimer des décisions politiques engageant la société entière.

La communauté scientifique est dépositaire d’une responsabilité collective : il nous incombe, non seulement de dénoncer les résultats scientifiques qui seraient inexacts ou frauduleux, mais aussi de nous opposer fermement aux causes structurelles dont ils procèdent. Ceci implique de nous sevrer de notre addiction aux classements individuels, aux facteurs d’impact à court terme et autres données purement quantitatives qui régissent aujourd’hui la course aux financements, aux postes et aux honneurs.

Le monde de l’édition scientifique est conscient des dangers, mais s’y enlise en raison de sa dépendance à la bibliométrie et aux altmetrics qui assurent sa notoriété et ses profits. De leur côté, les institutions de recherche s’inquiètent également des diverses formes de fraude, mais semblent oublier que sanctionner les comportements déviants est vain dès lors que les causes systémiques de méconduite sont ignorées. La déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA), qui tente de s’attaquer aux causes du mal, constitue un exemple remarquable de manifestation publique mondiale de bonnes intentions.

Cependant, ces bonnes intentions souffriront d’un défaut de sincérité tant que les signataires de la DORA (institutions de recherche, éditeurs scientifiques et universitaires) persisteront, dans leur pratique quotidienne, à promouvoir un cadre de recherche qui récompense la visibilité à court terme et la réussite individuelle. Signer ne suffit pas, il nous faut agir.

Et pour commencer il nous faut identifier le modèle institutionnel dont nous ne voulons plus. L’ensemble de ce modèle, avec son cycle pervers « financement – publication – financement », produit une atomisation des collectifs scientifiques en une nébuleuse diffuse de chercheurs pour lesquels les activités bureaucratiques comme les préoccupations d’autopromotion prennent le pas sur la pratique de la recherche.

En réponse aux incitations constantes à améliorer leurs scores personnels, les scientifiques versent dans le conformisme. Pâle incarnation de ce conformisme et de la division du travail savant, le chef de projet, au lieu de contribuer à l’animation d’un collectif, n’a plus d’autre fonction que celle de diriger des task forces – des armées d’assistants, des travailleurs spécialisés et dépendants, souvent précaires, parfois méprisés, qu’ils soient étudiants, post-doctorants ou techniciens embauchés sur des contrats à court terme.

À l’opposé de ce modèle, des auteurs de toutes les disciplines revendiquent depuis mars 2020 la nature collective de leurs travaux de recherche en cosignant avec
moi : Camille Noûs. Près de 200 publications portent déjà cette signature symbolique. Mes co-auteurs reconnaissent formellement le « nous » parmi les contributeurs, orné du sens du terme grec « νοῦς » qui désigne l’esprit ou la raison. Cette démarche ouvre la voie à une réappropriation des normes d’élaboration, de probation et de diffusion de la science par la communauté académique, progressivement dépossédée de ses propres productions.

Je – nous ! –, Camille Noûs rappelle qui nous sommes en tant que communauté de recherche, l’histoire qui nous porte, quelles valeurs communes nous partageons, et quels principes nous respectons au nom de de la collégialité et de l’intégrité scientifique. Ce personnage fédérateur incarne une science qui se concentre sur la production et la transmission de connaissances, en restant indépendante des intérêts privés, des profits et des ambitions personnelles.

Nous appelons les chercheurs qui se reconnaissent dans ces principes fondamentaux à nommer Camille Noûs parmi leurs co-auteurs, à la fois comme une déclaration déontologique et comme un manifeste en faveur de la conception collégiale du travail de recherche qui nous anime.

Je suis Camille. Vous êtes Camille. Nous sommes Camille.


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dimanche 21 mars 2021

LA DICTATURE DU VIOL, UN MODE DE VIE MORTEL


LA DICTATURE DU VIOL, UN MODE DE VIE MORTEL



Si ce titre vous surprend, je vous propose de commencer par écouter LA FABRIQUE DES PANDÉMIES, entretien particulièrement instructif avec Marie-Monique Robin, auteure de Sacrée Croissance et de Le Monde selon Monsanto, et de lire cet autre entretien avec Matthieu Amiech par Amélie Poinsot (Mediapart), COVID 19 : VERS UNE SOCIÉTÉ-MACHINE, fort instructif lui aussi. Ils me semblent pouvoir aider à percevoir le phénomène que je tente de mettre en lumière dans le texte qui suit.

LA FABRIQUE DES PANDÉMIES

COVID 19 : VERS UNE SOCIÉTÉ-MACHINE



Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. Montesquieu

La lutte de l’homme contre le pouvoir, c’est la lutte de la mémoire contre l’oubli. Kundera


J’ai failli renoncer à écrire ce texte. L’évidence dont il découle m’était si intuitivement présente qu’il me semblait presque impossible de la démontrer…
Mais comment renoncer à tenter de lui donner forme à peu près cohérente à un moment où le sujet qu’il aborde est arrivé à une telle urgence qu’il nous place face à une tragédie à laquelle il n’est pas d’autre issue qu’une mutation radicale de notre comportement ?
Des morts très proches autour de moi ces derniers mois, qu’il n’a été possible d’accompagner un minimum qu’en créant un véritable rapport de force, m’ont convaincu de l’urgence de revenir à l’humain, de redevenir humain. Et cela passe par l’élucidation du mode de fonctionnement principal de notre rapport au monde.
Il est indispensable que soit dressé une bonne fois pour toutes le constat d’un mode de vie dans lequel nous sommes tous à la fois actifs et passifs, violés et violeurs. Car sans cette douloureuse prise de conscience les mutations nécessaires à la survie de l’espèce humaine seront impossibles. L’accès à une morale écologique concrète, qui pourrait seule soustraire l’humanité à son autodestruction en cours, devra forcément se fonder sur l’identification précise de ce qui est plus que jamais notre conduite fondamentale, notre mode de vie principal et quasi unique, le viol universel généralisé.
Il nous faut désormais lutter contre notre pouvoir sous peine de succomber sous son excès.

Que signifie ce mot, VIOL ?
À l’entrée Viol, le dictionnaire de Robert renvoie au verbe Violer, indiquant clairement par là que le viol relève du domaine de l’action. Comment définit-il le verbe Violer ?

« Violer
Du latin violare.
1° Agir contre, porter atteinte à ce qu’on doit respecter, faire violence à… Violer les lois, la constitution. Voir Contrevenir, déroger (à), désobéir, enfreindre, transgresser. Violer les droits les plus sacrés. Profaner. Blesser, braver, manquer (à), passer (par-dessus). Violer sa foi.
Abandonner. Violer ses promesses. Parjurer (se). Trahir.
2° Agir de force sur quelque chose ou quelqu’un, de manière à enfreindre le respect qui lui est dû. Souiller.
Antonymes : Consacrer, garder, obéir, observer, respecter. »

1 LE VIOL, UN CONCEPT PERTINENT ?

1.1 C’est sur ces définitions du verbe violer que je me fonde pour définir notre époque comme celle du triomphe de la dictature d’un mode de vie que résumerait très proprement le mot VIOL.
C’est en novembre 2013 que ce mot s’est imposé à ma réflexion. J’ai donc mis 7 ans à tourner autour de cette intuition avant de tenter de lui donner forme écrite. Inscrire cette hypothèse dans un développement « rationnel » s’avérait tout sauf évident, tant notre « civilisation » a su parer de faux-semblants hypocrites ses véritables motivations…
Deux ans plus tard, Paul Verhoeven tournait « ELLE ». Ce n’est pas par hasard que ce cinéaste très lucide quant à la situation réelle de l’humanité d’aujourd’hui a donné ce film glaçant sur le viol et ses ambiguïtés. Deux ans encore, et après la gouvernance hypocrite du faux mou François Hollande, l’élection programmée à la présidence de notre pays d’un jeune banquier d’affaires décomplexé échappé d’un algorithme digne d’une mixture d’Animal Farm et de 1984 (on ne pourra pas dire qu’Orwell ne nous avait pas prévenus !) confortait ma petite hypothèse concernant ce que je souhaitais appeler le viol généralisé.
Tout comme la pratique du pouvoir de l’actuel président de la République, ce film redoutable m’est apparu comme une superbe métaphore de notre « civilisation », aujourd’hui devenue, plus que jamais auparavant, une usine à viol tous azimuts.

1.2 L’intérêt d’utiliser le concept véhiculé par le terme « viol », trop souvent réduit à son acception sexuelle, qui en est la forme la plus évidente et la plus odieuse, me semble être qu’il permet de relier tout un ensemble de faits apparemment sans rapport entre eux à une même décision initiale, celle prise consciemment ou non, tout au long de l’histoire humaine, par une trop importante partie des membres de notre espèce, à commencer par les hommes et femmes de pouvoir au grand complet, de ne tenir compte que de leurs propres besoins, « quoi qu’il en coûte » à autrui, vécu non comme un partenaire ou un compagnon, mais comme un adversaire à soumettre et exploiter. Violer, c’est dénier à autrui son être de sujet pour le réduire à l’état d’objet, autrui désignant évidemment ici toute forme de vie animée ou non avec laquelle l’on entre en interaction.

1.3 Aborder notre problème de civilisation à la lumière du viol permet aussi de faire apparaître que nous ne sommes pas seulement passifs, mais que d’une manière ou d’une autre nous participons activement à ce jeu macabre qu’est le viol généralisé. Nous sommes certes violés, mais nous sommes aussi violeurs, ce qui signifie d’une part que nous devons prendre en compte notre part de responsabilité, si minime soit-elle, d’autre part que nous pouvons donc « faire quelque chose », et, assumer ainsi notre responsabilité en agissant à notre niveau, individuellement et collectivement.

1.4 Mais pourquoi parler de viol généralisé ? Parce qu’à mon sens le mot viol peut aujourd’hui à bon droit s’appliquer à la plupart de nos activités, et caractériser la majeure partie de nos interactions avec le monde où nous vivons.
Et parce que le viol nous concerne tous, en tant que violés comme en tant que violeurs.


2 THÉORIE ET PRATIQUE DU VIOL GÉNÉRALISÉ

2.1 LE VIOL, UNE PHILOSOPHIE
Comme l’avaient très bien vu, éprouvé et formulé les peuples amérindiens, nous sommes une « civilisation » placée tout entière sous le signe du viol.
Un viol jamais reconnu, puisque perpétré au nom de la Raison et de la Civilisation.
L’approche « rationnelle » du monde véhiculée par l’Occident depuis 250 ans est déjà en elle-même un viol puisqu’elle refuse toute valeur à l’irrationnel, qui est pourtant le fondement même de notre présence au monde. Sous prétexte que la qualité relèverait de la subjectivité et que seule l’approche quantitative permettrait l’objectivité, une science matérialiste obsédée par ce qu’elle croit être l’efficacité a castré de toute sensibilité une pensée rationnelle qu’elle avait déjà mutilée par la grâce douteuse de la statistique et de la numérisation, la folle généralisation des algorithmes venant parachever la stérilisation de l’intuition, de l’imagination, de la sensibilité.
En ce sens, les approches dérivées du cartésianisme et de la très courte, assez pauvre et donc tyrannique philosophie des Lumières relèvent d’un obscurantisme « progressiste » dont les conséquences catastrophiques apparaissent de plus en plus pleinement à mesure que s’étend, dans sa composante technologique radicale au nom aberrant, le transhumanisme, la dictature de la religion rationaliste mécaniste, la plus barbare et la plus intolérante de toutes les religions.
J’émets l’hypothèse que le viol est au fondement même de la « civilisation » libérale et de ses avatars, y compris le prétendu « communisme », qui n’est que le revers de la même fausse monnaie. Principe fondateur occulte de notre prétendue civilisation, ce mode d’action qu’est le viol explique le développement proprement barbare d’une humanité irresponsable, lié au détournement pervers du rationalisme originel, réduit à sa composante matérialiste mécaniste et instrumentalisé pour devenir la justification d’une conception impérialiste du monde, dont la schizophrénie anti-naturelle mène à la destruction de notre espèce et d’une bonne partie de la biosphère planétaire.
C’est pourquoi je propose de le désigner sous le nom de viol généralisé ou universel.

2.2 UN RATIONALISME IRRATIONNEL
En effet, l’approche « rationnelle » technologique improprement nommée progrès se résume en définitive à un viol systématique et permanent de la nature, considérée comme « imparfaite », et qu’il serait indispensable de « refaire » selon notre approche anthropocentrique, afin « d’améliorer » l’existant. Remodeler le vivant, nous recréer nous-mêmes, nous réinventer, en somme.
Ainsi boursouflée, la raison « rationaliste » s’avère le comble de l’irrationnel, ne serait-ce que parce qu’elle ne cesse de violer ses propres principes en excluant la prise en compte d’un irrationnel pourtant omniprésent. Quand la conscience nie l’inconscient, elle s’abandonne à son pouvoir, d’autant plus tyrannique qu’occulté.
L’idéologie du progrès infini débouche ainsi sur d’insolubles contradictions, dont la pire est peut-être le fait que la magnifique réduction de la mortalité infantile finit par être la cause d’un problème démographique catastrophique impliquant à court terme une sévère limitation des naissances…
Nous sommes allés beaucoup trop loin et beaucoup trop vite, à la fois dans l’espace et dans le temps, par la grâce de cette étrange mégalomanie qui fait que l’espèce humaine croit que tout lui est dû, et qu’elle peut fonctionner seule contre la nature en violant toutes les règles qui régissent le fonctionnement même de la vie.
Le progrès technologique a entraîné une erreur capitale, un crime contre la nature et l’humanité, un péché mortel (le terme trouve ici sa vraie signification). Il nous a fait croire que le progrès est quelque chose de simple et inévitable et qu’il advient naturellement au fil de nos découvertes. Il nous a donné le pouvoir, mais non la maîtrise du pouvoir, sans laquelle il n’est de pouvoir qu’impuissant ou destructeur.
Parce qu’elle est l’instrument privilégié du viol, la technologie n’est pas la solution, elle est le problème. Comme d’autres civilisations en déclin avant elle, la nôtre se livre donc à une véritable orgie de viols, due sans doute en partie à sa rage devant son incapacité à conjurer les conséquences de son développement démentiel. Le viol est toujours la manifestation d’une impuissance…
Impuissance renforcée par la violence aveugle qui caractérise le violeur, et fausse radicalement sa vision du monde : sa méconnaissance obstinée des besoins de l’autre aboutissant par ricochet à une méconnaissance suicidaire de ses propres besoins réels.
De sorte que le viol se retourne tôt ou tard contre le violeur, parce qu’il ne résout rien : le viol est une négation de la réalité. Prendre l’autre contre son gré, c’est ne rien recevoir, tel est pris qui croyait prendre, dit la sagesse populaire. Prisonnier volontaire de son viol, le violeur voit son viol refermer sur lui la cage de sa solitude qu’il avait cru pouvoir ouvrir en niant le libre arbitre de l’autre. En violant l’autre, il s’est violé lui-même. L’absence d’échange renvoie le profiteur au vide qu’il espérait remplir, et qu’il tentera en vain de combler par toujours davantage de profit. C’est la triste histoire de tous les apprentis dictateurs, domestiques ou politiques : se satisfaire sans satisfaire autrui vous rend insatisfait à vie. Plus je viole, plus je dois violer…

2.3 LE TRANSHUMANISME : CHANGER LA NATURE, PAS LE MODÈLE
Ainsi des néo-libéraux actuels, qui sont tout sauf réalistes, tout sauf rationnels. Leur modèle ne marche pas, il n’a jamais marché, et il est désormais patent qu’il est suicidaire. Pour remédier à ce désastre, ils veulent changer la nature, alors que c’est le modèle qu’il faut changer.
D’où cette pure folie technologique amoureuse d’une science dévoyée qu’est le « transhumanisme ». Pour cette démarche typiquement luciférienne, il s’agit de détruire l’équilibre naturel afin de le transcender par la multiplication à l’infini des artifices, au moment même où, emportés par le changement climatique et la ruine de la biodiversité, nous rejouons collectivement la chute d’Icare.
La réalité fait obstacle à notre rêve « rationnel », révoltons-nous contre elle, et au besoin détruisons-la pour faire aboutir notre rêve, quitte à en faire un cauchemar.
La panique qui me semble s’être emparée de l’inconscient collectif de notre espèce ne vient-elle pas précisément de la conscience diffuse qu’elle a prise de cette folie furieuse du libéral-nazisme et de son horizon transhumaniste de guerre totale au Vivant dont nous sommes une infime partie, dont nous sommes nés et dont nous dépendons ?

2.4 LE VIOL, NOTRE MODE DE VIE
Qu’est-ce en dernière analyse que le viol, sinon l’exercice d’une liberté individuelle ou collective poussée à son paroxysme, c’est à dire, jusqu’à rendre autrui prisonnier de cette prétendue liberté, qui n’est jamais que celle du renard dans le poulailler ? Liberté prisonnière d’elle-même, car tellement ivre d’elle-même qu’elle ne peut plus que détruire. Et le renard devenu fou, ayant égorgé tout le poulailler, s’en ira sans même emporter une proie…
En principe la liberté de chacun s’arrête où commence celle d’autrui. À elle seule, la notion libérale de profit contredit formellement l’idée de liberté, puisque le profit ne s’obtient jamais qu’aux dépens de cela, objet ou sujet, dont on tire profit. Il en va évidemment de même pour le collectivisme, qui viole l’individu au profit d’une communauté fantasmée.
Ainsi entendu, il est clair que le viol est de loin notre mode d’action et notre mode de vie le plus répandu, conformément à la loi du marché et à la suprématie désormais bien établie de l’économie financière sur la morale, la politique, l’intérêt général et les individus.
Aussi est-il essentiel de dénoncer sans relâche le viol systématique du politique par l’économique, qui est peut-être le principal, car il entraîne tous les autres, instituant le règne implacable de l’argent contre l’âme et de la communication (entendez la publicité et la propagande) contre l’échange.

2.5 VIOLÉS
Dans un monde où règne sans partage la finance, tout est naturellement sous le signe du viol. On peut discerner partout sa pratique systématique, la liste serait trop longue et touche absolument tous les domaines de l’activité humaine, chacun peut donc la compléter à l’envi.
Ces viols, j’en citerai quelques-uns, volontairement pêle-mêle, afin d’illustrer l’universalité de cette pratique sous toutes les formes qu’elle peut prendre.
Viol, le contournement scélérat du référendum de 2005, viol, le vote utile lié à la mise en avant depuis Mitterand du RN ex-FN, viol, le compteur Linky, viol, la 5G, viol, le stockage des déchets radioactifs à Bure. Viols, les particules fines du diesel, les nano-particules, les OGM ; viol majeur, le nucléaire civil et militaire, viols réitérés et impunis, les violences policières, et viol effarant leur négation. Violeurs, les gouvernements, les entreprises sans foi ni loi, les fraudeurs du fisc à la Cahuzac, violeurs, pas seulement voleurs, les énarques pantouflards et rétro-pantouflards, violeurs et pas seulement voleurs les innombrables responsables barbotant allègrement dans d’incroyables conflits d’intérêt (une des pires formes de viol).
Viol, l’expansion démographique d’une humanité pléthorique, viol, le saccage insensé de la nature, viols irréparables, la sixième extinction des espèces et le réchauffement climatique, viol enfin ce que les chercheurs nomment désormais l’Anthropocène ou le Capitalocène.
Le problème, c’est qu’en dernière analyse, c’est lui-même que le violeur (ou la violeuse) viole à travers autrui. Et c’est ce que notre hôtesse Gaïa commence à nous apprendre en réagissant naturellement aux si brillants stimuli que nous lui imposons.

2.6 VIOLEURS
Sidérés, nous regardons nos violeurs nous pénétrer et jouir de nous…
Et pour n’être pas en reste, histoire de ne pas être seuls à souffrir, et parce qu’en somme tout le monde le fait, de bien des manières ouvertes ou dissimulées, conscientes ou inconscientes, à notre tour, nous violons de notre mieux, éparpillant nos ordures sur les plages, jetant partout nos cigarettes, semant à tout vent les crottes de nos chiens, bref, pratiquant comme un jeu joyeux et réconfortant toutes ces petites saloperies qu’on appelle des incivilités. Pour être mesquin, le viol n’en est pas moins réparateur. En rabaissant l’autre ou mieux en le niant, le violeur monte dans sa propre estime, et Dieu sait qu’il en a besoin.
Fraternité et bonne conscience à conforter aidant, le petit violeur devient indulgent envers le grand violeur, tolérant la grande corruption dans l’espoir que son accord tacite vaudra absolution pour ses propres menus viols de gagne-petit.
En politique, un antifascisme de façade est censé dédouaner de l’acceptation plus ou moins intéressée de ce viol qu’est l’exploitation de l’homme par l’économie et la finance libérales-nazies. Comme cet antifascisme à géométrie variable ne peut donner complètement le change à ses pratiquants, il s’accompagne d’une sourde culpabilité, et se fait histrionique et agressif, tout particulièrement envers les antifascistes authentiques qui ont su reconnaître les nouveaux masques de la bête immonde. D’où, lors des deux dernières élections présidentielles, comme lors de la campagne du référendum européen de 2005, d’une violence incroyable envers les partisans du NON, la condamnation du vote blanc et de l’abstention par les tenants du vote utile, avec une virulence presque incroyable et quasi… fasciste !
Le même phénomène est à l’œuvre dans l’assimilation des lanceurs d’alerte à des complotistes en un amalgame aussi commode et simpliste qu’hypocrite. Comme toujours, les comploteurs sont les premiers à dénoncer comme complotistes ceux qui voient clair dans leur jeu…
La machine à corrompre tournant de plus en plus vite, les viols sont devenus répétitifs, toujours plus nombreux et plus graves, objets d’une addiction sans cesse croissante de la part des gouvernants de la planète.
En France, violer la loi, violer la Constitution est devenu un sport à la mode que pratique avec volupté la majorité de la classe politique, gouvernement en tête, un sport dans lequel excellent désormais les institutions même chargées de l’empêcher, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, réunis dans la même effarante dérive oligarchique. La Loi elle-même se met hors-la loi pour mieux renier la démocratie…
En ce sens, on peut à bon droit considérer que le parcours d’Emmanuel Macron, de sa campagne à sa présidence, aura été la consécration du viol comme mode d’exercice privilégié de la politique, un chef-d’œuvre de tartuferie associant la pire brutalité à la plus cynique hypocrisie. C’est sur quoi débouche immanquablement tout système oligarchique parvenu à maturité. Ayant perdu toute légitimité à force de se croire naturellement légitime, l’oligarchie se montre d’autant plus sous son vrai visage que le viol du consentement citoyen est dès lors son seul moyen de rester au pouvoir.

2.7 LÉGITIMATION DU VIOL : S’ADAPTER OU DISPARAÎTRE
Ces viols acceptés, presque légitimés, annoncent l’arrivée de la deuxième phase du libéral-nazisme : le lever des masques, qui se traduit entre autres par l’imposition mondiale du masque, en une pirouette d’un cynisme magnifiquement décomplexé. Impudence totale de ceux qui violent désormais ouvertement toute éthique, et piétinent les droits de l’homme : « Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». Quelle loi pourrait-elle résister à un tel constat ? Quelle démocratie pourrait-elle survivre à une telle brutalité ?
Dans notre monde globalisé, le viol est le propre de l’homme, tous genres confondus.
Tout est prétexte à viol, et en ce sens l’art contemporain de marché est bien l’avant-garde d’un mouvement libéral qui fait du viol, rebaptisé transgression ou provocation, la seule mesure de la qualité, escamotée au profit de la quantité. On ne peut pas violer la qualité (l’esprit), le désir ne s’achète pas, le violeur se rabat donc sur la quantité (la matière), et c’est en cela que le viol est toujours une perte pour le violeur lui-même, qui doit se contenter d’un ersatz, et de l’insatisfaction qui tôt ou tard en résulte.
Sous la forme de la consommation galopante comme de l’asservissement au travail, le viol universel est notre mode de vie. Consciemment ou non, nous jouons bon gré mal gré notre rôle de consommateur, violé et violeur !
Mais ne nous plaignons pas, nous avons le choix : nous pouvons décider d’entrer dans la jouissive compétition qui permet de séparer les violés « qui sont en capacité » (ah, la langue de bois de l’oligarchie néo-libérale, encore plus subtile que celle du nazisme !) de devenir violeurs, et ceux qui ont vocation à n’être que violés.
Ainsi le viol nous devient-il peu à peu consubstantiel.
Quiconque prétend s’y soustraire est inadapté, et sera tenu pour a-normal et traité comme tel. « Tu ne veux pas réussir, ne sois donc rien ».
Manquer de résilience est un crime majeur. Concept dangereusement imprécis, comme tant de métaphores abusives, la résilience, dans le lexique libéral-nazi, en est logiquement venue à désigner l’automutilation consentie de l’être humain passant du statut de sujet autonome à celui d’objet aliéné, comme l’a démontré Orwell dans 1984. Elle finit par désigner cette sorte de capacité d’adaptation qui détermine l’employabilité du travailleur. Être résilient, ce sera par exemple adopter d’enthousiasme le masque inutile et dangereux, et reconnaître la nécessité impérieuse d’accepter un confinement destructeur, mieux de le vouloir.
C’est qu’il s’agit de rejoindre la majorité soumise et d’adhérer sans réserve au consensus forcé dicté par les pouvoirs, en fournissant ainsi la preuve de notre altruisme et de notre dévouement à nos « frères » humains, afin d’obtenir le passeport de « citoyenneté » qui entérine notre servitude volontaire.
Comme le mot résilience, le terme consensus doit être traduit, et il suffit d’en réaménager les syllabes pour retrouver son vrai sens oligarchique…
L’adaptabilité tant vantée aujourd’hui est de fait un des pires pièges tendus à la personne humaine, à qui elle fait sournoisement oublier peu à peu ses valeurs et abandonner ses principes.

2.8 LE VIOL, UNE CONDUITE INSTITUTIONNALISÉE ET INTÉRIORISÉE
Au viol mondialisé et désormais institutionnalisé répond donc la castration universelle. Il y aurait lieu de s’étendre sur la fortune actuelle d’une censure ouverte ou déguisée, et sur la promotion officielle de la délation, d’ailleurs nullement nécessaire tant celle-ci s’épanouit dans le climat délétère créé par le viol généralisé. Il est malheureusement grand temps de lire ou de relire La psychologie de masse du fascisme, si bien analysée par Wilhelm Reich qui y mettait en lumière les méfaits de l’impuissance orgastique entretenue par nos sociétés, impuissance qui par compensation mène à l’addiction à ce que j’appelle les 3 P : Pouvoir, Profit, Paraître, la Trinité perverse dévotement adorée par des élites criminelles accrochées à leurs drogues jusqu’à l’overdose.
De la même censure entraînant la même castration relève le viol culturel entretenu depuis un demi-siècle par le terrorisme du ministère de la Culture, porteur d’un impérialisme aboutissant à la sacralisation d’un art officiel académique, bourgeois et spéculatif présenté, comble de tartuferie, comme ouvert, original, transgressif, voire révolutionnaire.
Cette intériorisation et institutionnalisation de la pratique du viol se rencontre également dans l’attitude contemporaine envers la langue, traitée comme un objet à modeler à volonté, de la façon la plus arbitraire et sans la moindre précaution. Le viol permanent de la langue par les SMS et le développement forcé (comme on force artificiellement un légume ou un animal) de l’écriture inclusive ont déjà des conséquences majeures sur la structure même de notre langue, constamment traumatisée par ses locuteurs, y compris par ceux d’entre eux censés la défendre…
L’usage du viol est si bien ancré en nous que l’on peut constater tout au long de l’histoire combien les minorités opprimées semblent avoir trop souvent pour but, plus encore que d’être reconnues et acceptées, d’opprimer à leur tour les majorités forcément déviantes, devenant à terme des majorités oppressives. L’histoire abonde de ces inversions de polarité par lesquelles des minorités parviennent à changer de statut tout en maintenant un désastreux statu-quo, les rôles ayant été seulement échangés. Pas de meilleur violeur que le violé, voilà le genre de vérité dérangeante que les idéologues fanatiques se garderont toujours de prendre en compte, à nos risques et périls.
« Cachez cette vérité que je ne saurais voir ! » dira toujours l’hypocrite. Molière avait su reconnaître en Tartuffe le grand maître du viol. Car l’hypocrite est le violeur par excellence, qui s’attaque à la plus fragile et plus essentielle colonne de notre réalité, la vérité, qu’il viole d’autant plus qu’il prétend la défendre.
Nous sommes donc désormais coincés entre notre addiction au viol et le backlash des conséquences du viol généralisé d’une planète dont les écosystèmes à leur tour nous violent, en une escalade que nous avons déclenchée et nourrie mais sur laquelle nous n’avons plus aucune prise, tant les lois de la thermodynamique régulent imparablement notre monde physique. Face à cette catastrophe par nous provoquée, nous continuons à nous violer nous-mêmes, en violant notre regard pour l’empêcher de voir ce qu’il voit.
Le pouvoir peut d’autant plus nous imposer le viol que celui-ci est devenu notre loi éthique inconsciente. D’où que nous l’acceptions si aisément, comme un état de fait, « c’est la nature des choses, n’est-ce pas ? »
Ainsi s’installe et prospère la prétendue « loi de la jungle », cette loi du plus fort chère aux nazis, prétexte à tous les abus et à tous les crimes…

2.9 APOTHÉOSE DU VIOL : LA GUERRE CIVILE MONDIALISÉE
Sous couleur d’une loi de la jungle « naturelle », la pratique systématique du viol culmine à l’évidence dans la guerre civile mondiale à nouveau menée depuis une cinquantaine d’années par les riches contre les pauvres, par les oligarques contre les peuples.
« Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien » a pu dire Emmanuel Macron sans être aussitôt destitué. Confirmant ainsi la célèbre déclaration, guère moins cynique, de Warren Buffett, pendant un temps l’homme le plus riche du monde, proclamant sur CNN en 2005  : «  Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.  »
Reste à en tirer toutes les conséquences selon l’infernale logique qui guide la vision du monde de nos maîtres, et de ce point de vue le Covid tombe à pic, virus permettant de détruire tout ce qui s’opposait à la dictature numérique et sanitaire des richissimes : ceux qui réussissent, les fameux « premiers de cordée », ne doivent pas être entravés dans leur essor, il convient donc si nécessaire de couper sans états d’âme la corde qui soutient les assistés, de suturer le cordon ombilical qui leur permet une survie précaire et de fait artificielle.
Ceux qui ne sont rien doivent être réduits à néant. Appelé à la servitude ou à la disparition, le matériel humain inférieur est d’ores et déjà réduit à l’essentiel, donc privé de ce dont il n’a pas besoin pour être employable, l’essence même de la vraie vie, l’âme dans toutes se manifestations, exercices et potentialités.
On est là au cœur même de la pensée de pouvoir nazie. Il y a la race des seigneurs, dont le premier devoir est de se faire autant que de nécessité race des saigneurs, afin de permettre l’avénement d’un Règne de mille ans.
Aboutissement naturel inévitable de cette apothéose du viol : détruisant toute cohérence et annihilant le contrat social, le viol universel débouche sur la corruption et le chaos, pour le plus grand profit à court terme d’une infime minorité de brillants imbéciles incapables de comprendre que leur habileté même les condamne à long terme au même titre que les peuples qu’ils veulent asservir tout en s’en séparant de leur mieux.
Ainsi leur plus belle réussite elle-même se retourne-t-elle contre eux : l’admirable succès de leur communication, qui a permis l’acceptation par un peuple hypnotisé et abêti d’une servitude non seulement volontaire mais désirée, a pour conséquence ultime l’aggravation irrésistible du désastre engendré par la consommation.
Violeurs et violés se rejoignent ainsi dans la même célébration suicidaire de la consumation, terme littéraire ainsi défini par le dictionnaire : Action de détruire quelque chose, progressivement ou complètement, comme par le feu.


3 NOUS TOUS, POURRIS

3.1 LA CORRUPTION, UN CANCER GÉNÉRALISÉ
Un des effets les plus visibles et les plus graves du viol universel, c’est l’emballement de la corruption, cancer généralisé dont les métastases se répandent irrésistiblement, aussi bien dans les institutions que chez les individus. Ainsi le poison s’est-il peu à peu institutionnalisé et intériorisé à la faveur de la généralisation du viol. L’invraisemblable saga de ce voyou mafieux qu’est Sarkozy est exemplaire de ce double pourrissement.
Mais nous aurions tort de nous contenter de dire que les politiciens sont tous pourris.
Certes, peu ou prou, ne serait-ce que par leur acceptation du système et leur complicité avec son fonctionnement pervers, la plupart de nos politiciens sont en effet pourris.
Mais pour être précis, nous devrions dire : nous sommes tous pourris.
Comme eux, nous acceptons le système et nous rendons complices de son fonctionnement pervers. Et il est presque impossible d’échapper à cette déchéance systémique.
Nous sommes appelés à être pourris, et bientôt nous y serons obligés. Nous nous sommes laissé embarquer dans une société où seul compte le profit. Quand l’argent devient roi, quand plus aucune règle morale n’entrave la recherche du profit érigée en loi, la pourriture se généralise.
Il est aujourd’hui presque impossible d’être réellement honnête, puisqu’il s’agit constamment d’optimiser nos gains, d’être le plus rentable possible ; en conséquence plus aucun contrat n’engage réellement les contractants, tout contrat peut constamment être remis en cause. Que dit d’autre Dominique Seux, chantre illuminé du « Tous pourris, Dieu reconnaîtra les siens ! », quand il nous demande de mettre sans cesse en concurrence nos fournisseurs d’accès par exemple, mais aussi l’ensemble des contrats que nous passons avec autrui. « Faites jouer la concurrence, nous susurre-t-il, vous pouvez changer de contrat avec un simple coup de fil. »
Plus de parole donnée, plus de respect des engagements, au final, plus d’engagement du tout. Seule compte la recherche de l’intérêt personnel immédiat, sans aucun souci de l’intérêt d’autrui, supposé se défendre de son côté, and may the best win !
Tout engagement a vocation à être violé, et sera de plus en plus conçu pour ce faire, afin de pouvoir en rechercher un plus avantageux. Le chiffon de papier mondialisé…
La parole donnée n’est plus qu’une peau de chagrin : « Je m’engage aujourd’hui, mais ça ne m’engage à rien. »
C’est ainsi qu’on en vient à conclure des traités internationaux où les intérêts privés priment sur l’intérêt général et peuvent impunément l’emporter sur lui. Ils sont expressément conçus pour permettre que soient légalement violés le bon sens et la morale en même temps que l’intérêt général et les biens communs : l’État, par principe dépositaire de l’intérêt général et censé le défendre, devra constamment rendre compte de ses décisions sur la seule base du respect de la recherche du profit privé.
Comment dans une démarche aussi folle les politiciens ne seraient-ils pas tous pourris ? Tout les y invite, presque tout les y force ! Parmi tant d’autres exemples, la saga du magnat de presse Murdoch montre combien la corruption est inhérente au capitalisme dans sa phase finale « néo-libérale ».
Rien ne pouvant plus être inscrit dans la durée, le court terme devient obligatoire et verrouille toute possibilité de progrès véritable au profit d’une fuite en avant permanente.
Le changement permanent des lois fait partie de la même insécurité programmée, on en arrive désormais à cet oxymore effarant qu’est l’état d’urgence permanent ! Théoriquement tout provisoire, le voici constamment renouvelé et renforcé, devenu projection symbolique de cette « urgence » qui constitue le seul horizon de l’humanité actuelle, un horizon mondial immense mais confiné à l’instant présent et à ses conséquences éventuelles… sur les prochaines 24 heures !

3.2 UNE SERVITUDE VOLONTAIRE :
RÉSILIENCE, ADAPTABILITÉ, EMPLOYABILITÉ
Rien ne dure, cessons donc d’essayer de faire durer, accélérons, changeons de nous-mêmes avant d’être rattrapés par le changement naturel. Adaptons-nous sans cesse, soyons résilients, plus on est fou plus on rit ! Un des viols les plus destructeurs, celui du temps humain et de ses rythmes…
Au nom du profit, tout peut être à tout instant remis en question. Telle est désormais la seule loi pérenne, et pour le coup présentée comme intangible : il n’y a pas d’alternative au règne de l’argent et notre seule liberté consiste à tenter d’en gagner à tout prix, quitte à le payer bien plus cher qu’il ne vaut…
Échanger sa vie et sa joie de vivre contre un petit bout de la queue du Veau d’or, étrange pacte faustien où il n’y a rien à gagner et tout à perdre !
Refus de fixer des règles qui durent, pour s’adapter à l’urgence d’une évolution prétendument irrésistible. Il faut une fluidité toujours plus grande, mettre sans cesse plus d’huile dans les rouages, ce qui aboutit à ce patinage généralisé qui caractérise notre époque tout occupée à tourner sur place en une véritable danse de derviche. Diminuer les charges, flexibiliser le travail, changer sans cesse de métier, l’homme, variable d’ajustement, voit sa place se restreindre, son droit à l’existence contesté, il faut qu’il se fasse le plus petit possible, l’idéal serait qu’il disparaisse, rien de plus fluide que l’absence. En attendant de l’éliminer, commencer par le normaliser, le formater, lui ôter toute possibilité d’entraver le bon fonctionnement de la machine à cash, d’être le grain de sable qui minimise le rendement.
Les décisions concernant nos vies deviennent donc complètement unilatérales, ni l’individu ni le groupe ni le peuple n’ont plus voix au chapitre qu’à condition de se soumettre aux exigences du profit : voter oui aux référendums, voter utile et non selon son intime conviction, etc. L’intérêt des profiteurs au pouvoir s’impose d’une manière ou d’une autre, par la carotte ou le bâton, à l’intérêt général.
Plus rien n’entrave le libre jeu des rapports de force, ce qui est la définition même du nazisme, telle qu’elle ressort notamment des récentes et remarquables analyses de Johann Chapoutot.
C’est vrai dans tous les domaines, et à tous les niveaux de la société : n’imposer aucune limite à l’appât du gain, c’est légitimer et légaliser le viol, mieux, c’est le rendre non seulement légal, mais obligatoire. Voyez par exemple le domaine de l’environnement : toute règle de bons sens tendant à sauver ce qui pourrait encore l’être n’est solennellement édictée que pour pouvoir être violée tôt ou tard. Et plutôt tôt que tard, comme l’a si bien prouvé une fois encore notre Tartuffe présidentiel en promettant de reprendre les propositions de la convention citoyenne sur l’écologie avant de se parjurer avec le parfait cynisme qui est sa marque de fabrique et qui l’apparente à un peu ragoûtant mélange de Trump et de Poutine.

3.3 LA CORRUPTION, UN DEVOIR CIVIQUE AU PAYS DU DIEU PROFIT
L’intérêt général n’est plus évoqué que pour être violé par des intérêts particuliers. D’où par exemple les fameux partenariats public-privé, d’où la concession des autoroutes, d’où les privatisations systématiques et le saccage organisé des services publics.
Les tiques remplacent l’éthique, le parasitisme devient un mode de vie, tel est le credo ultime des oligarques contemporains. Rien d’étonnant à cela, tout homme de pouvoir est homme de viol, et fier de l’être.
Car la corruption est elle-même, par nature, une violence. Comme son nom l’indique, la corruption fait pourrir le tissu social pour n’en laisser subsister que les apparences. Elle détruit radicalement toute possibilité de relations humaines saines et dignes de ce nom.
Violence feutrée mais violence, et qui engendre toujours plus de violence. Roberto Scarpinato, dernier survivant des admirables procureurs anti-mafia, a bien montré dans son livre Le retour du Prince qu’il n’y a pas de corruption sans violence. La corruption, c’est le retour à la loi de la jungle, c’est le développement de la mafia, et un engrenage qui à travers la violence généralisée mène à la dictature. La finance actuelle, totalement corrompue, qui nous manipule et nous gouverne contre l’intérêt général, relève des mêmes principes pervers si bien incarnés par le nazisme, et il n’y a aucune raison de lutter moins contre elle que contre des formes de totalitarisme plus anciennes et d’ailleurs abandonnées par l’oligarchie, qui les utilise seulement comme repoussoir. Si la « modernité » du libéral-nazisme a pu un temps lui redonner une virginité aux yeux des naïfs, le quinquennat de Macron après ceux de Sarkozy et de Hollande a surabondamment montré la profondeur de la corruption institutionnalisée, et les masques ont fini de tomber avec l’incroyable mascarade du Covid.
La démesure forcenée du viol généralisé s’illustre dans l’effondrement écologique et économique, dans les effarantes dérives du transhumanisme, dans le retour de la féodalité à travers la très réelle servitude qu’entraîne notre addiction aux nouvelles technologies et l’incroyable montée des inégalités.
La règle d’or de la corruption, non pas servir mais se servir, n’est plus seulement appliquée en catimini, elle s’impose ouvertement, elle devient précepte moral. Dès lors, les politiciens sont fondés à se croire honnêtes, puisqu’ils suivent la nouvelle loi d’airain du profit, loi qui justifie d’avance le viol de toutes les autres lois et le refus des valeurs humanistes.
Être pourri a d’abord été une nécessité, c’est maintenant un devoir et grâce à Sarkozy, Fillon, Le Pen et leurs émules actuellement au pouvoir, ce sera bientôt un honneur.
Emmanuel Todd l’avait bien vu, disant : « Pour moi, voter Macron, c’est l’acceptation de la servitude. Le vote utile est un rituel de soumission. Le vrai risque, c’est Macron. »
Cette inversion des valeurs qui fait de l’honnêteté une exception ringarde et normalise la filouterie, transformant notre société en un gigantesque carnaval des escrocs, commence à lasser l’opinion, dans la mesure où elle ne concerne que les puissants et leurs valets. Les peuples acceptent moins le laxisme envers la grande corruption quand la petite à laquelle ils se livrent est sévèrement réprimée…

3.4 DE L’ÉVALUATION À LA DÉLATION, LA GUERRE CIVILE GÉNÉRALISÉE
Évaluer la valeur de l’être humain à sa capacité à être utilisé comme « ressource », à son « employabilité » et à sa « profitabilité » est évidemment un non-sens, même sur le plan économique. La manie actuelle de l’évaluation, comme celle du salaire « au mérite » est tout sauf innocente. Fondée sur une approche quantitative de la performance, elle tend à formater les individus tout en créant entre eux une concurrence malsaine et contreproductive.
Donner par exemple une note aux gîtes, aux hôtels, aux restaurants, c’est mettre le doigt dans un engrenage bien huilé et d’autant plus dangereux qu’il semble à première vue légitime. Dès qu’on réfléchit à ce qu’implique ce jugement systématique et aux conséquences qu’entraîne sa généralisation, on réalise que c’est un piège particulièrement pervers qui est en train de se refermer sur le consommateur devenu con sommateur : tentant de généraliser ses critères propres, il oublie qu’il est désormais constamment évalué à l’aune des critères d’autrui. Plus tu considères que le client est roi, et exiges donc des prestations idéales de tes fournisseurs, plus dans ton rôle de fournisseur tu vas devoir te soumettre aux exigences des tes clients-rois. Pris dans l’obligation parfaitement stupide de juger de tout et d’être jugé sur tout, chacun de nous est encouragé à développer peu à peu une âme de flic et de délateur.
Ainsi se parachève la mise en concurrence de tous avec tous, si utile au pouvoir en place, puisqu’elle permet d’éviter de voir que la vraie guerre, c’est la guerre civile des riches contre les pauvres…
La guerre des sans-âme contre les sans-dents où les pouvoirs hypocrites nomment évolutions ou progrès les involutions et régressions qu’ils imposent afin de masquer autant que possible les viols qu’ils commettent pour augmenter et perpétuer sans fin leur pouvoir.
Une guerre dans laquelle chacun de nous prend chaque jour parti. En le sachant ou sans le savoir – ou sans vouloir le savoir.


Dans le même ordre d’idées, on peut lire entre autres :

La politique de l’oxymore, Bernard Méheust, Poche

La stratégie du choc, Naomi Klein, Actes Sud

Dire Non ne suffit plus, Naomi Klein, Actes Sud

Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Olivier Rey, Le Seuil, 2003

vendredi 20 novembre 2020

UNA CONVERSAZIONE INFINITA

Mon vieil ami Franco Renzulli nous a quittés il y a trois jours.
Impossible de ne pas rendre aussitôt hommage à l’ami, à l’homme et au peintre, tous trois exceptionnels.
Un texte et un tableau me sont venus, je les partage comme je partageais Franco et sa peinture avec tous mes amis venus à Venise.
Je reviendrais bientôt sur Franco, l’évoquer c’est pour moi témoigner de la merveilleuse et exigeante fusion de l’art et de la vie, qui peut donner tant de sens et de force à notre existence.



Al di là
Il giorno che il tramonto fu un’aurora
omaggio a Franco
acquerello 75x105 cm
Alain Sagault 18-11-2020


Una conversazione infinita



UNE CONVERSATION INFINIE


Un jour, à minuit, il y a plus de trente ans, ma fille aînée Virginie et moi nous regardions, le nez contre la vitre, fascinés, l’ancienne gondole qui trônait alors sous la faible lueur d’un lustre ancien, dans la longue entrée de la Maison des Trois-Oci, à la Giuddecca. 
Tout à coup, une voix derrière nous dit avec un fort accent : « Vous voulez la voir ? »
Nous avons vu la gondole. Et l’inconnu nous a invités à monter les escaliers, à entrer dans son atelier à peine éclairé et tout plein de reflets colorés comme dans un kaléidoscope, et nous avons trinqué avec un prosecco bien frais et bavardé pendant longtemps avant d’aller dormir à la Casa Frollo, la porte à côté, les yeux pleins de rêves...

Franco Renzulli était un peintre alchimiste. Sa peinture, ses gravures, sont ésotériques au sens exact de ce mot : elles révèlent des vérités cachées qu’elles nous font découvrir dans toute leur splendeur.
Pendant trente-cinq ans, chaque année, quand j’allais aux Tre Oci (l’atelier où s’est épanoui le troisième œil de Franco, celui qui voit à travers les apparences), puis à l’Antro tout près de la Salute, j’avais l’impression d’entrer dans la forge de Vulcain et de voir Renzulli forger sa peinture avec toute la force et la délicatesse de ceux qui jouent avec le feu pour créer la beauté du monde, transmutant en amour radieux même ce qu’on croyait être laid ou mauvais.
En ces jours obscurs, nous avons plus que jamais besoin des toiles enflammées de Renzulli, de ses couleurs palpitantes de sang et d’or, de ses tableaux pleins d’un soleil éblouissant.

Son amitié a été pour moi capitale. Franco a été mon trait d’union avec la peinture.
J’avais enfin décidé de peindre et il m’a tendu le crayon et le pinceau.
Il est pour toujours dans mon cœur, sous l’œil grand ouvert de sa peinture.
Parce que peindre, pour moi, c’est poursuivre une conversation avec Franco, parfois silencieuse mais jamais muette. Cette conversation avec Franco et sa peinture a toujours été une conversation avec Venise, avec ses lumières, avec sa lagune, avec la mer au Lido, la conversation que menait Franco avec la nature, avec les éléments, avec la vie tout entière à travers sa peinture.
Cette conversation avec lui dure depuis trente-cinq ans, et elle continuera au moins jusqu’à ma mort.
Peut-être même après…

« Tu es là même quand tu n’es pas là »


Ces mots, je les dis souvent à mon épouse disparue.
Nous pouvons les dire à Franco, à l’homme et au peintre.
Grâce à lui.

18 novembre 2020


Il mio vecchio amico Franco Renzulli se n’è andato tre giorni fa.
Impossibile non rendere subito omaggio all’amico, all’uomo e al pittore, tutti tre eccezionali.
Un testo e un dipinto mi sono venuti, li condivido come condividevo Franco e il suo dipinto con tutti i miei amici venuti a Venezia.
Tornerò presto su Franco, evocarlo è per me testimoniare la meravigliosa ed esigente fusione dell’arte e della vita, che può dare tanto senso e forza alla nostra esistenza.



UNA CONVERSAZIONE INFINITA


Un giorno, a mezzanotte, più di trent’anni fa, io e mia figlia maggiore Virginia guardavamo, il naso contro il vetro, affascinati, l’antica gondola, che allora troneggiava, sotto la debole luce d’un antico lampadario, nell’androne della Casa delle Tre Oci, alla Giuddecca. All’improvviso, una voce dietro di noi disse con un forte accento : « Vous voulez la voir ? »
Abbiamo visto la gondola. E lo sconosciuto ci ha invitati a salire le scale, ad entrare nel suo laboratorio appena illuminato e pieno di rifessi colorati come in un caleidoscopio, e abbiamo brindato con un prosecco ben fresco e chiacchierone per molto tempo prima di andare a dormire a Casa Frollo, la porta accanto, con gli occhi pieni di sogni...

Franco era un pittore alchimista. La sua pittura, le sue incisioni sono esoteriche nel vero senso della parola : rivelano verità nascoste, che ci fanno scoprire in tutto il loro splendore. Per trentacinque anni, ogni anno, quando andavo alle Tre Oci (il studio in cui è sbocciato il terzo occhio di Franco, quello che vede attraverso le apparenze) e poi all’antro, mi sembrava di entrare nella fucina di Vulcano e di vedere Renzulli forgiare la sua pittura con tutta la forza e la delicatezza di coloro che giocano con il fuoco per creare la bellezza del mondo, trasmutando in amore radioso anche ciò che si credeva essere brutto o cattivo.
In questi giorni oscuri, abbiamo più che mai bisogno delle tele infiammate di Renzulli, dei suoi vivaci colori di sangue e d’oro, dei suoi quadri pieni di un sole abbagliante.
Per me è stata importantissima la sua amicizia. Franco è stato il tratto di unione tra me e la pittura. Avevo finalmente deciso di dipingere, mi ha praticamente messo il pennello in mano. Franco purtroppo se ne andato, pero noi ha lasciato i suoi dipinti.
Sarà sempre nel mio cuore, sotto l’occhio spalancato della sua pittura.
Perché dipingere, per me, dall’inizio, signifca intrattenere una conversazione con Franco, a volte silenziosa ma mai muta. Questa conversazione con Franco e la sua pittura è sempre stata una conversazione con Venezia, con le sue luci, con la sua laguna, con il mare al Lido, la stessa conversazione che Franco conduceva con la natura, con gli elementi, con la vita e la creazione.
Cosi la conversazione con Franco che dura da 35 anni, continuerà almeno fino alla mia morte.
Forse anche dopo...

« Tu es là même quand tu n’es pas là »


Queste parole, le dico spesso a mia sposa scomparsa. Possiamo dirle a Franco, all’uomo e al pittore. Grazie a lui.

18 novembre 2020


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Al di là
Il giorno che il tramonto fu un’aurora
omaggio a Franco
acquerello 75x105 cm
Alain Sagault 18-11-2020

lundi 28 septembre 2020

QUE MASQUE LE MASQUE ?


QUE MASQUE LE MASQUE ?



MASQUE OU BÂILLON ?
Que masque le masque ? Telle est bien la première question qui se pose et que nous nous poserions si nous n’étions pas abrutis et tétanisés par la panique collective dans laquelle nous avons plongé allègrement avec l’aide bienveillante de nos gouvernants.
Pourquoi veut-on à toute force nous imposer le masque, même à l’extérieur où il n’a rien à faire, après nous avoir expliqué pendant deux mois que ce n’était pas souhaitable, leur efficacité contre les virus n’ayant jamais été scientifiquement prouvée ?
À elles seules, les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à utiliser les masques dans la vraie vie suffisent à conclure que leur utilité réelle serait voisine de zéro même s’ils étaient en principe efficaces, ce qui n’est pas exactement le cas.
Potentiellement efficaces contre les bactéries et les particules, les masques que l’on nous force à utiliser sont des passoires à virus et deviennent vite de véritables nids à microbes, qui inhibent notre respiration et nous font respirer ad nauseam le CO2 de nos expirations et les toxines que nous excrétons. Ils ne sont donc pas seulement inutiles, ils sont malsains, et potentiellement dangereux portés en continu.
Cerise sur le gâteau, leur production et leur destruction ou leur lavage sans cesse réitéré constituent une pollution supplémentaire de première grandeur, comme si de ce côté-là nous n’étions pas déjà mortellement menacés par notre avidité et notre incurie.
Enfin, qui ne voit que le masque généralisé crée et entretient forcément, par nature, une atmosphère délétère ? Anonymisée, la population devient une foule indistincte dont les éléments ne se reconnaissent plus et ne peuvent plus communiquer normalement.
Atmosphère délétère soigneusement entretenue par le biais de la culpabilisation des « égoïstes » à qui l’on demande de « se masquer pour protéger autrui s’ils ne souhaitent pas se protéger eux-mêmes », avec les conséquences habituelles à ce genre de manipulations, développement de phénomènes hystériques, d’angoisses et de dépressions, violences verbales et physiques, délation galopante, consignes impossibles à suivre et dont le non-respect entraîne une répression arbitraire voire carrément illégale, accompagnée de la mise en cause par le pouvoir de nos libertés fondamentales, liberté d’expression comprise.
Pire peut-être, la méfiance galopante et l’interdiction des contacts physiques multiplient l’insécurité affective et nous séparent d’une part vitale de notre présence au monde, faisant de l’autre un danger, voire un ennemi.
Brillants résultats obtenus par la mise en scène spectaculaire et renouvelée jusqu’à l’obsession d’une sérieuse crise sanitaire promue au rang de catastrophe planétaire avec un sens du grand-guignol qui relève davantage de la propagande que de l’information.
Pourtant, on condamne fermement toute tentative de discussion, toute critique même constructive : il faut se joindre au consensus imposé, faire unanimité, il s’agit de sauver la Patrie ! Vraiment ?

UNE PANDÉMIE PROVIDENTIELLE
Voilà en tout cas une pandémie bienvenue pour la santé chancelante des démocratures et dictatures qui se partagent le monde d’aujourd’hui. Elle leur permet d’imposer sans coup férir des mesures « d’urgence » drastiques violant tous les principes du droit tout en nous rendant fous de peur par un matraquage communicationnel d’une effarante grossièreté, excellent moyen de faire cesser d’un coup les virulentes révoltes que leur façon de gouverner et leurs résultats avaient provoquées. Jamais aucune grippe, même l’espagnole, qui était autrement redoutable, n’avait donné lieu à un tel ramdam.
M’a frappé la haine véritablement féroce de certains de mes contradicteurs sur Facebook, incapables d’accepter le moindre débat. À quand le bûcher pour les hérétiques, la balle dans la nuque pour les déviationnistes ?
Il est pourtant déjà évident que les conséquences de cette politique entraîneront bien davantage de décès et de problèmes que la maladie elle-même, et cela était dès le départ prévisible.
Pourquoi les gouvernements ont-ils pratiqué cette politique de Gribouille, et pourquoi continuent-ils de la pratiquer ? À ce stade, on peut douter qu’une telle continuité dans l’erreur soit involontaire.
La question est donc, une fois encore : avons-nous affaire à de regrettables erreurs, ou à une politique délibérée de récupération d’un événement au service d’une politique en cours ?

LES FAITS SONT-ILS COMPLOTISTES ?
La réponse qui me vient à l’esprit passera sans doute pour complotiste. Peu m’importe, puisqu’aujourd’hui est désignée comme complotiste toute pensée contredisant la propagande officielle et les fake news des divers pouvoirs, tout comme est étiquetée populiste toute approche contestant le bien-fondé des politiques ultra-libérales mondialisées.
En même temps, comme dirait l’autre, et n’en déplaise aux médias moutonniers, si l’on examine l’expertise et l’honnêteté du monde médical, de l’industrie chimique et de la recherche scientifique, les 150 dernières années nous ont montré qu’elles étaient depuis toujours sujettes à caution, et le sont plus que jamais. Vous avez dit Servier ? Vous connaissez la Dépakine ? C’est quoi, l’amiante, déjà ? Où se trouve Seveso ? Lubrizol, ça ne vous dit rien ? Etc, etc, etc, la liste est aussi infinie que l’avidité des amateurs de profit.
Je ne tiens pas pour parole d’évangile le discours des lanceurs d’alerte plus ou moins compétents qui dénoncent une pandémie fabriquée, mais j’ai encore moins confiance dans les ukases intéressés d’experts et de gouvernants qui se vautrent depuis des décennies dans des conflits d’intérêts aussi désastreux pour la population que rentables pour eux.
Cherche à qui le crime profite, disait à peu près Sénèque.
En l’occurrence, il serait peut-être temps que les masques tombent…
Cette pandémie confirme une fois de plus que le malheur des uns fait le bonheur des autres : à en juger par leurs cours de Bourse, les grands laboratoires pharmaceutiques, mais aussi les trop célèbres GAFA, et plus globalement la majorité des multinationales, peuvent se féliciter de cette aubaine, contrairement aux TPE et PME, notamment sous-traitantes, dont les faillites seront pain bénit pour les grosses firmes. En profitent aussi l’establishment médical, englué dans les conflits d’intérêts et la recherche de la rentabilité plutôt que de la santé, les gouvernements, démocratures et tyrannies débarrassés au moins pour un temps de toute opposition, et autorisés par « l’urgence » à faire fi de toutes les limites à leur pouvoir. Non, la crise du Covid ne fait pas que des malheureux, elle est même la « divine surprise » des Avides !

CIVISME OU SOUMISSION ?
Surprise ? Il me semble qu’on peut tout de même se demander si le système en place, qui entend non seulement perdurer mais établir définitivement son emprise, ne nous refait pas, mais à l’échelle mondiale et pour de vrai, l’expérience tragiquement instructive de Stanley Milgram intitulée, et pour cause hélas, SOUMISSION À L’AUTORITÉ, une expérience si riche d’enseignements sur notre nature humaine et sa tendance à l’obéissance aveugle que je l’étudiais chaque année avec mes élèves de première et de terminale, pour tâcher de nous aider à nous prémunir du conformisme et des consensus mous que pouvoirs et médias nous encouragent à pratiquer, non pour notre bien mais pour le leur.
Une « pandémie » qui, répétons-le, tombe donc à pic pour de nombreux gouvernements actuels qui étaient justement aux prises depuis de nombreux mois avec des contestations grandissantes suite à leurs politiques irresponsables et criminelles.
J’ai du mal à ne pas penser qu’il s’agit pour le pouvoir oligarchique économico-financier actuel de nous habituer bon gré mal gré à obéir aveuglément à des ordres stupides en vue d’achever de faire de la population humaine une masse indistincte d’esclaves décervelés, entreprise à vrai dire déjà bien avancée. C’est un pas décisif dans le progrès vers une humanité transhumaniste où une infime minorité au pouvoir régnerait sur la foule des anonymes – et quoi de plus anonyme qu’une foule masquée ?
Masquer une population entière n’a rien d’anodin. On ne saurait mieux lui intimer l’ordre aussi formel qu’implicite de fermer sa gueule, voire, dans toute la mesure du possible, de s’abstenir de respirer.
Les puissants n’aiment pas être dérangés et, c’est bien connu, le peuple a mauvaise haleine. Bâillonnons-le, et tant mieux s’il s’étouffe ! Avec le masque, les pouvoirs étouffent précisément dans l’œuf jusqu’à l’idée de rébellion, en même temps que sa possibilité : la foule est désormais indifférenciée, nul n’est plus reconnaissable, l’identité se résume au masque devenu l’uniforme de l’armée des anonymes. Pas un masque ne dépasse… sans être aussitôt démasqué !
Le masque aura été tout au long de cette épidémie un superbe objet de marketing, un des personnages principaux du story-telling pervers qui a mis en scène la pandémie comme un funèbre grand-guignol.
Le théâtre m’a appris que le port du masque peut être un merveilleux révélateur ou un terrible instrument de séparation, de négation de la personne et de répression directe ou indirecte. Les cagoules portées par nos actuels Robocops et autres GIGN ou GIPN, sont à mes yeux d’inadmissibles perversions, qui ont grandement et volontairement contribué à traumatiser nos sociétés et à élargir le fossé entre une police instrumentalisée par le pouvoir et une population conduite selon une logique infernale à la haine par la peur. Un pouvoir qui masque ses forces de l’ordre se déclare par là même illégitime.
Un pouvoir qui masque sa population l’est tout autant. Et une population qui se laisse masquer ou qui veut l’être ne mérite pas de vivre sous un gouvernement légitime.
L’imposition du masque, c’est la mort programmée de toute société où il ferait bon vivre, parce que c’est l’instauration triomphale du règne de la peur.

Y A-T-IL UN VACCIN CONTRE LA PEUR ?
Le plus grave est que la majeure partie de la population semble prête à se résigner à cette incommensurable régression. Jamais chien n’a accepté sa muselière avec autant d’empressement que l’humanité n’en met à se soumettre au masque, à se bâillonner, quitte à s’étouffer dans la foulée. Ce que prouve, une fois de plus dans l’histoire, la crise sanitaire actuelle, c’est qu’il y a quelque chose de bien plus contagieux que tous les virus réunis : la peur, ou pour mieux dire la trouille. Et comme nous l’apprend là aussi l’histoire, toute peur collective a vocation à tourner à la panique, transformant une crise sanitaire assez ordinaire en cataclysme mondial.
Si nous consacrions autant de temps et d’argent à la lutte contre la malbouffe, le tabac, l’alcool, les poisons chimiques et les pollutions de toutes sortes, les économies en morts indues seraient autrement plus substantielles que celles que permettra la très étrange gestion de cette épidémie.
Devant cette mort sociétale qu’on nous impose, le seul recours pour continuer à vivre, c’est la révolte ou la folie. La révolte, c’est l’explosion, la folie, c’est l’implosion, dans les deux cas, réponses désastreuses à une situation invivable.
Sur tous ces masques se superpose le masque hideux de la peur.

MOURIR DE VIVRE OU VIVRE DE MOURIR ?
Car plus profondément, cette pandémie et sa gestion posent une autre question, à mes yeux essentielle :
Vit-elle encore, cette humanité qui ne pense qu’à se protéger et qui meurt à la vie à force de fuir la mort ? N’anticipe-t-elle pas sa propre mort, cessant de vivre dans l’espoir d’échapper à la mort ?
La peur de la mort semble traumatiser, voire tétaniser, une grande partie de l’humanité contemporaine. Cette panique qui mène à fuir et à censurer jusqu’à l’idée du trépas, au besoin en en multipliant la représentation dans l’image et le spectacle au point d’en rendre la réalité inerte et imperceptible, pratiquant une sorte de vaccination par l’habitude, je la comprends sans parvenir à la partager. Mourir faisant partie de la vie, de deux choses l’une, ou nous « oublions » de penser à la mort (en général, on fait semblant d’oublier, la Camarde poursuit insidieusement son chemin dans notre inconscient, qu’elle colonise à notre insu, paralysant peu à peu de l’intérieur notre vie tout entière…) ou, à l’instar d’un Montaigne, on la fréquente, on tente d’en apprivoiser l’idée à défaut de comprendre le phénomène, en somme on s’efforce de la regarder en face, c’est à dire de l’accepter, d’assumer ce paradoxe qui n’est qu’apparent, l’existence de la mort. On ne peut regarder longtemps le soleil en face, mais savoir qu’il anime autant qu’il aveugle n’est pas une mince avancée.
Car cette modeste lucidité nous libère. La peur de la mort enchaîne, la conscience de la mort ouvre la porte à la vie. La plupart du temps, loin de m’anéantir, la pensée de la mort me donne des ailes, je m’appuie sur elle pour décoller et tenter de voler au plus près de la vie qui m’habite encore, tout le temps qui me reste.
Je ne sais pas ce qu’il y a ou pas après la mort, ce que je sais c’est que de toute façon c’est après. Et pour l’heure, nous sommes avant, d’où la nécessité, pour ne pas mourir par anticipation, de nous ancrer fermement dans ce pendant en cours. Notre vie est un cerf-volant, nous ne pouvons voler au cœur du vent céleste qu’ancrés dans la conscience de ce temps de passage dont le terme, la tombe, cette butte qui est aussi un but, étant notre seule certitude, est l’unique ancrage possible de notre envol dans le ciel de notre vie.
En vérité, la mort est le tremplin de la vie.
Aimer vraiment la vie, c’est prendre la mort en compte au lieu de tenter de l’ignorer.
Et si la peur de la mort doit nous empêcher de vivre, autant mourir tout de suite. Je croise dans les rues beaucoup plus de morts que dans les cimetières. Les masques cachent des têtes de mort, la peur et sa fille l’impuissance planent sur ce défilé macabre devant des boutiques que des yeux inquiets fouillent comme on appelle au secours. Mais si la bouée n’est pas lancée par un vivant, elle reste morte elle aussi.
Peur partout, tout le temps, peur de la mort, mais aussi de la souffrance, de n’importe quelle souffrance, fantasmée, caressée, entretenue, peur d’être soi-même, refus ou incapacité de s’habiter, d’être ce qu’on est, d’assumer son genre ou sa condition, d’où des changements incessants, dans le vertige illusoire d’une transformation permanente d’un soi qui n’a pas eu ni n’aura le temps de naître, recherche folle d’une identité sans limites, flexible à volonté, destinée à cacher l’absence d’identité, la plasticité amorphe d’une pâte à modeler prisonnière de la dernière mode idéologique.
Se changer soi-même sans cesse, sans cesse changer de « partenaire », ne plus prendre le temps d’aimer ni de s’aimer. Comment oser aimer ou s’aimer quand il faut sans cesse s’améliorer, se former, se bouger, s’évaluer, à tout instant complaire, c’est à dire plaire aux cons ? Aimer, c’est choisir et choisir, c’est prendre le temps, mais prendre son temps, c’est prendre le risque de vivre, donc de mourir…
C’est à partir du moment où nous voulons tout prendre en main que tout commence à nous échapper. La quête de la sécurité à tout prix est le plus sûr moyen de vivre dans la peur, tout comme la recherche exclusive du pouvoir est le plus court chemin vers l’impuissance.
On s’habitue au masque. L’être humain, si adaptable et flexible, s’habitue à tout. Accepte tout, même Hitler, même Staline.
S’habituer à tout, merveilleuse résilience !
À mes yeux, s’habituer à tout n’est pas la solution, mais le problème…

Face aux écrans de fumée déployés par une propagande officielle qui dénonce les fake news de ses opposants pour mieux imposer les siennes, comment mieux terminer ce questionnement qu’en vous proposant trois passionnantes approches complémentaires qui me semblent opérer une salutaire mise en perspective des dérives totalitaires actuelles et du danger mortel qu’elles font courir à court terme à l’humanité tout entière ?


De la passionnante poétesse surréaliste et essayiste Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Stock 2018, admirable réflexion sur la confiscation de l’art par le pouvoir financier et sa mise au service de la soumission définitive de l’humanité au règne de la finance.

D’Olivier Rey, remarquable mathématicien philosophe, à propos de la religion scientifique et de ses apories, culminant dans le transhumanisme néo-nazi :
Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Le Seuil, 2003
L’Idolâtrie de la vie, Gallimard, coll. « Tracts », 2020

De Jean-Claude Michéa, qui, dans la lignée des prophétiques analyses d’Orwell, pointe lucidement les dérives de la gauche de « progrès » et la naissance d’un totalitarisme « mou » :
L’Empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Paris, Climats, 2003
Le Complexe d’Orphée : la gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Climats, 2011


UN ENTRETIEN AVEC DENNIS MEADOWS EN JUIN 2012…

Dennis L. Meadows, né le 7 juin 1942 au Montana (États-Unis), est un scientifique et professeur émérite de l’Université du New Hampshire et co-auteur, avec trois scientifiques du MIT
du Rapport Meadows en 1972, qui met en avant le danger pour l’environnement planétaire de la croissance démographique et économique de l’humanité.
Membre honoraire du Club de Rome, il a reçu — avec l’Américain et « père de la tomographie » David E. Kuhl — le Japan Prize en 2009
De 1970 à 1972, il a été le directeur du projet « Predicament of Mankind » pour le Club de Rome

2012-06-15 Libération, Laure Noualhat

• Le sommet de la Terre démarre mercredi à Rio. Vous qui avez connu la première conférence, celle de Stockholm, en 1972, que vous inspire cette rencontre, quarante ans plus tard ?
Comme environnementaliste, je trouve stupide l’idée même que des dizaines de milliers de personnes sautent dans un avion pour rejoindre la capitale brésilienne, histoire de discuter de soutenabilité. C’est complètement fou.
Dépenser l’argent que ça coûte à financer des politiques publiques en faveur de la biodiversité, de l’environnement, du climat serait plus efficace. Il faut que les gens comprennent que Rio + 20 ne produira aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse.
Regardez les grandes conférences onusiennes sur le climat, chaque délégation s’évertue à éviter un accord qui leur poserait plus de problèmes que rien du tout.
La Chine veille à ce que personne n’impose de limites d’émissions de CO2, les Etats-Unis viennent discréditer l’idée même qu’il y a un changement climatique.
Avant, les populations exerçaient une espèce de pression pour que des mesures significatives sortent de ces réunions.
Depuis Copenhague, et l’échec cuisant de ce sommet, tout le monde a compris qu’il n’y a plus de pression. Chaque pays est d’accord pour signer en faveur de la paix, de la fraternité entre les peuples, du développement durable, mais ça ne veut rien dire. Les pays riches promettent toujours beaucoup d’argent et n’en versent jamais.

• Vous n’y croyez plus ?
Tant qu’on ne cherche pas à résoudre l’inéquation entre la recherche perpétuelle de croissance économique et la limitation des ressources naturelles, je ne vois pas à quoi ça sert.
A la première conférence, en 1972, mon livre « Les Limites à la croissance » (dont une nouvelle version enrichie a été publiée en mai) avait eu une grande influence sur les discussions. J’étais jeune, naïf, je me disais que si nos dirigeants se réunissaient pour dire qu’ils allaient résoudre les problèmes, ils allaient le faire.
Aujourd’hui, je n’y crois plus !

• L’un des thèmes centraux de la conférence concerne l’économie verte. Croyez-vous que ce soit une voie à suivre ?
Il ne faut pas se leurrer : quand quelqu’un se préoccupe d’économie verte, il est plutôt intéressé par l’économie et moins par le vert.
Tout comme les termes soutenabilité et développement durable, le terme d’économie verte n’a pas vraiment de sens.
Je suis sûr que la plupart de ceux qui utilisent cette expression sont très peu concernés par les problèmes globaux. La plupart du temps, l’expression est utilisée pour justifier une action qui aurait de toute façon été mise en place, quelles que soient les raisons.

• Vous semblez penser que l’humanité n’a plus de chance de s’en sortir ?
Avons-nous un moyen de maintenir le mode de vie des pays riches ? Non. Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective, on se dira : « Je me souviens, avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre où on voulait », ou « je me souviens, avant, on prenait l’avion comme ça ». Pour les plus riches, cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé.
On me parle souvent de l’image d’une voiture folle qui foncerait dans un mur. Du coup, les gens se demandent si nous allons appuyer sur la pédale de frein à temps.
Pour moi, nous sommes à bord d’une voiture qui s’est déjà jetée de la falaise et je pense que, dans une telle situation, les freins sont inutiles. Le déclin est inévitable.
En 1972, à la limite, nous aurions pu changer de trajectoire. A cette époque, l’empreinte écologique de l’humanité était encore soutenable.
Ce concept mesure la quantité de biosphère nécessaire à la production des ressources naturelles renouvelables et à l’absorption des pollutions correspondant aux activités humaines.
En 1972, donc, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons 150% et ce rythme accélère. Je ne sais pas exactement ce que signifie le développement durable, mais quand on en est là, il est certain qu’il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.

• La démographie ne sera pas abordée à Rio + 20. Or, pour vous, c’est un sujet majeur…
La première chose à dire, c’est que les problèmes écologiques ne proviennent pas des humains en tant que tels, mais de leurs modes de vie. On me demande souvent : ne pensez-vous pas que les choses ont changé depuis quarante ans, que l’on comprend mieux les problèmes ? Je réponds que le jour où l’on discutera sérieusement de la démographie, alors là, il y aura eu du changement.
Jusqu’ici, je ne vois rien, je dirais même que c’est pire qu’avant. Dans les années 70, les Nations unies organisaient des conférences sur ce thème, aujourd’hui, il n’y a plus rien.

• Pourquoi ?
Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Aux Etats-Unis, on ne discute plus de l’avortement comme d’une question médicale ou sociale, c’est exclusivement politique et religieux. Personne ne gagnera politiquement à ouvrir le chantier de la démographie. Du coup, personne n’en parle.
Or, c’est un sujet de très long terme, qui mérite d’être anticipé. Au Japon, après Fukushima, ils ont fermé toutes les centrales nucléaires. Ils ne l’avaient pas planifié, cela a donc causé toutes sortes de problèmes. Ils ont les plus grandes difficultés à payer leurs importations de pétrole et de gaz. C’est possible de se passer de nucléaire, mais il faut le planifier sur vingt ans.
C’est la même chose avec la population. Si soudainement vous réduisez les taux de natalité, vous avez des problèmes : la main-d’œuvre diminue, il devient très coûteux de gérer les personnes âgées, etc.
A Singapour, on discute en ce moment même de l’optimum démographique. Aujourd’hui, leur ratio de dépendance est de 1,7, ce qui signifie que pour chaque actif, il y a 1,7 inactif (enfants et personnes âgées compris). S’ils stoppent la croissance de la population, après la transition démographique, il y aura un actif pour sept inactifs.
Vous comprenez bien qu’il est impossible de faire fonctionner correctement un système social dans ces conditions. Vous courez à la faillite. Cela signifie qu’il faut transformer ce système, planifier autrement en prenant en compte tous ces éléments.
La planification existe déjà, mais elle ne fonctionne pas. Nous avons besoin de politiques qui coûteraient sur des décennies mais qui rapporteraient sur des siècles.
Le problème de la crise actuelle, qui touche tous les domaines, c’est que les gouvernements changent les choses petit bout par petit bout.
Par exemple, sur la crise de l’euro, les rustines inventées par les Etats tiennent un ou deux mois au plus. Chaque fois, on ne résout pas le problème, on fait redescendre la pression, momentanément, on retarde seulement l’effondrement.

• Depuis quarante ans, qu’avez-vous raté ?
Nous avons sous-estimé l’impact de la technologie sur les rendements agricoles, par exemple. Nous avons aussi sous-estimé la croissance de la population. Nous n’avions pas imaginé l’ampleur des bouleversements climatiques, la dépendance énergétique.
En 1972, nous avions élaboré treize scénarios, j’en retiendrais deux : celui de l’effondrement et celui de l’équilibre.
Quarante ans plus tard, c’est indéniablement le scénario de l’effondrement qui l’emporte ! Les données nous le montrent, ce n’est pas une vue de l’esprit.
Le point-clé est de savoir ce qui va se passer après les pics. Je pensais aussi honnêtement que nous avions réussi à alerter les dirigeants et les gens, en général, et que nous pouvions éviter l’effondrement.
J’ai compris que les changements ne devaient pas être simplement technologiques mais aussi sociaux et culturels.
Or, le cerveau humain n’est pas programmé pour appréhender les problèmes de long terme. C’est normal : Homo Sapiens a appris à fuir devant le danger, pas à imaginer les dangers à venir. Notre vision à court terme est en train de se fracasser contre la réalité physique des limites de la planète.

• N’avez-vous pas l’impression de vous répéter ?
Les idées principales sont effectivement les mêmes depuis 1972. Mais je vais vous expliquer ma philosophie : je n’ai pas d’enfants, j’ai 70 ans, j’ai eu une super vie, j’espère en profiter encore dix ans. Les civilisations naissent, puis elles s’effondrent, c’est ainsi. Cette civilisation matérielle va disparaître, mais notre espèce survivra, dans d’autres conditions.
Moi, je transmets ce que je sais, si les gens veulent changer c’est bien, s’ils ne veulent pas, je m’en fiche.
J’analyse des systèmes, donc je pense le long terme. Il y a deux façons d’être heureux : avoir plus ou vouloir moins. Comme je trouve qu’il est indécent d’avoir plus, je choisis de vouloir moins.

• Partout dans les pays riches, les dirigeants promettent un retour de la croissance, y croyez-vous ?
C’est fini, la croissance économique va fatalement s’arrêter, elle s’est déjà arrêtée d’ailleurs. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique « perpétuelle », nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle.
Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance.
En Grèce, lors des dernières élections, je ne crois pas que les gens croyaient aux promesses de l’opposition, ils voulaient plutôt signifier leur désir de changement. Idem chez vous pour la présidentielle. Aux Etats-Unis, après Bush, les démocrates ont gagné puis perdu deux ans plus tard. Le système ne fonctionne plus, les gens sont malheureux, ils votent contre, ils ne savent pas quoi faire d’autre. Ou alors, ils occupent Wall Street, ils sortent dans la rue, mais c’est encore insuffisant pour changer fondamentalement les choses.

• Quel système économique fonctionnerait d’après vous ?
Le système reste un outil, il n’est pas un objectif en soi. Nous avons bâti un système économique qui correspond à des idées. La vraie question est de savoir comment nous allons changer d’idées.
Pour des pans entiers de notre vie sociale, on s’en remet au système économique. Vous voulez être heureuse ? Achetez quelque chose ! Vous êtes trop grosse ? Achetez quelque chose pour mincir ! Vos parents sont trop vieux pour s’occuper d’eux ? Achetez-leur les services de quelqu’un qui se chargera d’eux !
Nous devons comprendre que beaucoup de choses importantes de la vie ne s’achètent pas. De même, l’environnement a de la valeur en tant que tel, pas seulement pour ce qu’il a à nous offrir.


UN TEXTE DU CRÉATEUR DE L’ASSOCIATON "L’UBAYE CITOYENNE" :

Bonjour à toutes et à tous,
Voici une petite réflexion personnelle du dimanche matin avant d’aller fendre du bois pour me détendre. C’est ce que fait toujours Charles Ingalls dans la petite maison dans la prairie.
Si vous connaissez encore des personnes plus ou moins proches qui veulent rester dans la bulle du monde d’avant, il est certains que les semaines à venir vont être assez difficiles à vivre.
Vous avez probablement essayé de convaincre, d’apporter des arguments, vidéos, livres, mais rien n’y fait. La marche est trop haute. En retour, vous aurez probablement reçu diverses versions : tu tiens un discours complotiste, tu as des propos sectaires, les élites ont trop à perdre si ça se casse la gueule, mais pourquoi nous voudraient-ils du mal, je n’ai pas envie que la société s’effondre, etc.
Il faut comprendre que de nombreuses personnes sont aujourd’hui dans un état de peur profonde, et leur cerveau est en train d’activer tous les mécanismes de protections nécessaires à leur survie.
Le déni et la négociation en font partie. Accepter de sortir de sa zone de confort est une épreuve impossible pour de nombreuses personnes, et malheureusement, on ne peut rien faire pour elles.
Chacun son rythme, son chemin, sa destinée.
Les informations ne sont pas très réjouissantes pour les jours à venir, et je crains depuis le début de cette affaire que l’agenda ne se déroule comme prévu par les psychopathes qui contrôlent les élus que nous avons si docilement mis en place.
La multitude d’informations contradictoires contribue à nous rendre fous. Trop d’information, tue l’information.
La recherche de vérité est une quête impossible. Trop de complexité, de paramètres, de rapidité dans les changements. D’ailleurs la vérité est comme les yeux d’une mouche, elle a mille facettes. Notre corps n’est pas fait pour vivre cette accumulation de stress et ces changements permanents. Les adeptes des travaux du Dr Hamer savent que les conflits ou le stress créent des pathologies plus ou moins graves. Pendant la seconde guerre mondiale, un des instruments de torture pour les juifs dans les camps de concentration, était de changer les règles tous les jours.
Ce qui est désolant, pour ne pas dire épuisant, c’est notre impuissance face à la situation.
Si on ne fait rien, et que l’on reste passif en courbant la tête pour que ça passe, cela s’appelle la soumission, et voilà ce qui nous pend au nez.
[https://www.youtube.com/watch?v=Meg...->https://www.youtube.com/watch?v=Meg...]
Si l’on tombe dans le piège de la fabrication de l’ennemi, chacun va chercher à mettre la faute sur telle personne ou telle communauté, chacun fera sa révolution, et ce sera la guerre civile avec l’intervention de l’armée.
Dans tous les cas, la situation va vite devenir insoutenable dans les semaines/mois à venir. Inutile de faire un dessin quand on va découvrir que des millions de personnes vont se retrouver sans activité, que les entreprises ferment les unes après les autres, que les divorces et séparations explosent, que les taux de suicides sont exponentiels surtout chez les jeunes, que les banques vacillent car les gens ne payent plus leur crédit, en clair que tout s’effondre. Si on ajoute à cela l’effondrement écologique que nous vivons depuis déjà trop de temps, des changements climatiques qui vont contraindre des millions de personnes à migrer vers des terres non hospitalières, c’est que du bonheur !
Depuis à peu près 4 ans, j’ai accumulé énormément de documents sur différents sujets afin d’avoir une vision la plus globale possible de notre société. Il faudrait toute une vie, et cela ne suffirait pas pour comprendre la complexité et la folie du monde dans lequel nous vivons.
Aujourd’hui, la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien.
Aujourd’hui, je suis un optimiste qui a un peu plus d’expérience, et je suis donc devenu pessimiste.
Aujourd’hui, je me concentre sur les conditions nécessaires à notre survie dans les mois/années qui viennent. Manger, boire, avoir un toit.
Pour garder cette concentration, il faut de l’espoir. L’espoir que les choses s’améliorent. L’espoir que notre génération n’arrive pas au bout de ce qui est acceptable.
Est-ce qu’accepter que des laboratoires fabriquent des virus est une bonne chose pour l’humanité ?
Est-ce qu’accepter que des armes nucléaires ou électromagnétiques militaires soient capables de détruire 5, 6 ou 7 fois la terre est une bonne chose pour l’humanité ?
Visiblement la génération d’avant moi ne se soucie que de maintenir sa bulle la plus intacte possible.
Visiblement ma génération est écartelée entre l’éducation et les schémas de pensées qui ont formaté notre cerveau et la vision du monde d’après qui arrive plus vite que ce que l’on imagine. Le progrès est-il bon pour l’humanité ?
Visiblement la génération d’après est vouée à s’adapter aux conditions quoi qu’il arrive. Lorsqu’un enfant naît avec un masque, en ne voyant que des personnes masquées autour de lui, en ne voyant que des personnes avec des armes à la main, en voyant des gens qui courent se mettre à l’abri quand on entend la sirène, il croit que c’est la norme.
La norme de demain ne me convient pas, mais il faut garder le moral.
Heureusement, il y a la nature. Notre civilisation s’en est déconnectée, et c’est probablement le plus gros de ses problèmes.
Rester connectés aux arbres, aux plantes, aux animaux, à la terre mère, c’est peut-être cela qui nous sauvera.

Bon dimanche à toutes et à tous.

Renaud



Covid-19 / Les 12 mensonges de la peur - UP’ Magazine



La très exclusive écriture "inclusive"

jeudi 23 juillet 2020

REMARQUES EN PASSANT 32


Remarques en passant 32.pdf
pour une lecture plus agréable…



AUTONOMIE
Une excessive quête de l’autonomie finit toujours par se briser sur le mur de la solitude.

AVANT-GARDE
Toute avant-garde a pour vocation ultime de devenir l’arrière-garde de celle qui lui succédera. Sa nouveauté même, qu’elle ne peut renouveler sans la trahir et se trahir, la condamne à sombrer dans le terrorisme académique par lequel elle tentera, désolant paradoxe, d’institutionnaliser sa révolution. La production d’une théorie, triomphe de l’avant-garde, consacre son échec.
Ne sont réellement d’avant-garde que ceux qui ne savent ni ne prétendent l’être. Ne revendiquant ni un statut, ni une conquête, mais le seul droit de créer conformément à leur nécessité intérieure. Voir PSITTACISME

AVEU (spontané)
Sur France-Inter, Fabienne Sintès, comme le journal arrive, nous ordonne : « Ne bougez pas ! On s’occupe de tout ! » Il est toujours admirable de voir l’inconscient déjouer la censure du conscient et clamer la vérité urbi et orbi… Quel aveu !

CAPORAL (épinglé)
« Si la Terre veut laisser un bon souvenir dans l’univers, il serait temps qu’elle disparaisse. »
Jacques Perret, Le caporal épinglé, 1947
Curieuse façon de faire porter à notre mère les fautes de ses enfants…
Je suis loin de partager les idées politiques de ce remarquable écrivain, un des meilleurs prosateurs de notre littérature, mais me replonger dans ce livre septuagénaire, qui m’avait enchanté à mes 16 ans, a été un vrai bain de jouvence littéraire et humaine.
Ce récit somptueusement écrit, si somptueusement qu’il paraîtrait affecté à nombre de lecteurs d’aujourd’hui, peu habitués à autant de luxuriance et de pertinence, est un chef-d’œuvre de justesse, non tant dans la description que dans la restitution vivante et précise, non seulement de la vie des prisonniers de guerre français de la seconde guerre mondiale, mais de la chair et de l’esprit d’une civilisation dont l’apogée consistait à entamer au grand galop l’effrayant processus d’un suicide programmé. C’est toute une atmosphère, toute une façon de vivre et de se vivre qui renaît dans ces pages très denses où une élégante et nerveuse légèreté ouvre à tout instant sur une gravité pudique qui atteint à la profondeur sans jamais perdre le perspicace recul de l’humour.
Ainsi, parlant de ceux de ses copains, prisonniers de guerre comme lui, qui pouvaient sortir du camp et nouer des idylles avec les allemandes esseulées, Perret note-t-il : « En fait de relations, plusieurs en cultivaient et des plus tendres, ajoutant d’autres chaînes à leurs chaînes et réalisant peu à peu les principales ambitions de l’homme libre qui sont une vie régulière, un foyer implacable et l’amour à la sauvette. »
Comment mieux résumer nos éternelles, douloureuses et comiques contradictions ?
La langue ici prend tout son sens, donne tout son suc, flatte autant les papilles que le nez, déploie ses trésors avec une évidence irrésistible.

CHURCHILL
J’étais tombé lors d’une vente de livres au bénéfice d’Amnesty sur le premier opus de Winston Churchill, Savrola, mal traduit et parfois un peu niaiseux, mais tout de même impressionnant pour un jeune homme de 23 ans, et avant même le tournant du siècle. J’ai fini par me décider à le lire et ne l’ai pas regretté. Sa vision du monde et sa carrière s’y affichent déjà en creux. C’est assez curieux, cette élaboration d’un destin que le destin va confirmer, comme une prémonition, ou une autosuggestion. Nous sommes plus que nous ne le savons (et ne voulons le savoir, et pour cause) le fruit de nos propres prophéties autoréalisatrices.

CLIENTÉLISME
On ne reprochera pas au maire LR de Chilly-Mazarin de pratiquer la langue de bois. C’est toujours édifiant, un salaud qui n’a pas peur de l’être ! Contestant la régularité de sa récente défaite électorale, il déclare tout tranquillement : « J’ai une clientèle qui ne s’est pas déplacée dans ce contexte ». La corruption est désormais si présente que de cynique elle est devenue inconsciente et peut se déployer en toute candeur, puisque plus personne ne la remarque.

COMPLEXITÉ
On nous rabâche commodément ce truisme : « Ça n’est pas simple, les choses sont plus complexes… » que ne le croient des crétins de votre genre, sous entendu, voire ouvertement formulé.
Le fait qu’un problème soit complexe ne signifie pas que nous ne devrions pas chercher à le réduire à l’essentiel pour lui apporter une solution simple. Tel est au contraire notre devoir, et les mathématiques nous l’enseignent, pour qui la meilleure solution d’un problème est la plus courte et la plus simple possible. Contrairement à la statistique, la mathématique est efficace lorsqu’elle est élégante, c’est à dire d’une simplicité raffinée, refusant la commodité de la quantité au profit de la beauté de la qualité.

CONSENSUS
Tout consensus trop partagé m’inquiète, toute unanimité m’est suspecte : qui est le loup qui guide ces moutons et vers où mène-t-il ce troupeau si heureux de consentir ? Voir LANGUE

CONTRADICTIONS
La contradiction est l’essence même de la condition humaine. L’être humain, animal pourvu de conscience, est contradictoire par nature. Ce sont nos contradictions qui nous permettent de vivre et ce sont elles qui nous détruisent. Seuls parmi les humains, les plus parfaits imbéciles et certains salauds d’exception sont démunis de contradictions, et par là même inhumains.
Nos contradictions sont là pour nous limiter et notre seul moyen de les dépasser est de les reconnaître et de les assumer. Le contraire en somme de la mégalomanie libérale, qui niant les contradictions tombe sous leur empire en croyant les dominer…

COUPLE INFERNAL
Nous autres humains avons deux défauts principaux : la peur et la paresse, qui s’entendent à merveille, tellement qu’elles sont mariées et absolument fidèles l’une à l’autre. Grattez la peur, vous tomberez sur la paresse, grattez la paresse, vous verrez surgir la peur. On ne dépasse ses peurs qu’en allant à leur rencontre, et notre paresse, à qui tout travail fait peur, répugne à cet effort.

CRÉATIVITÉ versus CRÉATION, du zéro à l’infini…
L’être humain ne peut être véritablement créateur que s’il croit à quelque chose, qui le motive et d’une manière ou d’une autre le dépasse. Notre époque honore les créatifs autant qu’elle ignore les créateurs. C’est que nous ne croyons plus en rien, aveuglés par un relativisme complaisant qui nous décharge de la responsabilité de choisir et de juger, seuls moyens de créer dans la durée.
Qui ne croit en rien ne peut envisager la durée, et réduit sa perception et sa compréhension du monde à son minuscule champ de vision. Voir DURER

DIEU
Je n’ai rien contre Dieu, du moment qu’il se conforme à l’idée que je me fais de Lui.
Qui d’entre nous n’a pas pensé cela un jour ou l’autre en son for intérieur ?

DIRIGER
Je ne veux pas être dirigé, je n’ai jamais accepté de l’être. Pourquoi voudrais-je diriger, et de quel droit ?

DROITS
« J’ai tous mes droits ! » criait Julia à sa mère, quand elle avait huit ou neuf ans.
« Commence par faire tes devoirs ! » répondait Bernadette.
Comment mieux résumer l’éternel et nécessaire conflit des générations ?

DUPONT-MORETTI
À mes yeux jusqu’ici le type même de l’avocat indigne, dont la pratique fait la honte d’une profession qu’il déshonore et discrédite, alors qu’elle est absolument essentielle à la justice. Quant à sa nomination ministérielle apparemment aberrante, elle ne devrait étonner aucune personne sensée : il n’est que trop « naturel » que les pervers narcissiques se cooptent entre eux pour le plus grand malheur des gens normaux…
J’ai peur, et serais heureux de me tromper, qu’il s’agisse d’attaquer de front ce qui reste d’indépendance à la justice, afin que puisse se déployer encore plus pleinement la corruption institutionnalisée au service de laquelle la présidence actuelle est d’autant plus dévouée qu’elle lui doit un pouvoir qu’elle sait illégitime et dont elle abuse de toutes les manières possibles. Mais qui nous oblige à voter pour eux ? Relisons La Boétie, et mettons-le enfin en pratique.

DURER
Comment faire durer les choses sans tomber dans la routine ? Comment se renouveler et accueillir le changement sans s’éparpiller ni perdre son cap ? Répondre à sa nécessité intérieure implique à la fois de l’inscrire dans la durée et de la faire évoluer dans le temps. Voir CRÉATIVITÉ

ÉCRIRE
Méfions-nous de nos habitudes de lecture, qui tendent toujours à devenir des œillères.
Écrire ne consiste pas à respecter des bienséances et des préjugés qui ne concernent qu’une infime partie de nos sociétés et y figent des sillons improductifs parce que fermés sur eux-mêmes. J’ai toujours souhaité m’autoriser à creuser tous les sillons qu’il me semble pouvoir, et parfois devoir, explorer, aussi déplaisants puissent-ils être ou paraître. On doit pouvoir écrire contre soi-même, si cela s’avère nécessaire. 
Le seul devoir d’un écrivain, comme d’un peintre, comme de tout artiste digne de ce nom, c’est d’être fidèle à sa nécessité intérieure. C’est une vérité que le règne de la communication a fait perdre de vue, substituant dès lors la forme au fond et l’apparence à l’âme. Cette perte de sens et cette manipulation du langage et des affects ne sont pas pour rien dans le désastre en cours, qui dépasse de loin cette petite pandémie, modeste signe annonciateur d’une apocalypse désormais inévitable et que d’ailleurs presque personne ne souhaite réellement éviter.
L’envie de plaire, c’est la mort de l’art. Je n’emploie pas des mots vulgaires ou déviants par facilité ou pour séduire, encore moins pour faire plaisir ou me faire plaisir, mais parce qu’à cet endroit-là ces mots à mes yeux s’imposent, que je les ai pesés et qu’à mes yeux ils ont leur poids de vérité.
Le lecteur éventuel est libre de ne pas pouvoir ou vouloir le voir, cela va de soi. L’écrivain ne prétend pas imposer une vérité, il est heureux que chacun lise avec ses yeux et non les siens, mais il exprime de son mieux la sienne, dont il ne prétend pas davantage qu’elle soit La Vérité, et dont il sait d’expérience qu’il lui arrive d’évoluer.

ENNEMIS
Nous avons trop souvent tendance à penser que nos ennemis sont comme nous. Qu’ils nous ressemblent, qu’ils ne seraient pas capables de faire ce que nous ne croyons pas être capables de faire, etc.
Nous faisons la même erreur avec nos amis, et c’est la raison principale pour laquelle ils finissent parfois par devenir nos pires ennemis.
Cette tendance à l’analogie, voire à l’identification, est un dangereux manque de respect et de bon sens. Nos ennemis sont différents de nous, ils en ont le droit et croient souvent en avoir le devoir. Inférer de nos ressemblances que nous sommes identiques a quelque chose de rassurant pour l’esprit mais relève d’un rêve fantasmatique digne des Bisounours.
Nous vivons toujours dans un monde différent de celui de nos ennemis, leur vision du monde ne se confond nullement avec la nôtre. Penser par exemple qu’un Sarkozy, un Hollande, un Macron ou un Philippe sont des humains comme nous est une erreur mortelle. De ce point de vue, il suffit de rassembler les différents propos d’Emmanuel Macron, prototype du mutant libéral-nazi, pour saisir qu’il est fondamentalement étranger à toute notion d’humanité. Il « raisonne », si l’on peut dire, d’une toute autre manière que le vulgum pecus qu’il méprise tant, précisément parce qu’il n’a rien de commun avec lui, ni les valeurs, ni les comportements.
Dans le monde du pouvoir, les enjeux ne sont pas les mêmes, on ne pense pas de la même façon quand on parle en milliers ou en milliards d’euros.
C’est sans doute pourquoi, compte tenu des problèmes colossaux engendrés par notre croissance tous azimuts, la part d’inhumanité qui a toujours existé chez les hommes et femmes de pouvoir prend désormais dans l’approche des libéraux-nazis une place si prédominante qu’elle exclut toute empathie, toute compréhension d’autrui. Pour le néo-libéral contemporain comme pour le nazi, tout être différent de lui ne peut prétendre au rang de sujet et se voit à tous égards relégué dans la catégorie des objets à utiliser, manipuler, et au besoin détruire à volonté.
C’est absolument navrant, mais il me semble évident que tant que nous nous obstinerons à penser que les hommes et femmes de pouvoir sont nos semblables, nous demeurerons sous leur coupe. Le monde global financiarisé est un monde abstrait, un monde de mort dans lequel l’être vivant, qui est identité et qualité, est ravalé au statut de la chose indifférenciée, domaine de la masse indistincte et quantifiable gérée par la statistique.
Dans ce monde-là, l’être humain devenu inutile n’a pas de place, et doit s’identifier à la machine avant d’être remplacé par elle, dont il n’est en somme qu’un ersatz, une mauvaise copie.

ENSEIGNANTS
Ce qui rend les professeurs malheureux, ce n’est pas que certains de leurs élèves soient stupides, c’est de constater qu’ils souhaitent à tout prix le rester et se donnent un mal fou pour y parvenir. Et de savoir par leur propre exemple que la même énergie consacrée à l’épanouissement de leur intelligence potentielle leur permettrait d’épanouir leurs possibilités…

ERREUR
L’avantage de se tromper, c’est que l’on s’enrichit toujours à reconnaître son erreur. Avantage dont nous prive trop souvent notre orgueil, ce fossoyeur acharné de notre véritable intérêt.

ÉVIDENCE
Nier l’évidence est la grande affaire de notre époque. Elle y déploie des talents d’aveuglement volontaire encore inédits. Pataugeant désespérément entre les pages somnifères du pensum mémoriel d’un de ces littérateurs convenus qui labourent les chemins bien tracés de la mode littéraire, j’y découvre que le genre n’existe pas. Hasard ? Mon regard se pose sur le fil électrique de la lampe qui me permet de déchiffrer ces pédantesques âneries, au bout duquel, unis dans un évident bonheur et une exquise complémentarité, la prise mâle et la prise femelle s’épousent pour me faire jouir de la lumière de leur énergie partagée.

FANTE (John)
Pas un tricheur, Fante ! Met ses couilles sur la table, bien saignantes, bien arrosées à la sauce humour, et du pain pour saucer, qu’on laisse rien traîner. On s’en lèche les doigts, parce que c’est encore tout frais, du vrai tout frais, cent ans après ça palpite comme au premier jour, c’est tellement autre chose que les petits plats rances des chochottes littéraires que notre trop douce France produit en grande série, labellisées et formatées, à grands coups de prix littéraires bidons.

FLÂNERIE
À Venise, même faire les courses est une flânerie. Se promener dans la vie semble être le fin mot de cette cité, la plus civilisée qui soit. J’ai toujours eu ce sentiment que se promener dans une vraie ville, c’est se promener dans la vie. À l’inverse, déambuler dans une de nos villes modernes, c’est errer dans un cimetière de morts vivants.

GILETS JAUNES
Le peuple des Gilets Jaunes aura représenté ce qui n’est pas encore pourri dans ce pays, face aux morts vivants, maîtres et esclaves réunis, de l’oligarchie financière mondialisée.
Quant à Macron, ce dépendeur d’andouilles dont le caractère obtus et féroce a été pris à tort pour de la fermeté, il laissera le souvenir d’un petit garçon perché sur son ego et jouant avec un déguisement trop grand pour lui.

IDÉOLOGIE
La pire des idéologies, c’est l’idéologie inconsciente. Le pire des idéologues est celui qui n’a pas conscience de l’être. C’est bien sûr le cas de tous les idéologues…

JOUIR
On ne jouit vraiment de la vie qu’en présence de la mort.
Ce n’est pas par hasard qu’à propos de l’orgasme on parlait autrefois de « petite mort ».

JUNGLE (loi de la)
Pure invention de la mégalomanie humaine visant à justifier l’insatiable et obscène avidité des hommes de pouvoir et de profit, la prétendue « loi de la jungle » n’existe pas dans la nature. Plus on l’étudie de près, plus on s’aperçoit que la vraie loi de la nature est plutôt d’ordre symbiotique, fondée sur la coopération volontaire ou involontaire et l’équilibre global à long terme des forces en présence.

LOGIQUE (imparable)
« Décidé à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente bien évidemment personne, puisque je suis sans égal. » John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles
On n’a sans doute jamais plus abruptement dénoncé la contradiction inhérente à l’individualisme…

LANGUE (française)
Je reviens souvent sur l’usage de plus en plus désastreux de la langue française par ceux dont il est pourtant la langue natale. C’est que je partage l’inquiétude qu’exprimaient ces lignes malheureusement encore plus actuelles que de son temps, écrites en 1942 par un grand philosophe trop oublié, Louis Lavelle, dans son livre La parole et l’écriture.
« La corruption de la parole et de l’écriture est la marque de toutes les autres corruptions : elle en est à la fois l’effet et la cause. Et l’on ne peut songer à purifier l’une ou l’autre sans purifier son âme elle-même. La période où nous vivons est à cet égard pleine de péril : il faut veiller pour les conjurer. »
Texte que je pense utile de mettre en résonance avec ces quelques lignes de José Saramago, écrivain portugais dont il serait opportun, à l’heure d’une pandémie instrumentalisée par des pouvoirs aussi autoritaires que corrompus, de lire L’Aveuglement :
« À la fin de ce siècle, il est devenu possible pour la première fois de voir à quoi peut ressembler un monde dans lequel le passé, y compris « le passé dans le présent », a perdu son rôle, où les cartes et les repères de jadis qui guidaient les êtres humains, seuls ou collectivement, tout au long de leur vie, ne présentent plus le paysage dans lequel nous évoluons, ni les mers sur lesquelles nous faisons voile : nous ne savons pas où notre voyage nous conduit ni même où il devrait nous conduire. »
Un peuple qui ne comprend plus sa langue, c’est un bateau sans gouvernail ni boussole.
Je ne me livrerai ici qu’à un trop rapide florilège, car relever les fautes d’accord orales et écrites des élites désespérément incultes qui nous dispensent la Bonne Parole et nous assomment de toutes les façons possibles tout en écorchant sans pitié leur pauvre langue serait aussi impossible que remplir le tonneau des Danaïdes…
De la sympathique Laure Adler : « Est-ce qu’un arbre peut-il être bien partout ? »
De Jean Viard, sociologue douillettement installé dans l’actuel sens de l’histoire et redoutable pisseur de copie : « « C’est les deux éléments qui fait que je ne suis plus un enfant… » Un tel énoncé, pardonnable à un enfant, l’est beaucoup moins à un adulte si sûr de lui et de son « savoir ». Que d’experts aussi présomptueux qu’incompétents nous aura pondu l’université française !
D’un autre membre de l’élite, député « marcheur » de l’Indre, qui ferait bien de s’asseoir un peu pour réviser sa grammaire défaillante, cette joyeuseté : « leurs enfants sont des victimes collatéraux ». Affreux macho, va !
D’un « syndicaliste » plus intrépide dans ses attaques contre sa langue natale que dans la défense des travailleurs (nul besoin de nommer ce consternant ravi de la crèche) : « des choix qui seraient faits de façon unilatéraux »…
Même machisme grammatical chez Delphine du Vigan, écrivaine moraliste, une sorte de mauvaise copie de la Comtesse de Ségur semble-t-il, lâchant benoîtement ce pet linguistique : « Je trouve important l’attention qu’on porte à ce sujet ».
La journaliste qui traite de la musique classique sur France-Inter a réussi l’autre jour une fausse note grammaticale qui la situe tout aussi haut dans la hiérarchie des pires massacreurs de notre langue, hiérarchie où les places sont pourtant chères, vu le nombre de candidats et l’excellence de leur analphabétisme : « Les festivités battent son plein » a-t-elle suavement gazouillé, la bouche en cœur.
D’un autre journaliste de France-Inter, cette jolie réussite : « Pékin retire sa carte de presse aux trois correspondants. »
« Ce que disent les auditeurs sont importants aussi » déclare sans frémir Nicolas Demorand. Et de renchérir dans la créativité clownesque, évoquant « des outils entre la main du président ».
Rejoint avec une ardeur fanatique par sa complice, l’ineffable Léa Salamé : « Mais l’ampleur de ces émeutes sont-elles assimilées à… ».
Et Fabienne Sintès, chez qui le surmenage libère une belle imagination lexicale, d’évoquer le moment de la « déconfination ».
Notre sympathique et spirituel cousin belge, Alex Vizorek, a-t-il alors raison de proclamer que « les conséquences de l’erreur n’est pas inhumaine » ?
Je m’élève contre l’indulgence de cet énoncé d’une si effroyable barbarie qu’il ne serait pas déplacé dans la bouche de l’improbable Muriel Pénicaud.
On peut trouver comiques tous ces errements. Pourtant, les conséquences de ces fautes de plus en plus fréquentes, à défaut d’être inhumaines, pourraient bien devenir mortelles, non seulement pour notre langue, mais pour les pensées et les émotions qu’elle est censée véhiculer. Ces énoncés, monstrueux parce qu’incohérents, à force d’être répétés deviennent normaux, puis contagieux, avant d’imposer comme nouvelles normes des structures linguistiques décérébrées, qui minent en profondeur la langue et la communication qu’elle est censée porter.
Car le problème n’est pas seulement grammatical, il est essentiellement moral et politique au sens le plus noble de ces deux termes : toute langue véhicule la vision du monde et les valeurs de la société ou de la nation qui la parle. Chacun de nous en est le produit avant de contribuer à la produire, et à ce double titre devrait s’en faire le garant. Quand on s’adresse au public, on a un devoir d’exemplarité. Mais les élites actuelles ont depuis longtemps renié tout sens de la responsabilité, que ce soit personnelle ou collective, et je respecte trop mon lecteur pour le rappeler à l’aide de quelques exemples de l’actualité ou du passé récent. Toute honte bue, « sachants » et experts » contribuent donc allègrement à la déliquescence de leur langue, « ça n’a pas d’importance, ce n’est que du français et de toute façon, tout le monde fait pareil… ».
Toute langue vivante évolue naturellement avec le temps. Mais à son rythme, et si j’ose dire à sa façon, selon son génie propre. Je soutiens que l’appauvrir ou la brutaliser, lui imposer des normes artificielles (l’écriture inclusive, par exemple, véritable machine de guerre idéologique contre la nature de la langue), c’est anéantir progressivement notre compréhension du monde et de nous-mêmes. Voir CONSENSUS

LUMIÈRE
Cette lumière du matin à Venise en janvier, j’ai envie de la nommer vapeur lumineuse, tant elle est à la fois très pure et vaporeuse. Très douce et très lumineuse, elle m’intègre à cette ville, je me sens partie de cette poussière lumineuse qui, sans estomper les monuments, leur confère une délicate vibration, les couvre d’une poudre transparente et dorée. Cette lumière-là, nous vibrons avec elle, elle nous contient, nous enveloppe et nous pénètre. Dans la lumière de Venise, nous devenons nous-mêmes lumière.

MAHLER
La musique de Mahler me fait penser au cinéma d’Hitchcock : il me semble qu’elle se sert elle aussi du cliché pour arriver au symbole. En puisant dans une veine populaire parfois au bord de l’épuisement, oubliée ou démonétisée, elle lui rend sa force et sa noblesse originelles en même temps qu’elle les lui emprunte et s’en nourrit, car le cliché, c’est toujours du symbole qu’un usage excessif a vidé de son énergie initiale et de son sens profond pour lui substituer une image et une pensée creuses, faciles à digérer et à classer. Hitchcock et Mahler avaient besoin de la sève populaire et de ce que recelaient d’authentique éthique les valeurs bourgeoises dévoyées pour revenir à l’essentiel originel, et la culture populaire retrouvait ponctuellement dans leurs œuvres la justesse et l’élan que l’évolution de nos sociétés lui avaient fait perdre.
Hausser l’anecdote au niveau du symbole, retrouver dans l’affadi la puissance initiale de l’émotion, c’est se donner la chance d’incarner dans le connu sa part d’inconnu. Retrouver la profondeur de ce qu’un usage excessif ou indifférent avait rendu superficiel, c’est peut-être cela, la poésie. Paraphrasant Rilke (« Il est tant de beauté dans tout ce qui commence »), j’ai envie de dire : Il est tant de beauté dans tout ce qui recommence.

MAÎTRE ?
Rester autant que possible le maître de mon univers a toujours été pour moi beaucoup plus important que d’être reconnu. Je n’ai jamais été prêt aux compromis, ou plutôt aux compromissions qu’exige le succès, sans doute parce que mon petit monde est fragile et que le succès est brutal…
Être maître de ma vie et de mon temps, c’est au fond toute mon ambition. Démesurée, j’en conviens, coûteuse aussi en temps et en énergie, vaine parfois, obtuse à l’occasion, mais à tout instant vitale.

MARCHÉ (du livre)
Le marketing du livre tue, sinon le livre, du moins la littérature, bien plus sûrement que l’analphabétisme.
Il me semble qu’il y a encore de la qualité par ci par là dans ce qui s’écrit aujourd’hui, mais noyée sans recours sous le tsunami de la quantité, qui nivelle tout. La quantité n’a pas d’états d’âme, et pour cause, étant la négation même de l’âme.

MASQUE
Bien qu’habitué au confinement volontaire, sans être du tout pour autant un ermite, je trouve qu’il a été appliqué bien trop brutalement et de façon excessive, en tout cas dans notre Vallée. À ma connaissance, l’Ubaye n’a connu que de très rares cas, et bénins.
Les conséquences de ce confinement tardif et infantilisant sont déjà chez nous redoutables.
Je reste également à titre personnel plus que réservé quant au port du masque en toute occasion, surtout quand je regarde celui que dans sa mansuétude intéressée m’a fait parvenir notre présidente de la Communauté de Communes de la Vallée de l’Ubaye.
Le texte parfaitement incohérent du prospectus qui l’accompagne montre clairement à mes yeux le côté cataplasme sur une jambe de bois de ce genre de précaution symbolique et ses dangers, qui relèvent aussi de la symbolique. Le masque aura été durant cette épidémie un objet de marketing, un des personnages principaux du story-telling pervers qui a mis en scène cette épidémie comme un funèbre grand-guignol.
Le théâtre m’a appris que le port du masque n’a rien d’anodin, qu’il peut être un merveilleux révélateur ou un terrible instrument de séparation, de négation de la personne et de répression directe ou indirecte. Les cagoules portées par nos actuels Robocops et autres GIGN ou GIPN sont d’inadmissibles perversions, qui ont grandement contribué à traumatiser nos sociétés. Un pouvoir qui masque ses forces de l’ordre se déclare par là-même illégitime.
Un pouvoir qui masque sa population ne l’est pas davantage. Et une population qui se laisse masquer ou qui veut l’être ne mérite pas de vivre sous un gouvernement légitime.

MASQUER
Masquer une population entière n’a rien d’anodin. On ne saurait mieux lui intimer l’ordre aussi formel qu’implicite de fermer sa gueule, voire, dans toute la mesure du possible, de s’abstenir de respirer.

MENSONGE (légitimité du)
Puisqu’il détient la vérité, mentir pour la faire admettre est aux yeux du Tartuffe néo-libéral un devoir sacré. Au nom de sa religion révélée, il est prêt à toutes les casuistiques pour nous la faire partager, voire à l’Inquisition si faute de parvenir à nous y convertir il se voit à regret contraint de nous l’imposer.

MUSIQUE DE CINÉMA
Je n’avais pas aimé Le Voleur de Bagdad , de mon cher Raoul Walsh, à la Cinémathèque, il y a bien longtemps. Depuis, non seulement le fIlm a été restauré, mais il a retrouvé sa musique d’origine, très supérieure aux versions suivantes (il y en a au moins trois), une somptueuse partition symphonique dans le goût classique d’un quasi inconnu, Mortimer Wilson, un modèle de musique de cinéma, trop souvent méprisée à tort, voir Korngold, Hermann, Rota, même Morricone, malgré ses boursouflures et sa vulgarité. Ce superbe nanar se voit enchanté par ces retrouvailles avec sa musique originale, et l’atmosphère de rêve oriental façon Mille et Une Nuits devient parfaitement crédible... Là encore, magie de la musique ! Qui me fait penser, dans un autre genre, aux musiques de Tati, et à ses bandes-son, toujours d’une admirable justesse et d’une grande portée symbolique.

MYTHIFIER
Mythifier, c’est mystifier. L’adoration est aussi mauvaise conseillère que la colère.

NATURE
On vit mieux avec une prairie vivante qu’avec un gazon mort.

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© Sagault 2012
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NATURE
« La nature n’est que poésie » professait l’autre jour Alain Baraton, un des trop rares rayons de soleil du désormais glauque France-Inter. C’est vrai et à mes yeux de la façon la plus profonde, qui n’a rien à voir avec ce qu’un romantisme dévoyé a pu rendre ridicule, ce côté bêta et gnangnan dont Christophe s’est si bien moqué dans la chanson composée en l’honneur de mamzelle Victoire par son héros, le sapeur Camembert :
"Petits voiseaux,
Qui zêtes dans le feuillage
Ousque murmure l’onde du clair ruisseau,
Chantez, chantez, dedans le vert bocage,
Le gai printemps, époque du renouveau !"

NOMBRILISME
L’art au service de l’artiste est une triste caricature de la démarche authentique dans laquelle l’artiste est au service de l’art.
C’est pour avoir oublié ces principes essentiels que l’art « contemporain » a sombré dans la spéculation, le vide et la stupidité. Cantonné dans son ghetto spéculatif, semblable en tout point à la « civilisation » barbare qui l’a engendré, l’art contemporain de marché, n’ayant rien à dire, passe son temps à se dire et se vendre au lieu de se faire.
Face au règne de l’auto-promotion, les artistes gagneraient à se souvenir de cette parole d’Évangile : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ».
De ce point de vue de radicale humilité, la peinture a encore tout à apprendre et tout à découvrir. Tout reste toujours à peindre. Une nouvelle approche de la picturalité du monde est possible, qui laisserait au magasin des accessoires de grand-guignol mégalomanie infantile et provocations convenues pour revenir à la modestie de l’artiste voué à l’art. Le vrai peintre parle le monde de son mieux, il n’est pas en train de parler de lui au travers du monde. Dans ce dernier cas, c’est son personnage qui s’exprime, dans le premier c’est son âme.
La vraie peinture n’est jamais dans l’avoir, elle est dans l’être du faire. C’est pourquoi elle est inévitablement humble, et c’est par cette humilité même qu’elle accède au sublime.
Nous ne ferons pas mieux que nos prédécesseurs, nous ferons autrement. La compétition n’a aucun sens en art. Ce qui reste de la peinture romaine, par exemple, est d’une qualité qui ne sera pas dépassée, mais rejointe par d’autres chemins et selon d’autres visions.
En art, seule compte donc l’émulation. Il ne s’agit pas de dépasser nos prédécesseurs, mais d’apprendre d’eux pour devenir nous-mêmes, qu’ils n’auraient pas davantage pu être que nous ne pourrions devenir eux-mêmes. Le faussaire se mord la queue, car pour devenir l’autre il s’oublie, abandonnant son identité d’artiste pour celle de ce simple exécutant qu’est le copiste qui d’ailleurs éprouvait souvent le besoin d’illuminer sa tâche machinale en décorant d’une manière ou d’une autre sa copie.
On ne peint pas son nombril. On peint le monde tel qu’il s’incarne à travers soi. Notre peinture s’agrandit de l’humilité avec laquelle nous contemplons l’univers auquel nous appartenons.
Tout le contraire de l’attitude dominatrice de tant d’artistes modernes et contemporains, démiurges en peau de lapin.

« NORMALITÉ »
Ceux d’entre nous qu’un confinement solitaire prolongé ne mettrait pas peu ou prou face à la folie ne devraient pas être considérés comme normaux. Rien ne dispose plus à la folie qu’une solitude imposée.

OPTIMISME
Quand tout va mal, le seul moyen de retrouver l’optimisme, c’est d’aller au bout du pessimisme. De l’avaler comme on prend une potion amère, mais salutaire, qu’on pissera en même temps que les toxines qu’elle libère et qui nous empoisonnaient de leur feinte douceur.

ORDRE
L’ordre à tout prix, c’est le comble du désordre.

PENSEURS
Si un penseur nous ennuie, c’est sans doute qu’il ne pense pas. Quiconque pense vraiment n’est jamais ennuyeux. Ne pas confondre, comme le font tant d’intellectuels plus soucieux de statut que de réflexion, pensée vivante et pensée morte. La première nourrit, la seconde assomme.
Nul besoin de donner des exemples, suffit d’écouter les « intellectuels médiatiques » (on n’est pas loin ici de l’oxymore…) qui souillent à longueur de temps de leurs déjections les media plus ou moins officiels.

PENSEURS (bis repetita…)
Les philosophes qui n’ont pas de problèmes ne sont pas des philosophes, ce ne sont que des penseurs. Les penseurs n’ont pas de problèmes, parce qu’ils bâtissent des systèmes hors sol aux fondations abstraites. Le vrai philosophe prend à bras le corps la vie, qui est à la fois le problème et sa solution. Laquelle est fort simple, disent les philosophes dignes de ce nom, suffit d’accepter le problème et de ne pas en chercher la solution, puisque la solution consiste à vivre pleinement le problème.

PERVERSITÉ
Plus une société est pervertie, plus elle sent le besoin d’être hypocrite, plus elle est corrompue, plus elle affectera la vertu, et quand le gouffre qui sépare ses actes de son discours deviendra trop évident, plus elle apparaîtra obscène, plus elle aura recours à toutes les formes de censure possibles.

PHOTOGRAPHIE
« Comment avez-vous trouvé la Chine ?
Je ne sais pas, je n’ai pas encore regardé mes photos. »
La photo souvenir a fait place à la photo vision, qui est une des formes de télé-vision. Nous n’entrons plus en contact avec le monde mais avec l’image que nous en prenons et tentons de fixer. Avec cette vision « à distance », plus rien n’est vécu en « live », et nous ne connaissons plus du monde que le souvenir d’un souvenir. Nous aimons désormais les lieux pour les photos que nous allons en faire, pour les souvenirs où nous allons les ranger, non pour eux-mêmes. Cette perception abstraite est celle du touriste de masse, qui n’a plus le temps de vivre son voyage et doit se rabattre sur le souvenir. Mais comme celui-ci, n’ayant pas été vécu, est mort-né, nos photos dorment de plus en plus souvent dans nos ordinateurs et sur le cloud. Témoins muets d’une vie que nous n’avons pas pris le temps de vivre…

PODOSOPHE
Personnage sentencieux pour qui la philosophie consiste à penser avec ses pieds. Alain Finkielkraut a su tendre vers cet idéal avec une persévérance justement récompensée par son accès précoce à un état de gâtisme avancé.

PODOSOPHIE
Branche morte de la philosophie fondée sur l’usage exclusif de la mauvaise foi, de la malhonnêteté intellectuelle et d’une rhétorique visant à dissimuler l’absence de tout effort pour penser la réalité. Cette discipline de manipulation grossière jouit d’une faveur particulière dans notre époque tout entière vouée au marketing et au storytelling. Les nouveaux philosophes, qui n’étaient ni nouveaux ni philosophes, ont bâti leur succès médiatique sur son usage immodéré. Parmi les intellectuels en mal de célébrité qui se sont illustrés dans cette douteuse discipline, citons deux des plus pénibles radoteurs de la droite moisie, Brückner et Finkielkraut, dont les éructations sont à la pensée ce que le Big Mac est au gigot à la ficelle.

PSITTACISME
Le psittacisme, c’est, dit le dictionnaire, « le fait de répéter quelque chose comme un perroquet en raisonnant sans comprendre le sens des mots que l’on utilise. »
On devrait parfois écouter les vieux. Du moins quand ils ne sont pas au pouvoir…
Ils ne radotent pas toujours, et de toute façon, nous radotons tous, enfants, adultes ou vieillards. Car de tous les radotages, le pire est ce que j’appelle le psittacisme du contemporain. Regarder les vieux et plus encore les écouter peut nous permettre de comprendre à quel point le contemporain est prisonnier de sa contemporanéité. Le consensus collectif plus ou moins inconscient d’une société modèle tellement la pensée et l’absence de pensée de la majeure partie de ses membres qu’il suffit de les écouter réellement pour s’apercevoir qu’ils disent tous à quelques fioritures près exactement la même chose, prisonniers qu’ils sont d’une idéologie et d’une atmosphère bien plus largement partagées qu’ils n’en ont conscience. La littérature française actuelle en fournit chaque jour des exemples consternants.
Ce modèle, norme contemporaine inconsciente, les vieux le remettent en cause par leur seule présence – d’où qu’elle soit si souvent vécue comme dérangeante. C’est qu’à leur époque, aussi bizarre que cela paraisse, ils ont eu leur propre contemporanéité, leur modèle consensuel breveté sans garantie du gouvernement, dont ils ont pu, pour les moins stupides d’entre eux du moins, constater la relativité puis la caducité. Le fait qu’ils y sont forcément restés peu ou prou englués leur permet de voir à quel point le nouveau modèle non moins breveté qui a succédé au leur lui est identique dans son uniformité, son conformisme et sa pauvreté intellectuelle et morale.
En cela comme en bien d’autres matières, les vieux pourraient être très utiles aux jeunes qui pensent penser par eux-mêmes alors qu’ils ânonnent des slogans imposés par une vision du monde collective. C’est d’ailleurs pourquoi penser que la jeunesse va sauver l’humanité relève de la pire démagogie ou de la sottise la plus obtuse, comme l’a prouvé cet admirable enculage de la jeunesse qu’a été la prétendue Révolution culturelle de ce vieux salopard de Mao.
Ainsi chaque génération tend-elle à développer avec une irrésistible ardeur la logorrhée narcissique de son conformisme particulier… Voir AVANT-GARDE

RELATIVISME
Tout est possible, tout devient donc impossible…
On ne peut pas tout faire à la fois. Ni tout être en même temps.
Le relativisme, c’est la mort de toute réflexion autonome, parce que cela empêche tout choix. On ne peut choisir qu’en jugeant, en hiérarchisant.
Si tout se vaut, aucun choix n’est possible, donc aucune action.

RESPONSABILITÉ
La seule idée d’être responsable, fût-ce seulement de soi, tétanise l’actuel « citoyen du monde » occidental.

ROMAN, GOTHIQUE, BAROQUE
Nous sommes dans une époque baroque, qui voit le sublime dans l’exubérance, le profond dans le complexe, le raffinement dans la sophistication. À mes yeux, sauf notables exceptions comme à Venise l’église de la Salute, de Longhena, sauvée par l’approche ésotérique de son concepteur, le baroque est toujours le signe d’une décadence et d’un épuisement. Il fait tomber l’art dans la décoration, tentant, souvent en vain, de retrouver de la force par l’accumulation et la variété, ces deux mamelles de la richesse superficielle.
Je crois que le sublime est dans le dépouillement, la profondeur dans la simplicité et le raffinement dans une constante recherche de l’épuré.
Ce qui explique la préférence marquée pour l’art roman de nombre d’amoureux de la beauté, qui considèrent, à tort selon moi, l’art gothique comme « impur » parce que trop décoratif et sophistiqué à leurs yeux. Cela me semble injuste, car il y a dans le gothique un élan vers la perfection céleste, une ardeur ascensionnelle, une volonté d’échapper à la matière en la mettant au service de l’esprit afin qu’elle incarne autant que possible le Royaume céleste, qui manquent au baroque, trop enclin à se satisfaire des apparences et des faux-semblants. Là où roman et gothique veulent prier et célébrer, le baroque veut séduire. Même flamboyant, le gothique ne triche pas, ignore le trompe-l’œil, ses sortilèges reposent sur d’extraordinaires audaces architecturales mises au service d’un dessein mystique et non d’un triomphe humain ou d’une reconquête comme dans le cas de la Renaissance tardive et de la Contre-Réforme.
Le contexte historique est totalement différent et il me semble plus juste et plus fécond de se souvenir que le gothique pousse sur le roman où il plonge ses racines, comme le prouve une étude approfondie du Mont Saint-Michel, archétype à la fois de l’âme gothique et de l’esprit médiéval. Mais on peut aussi évoquer entre beaucoup d’autres de nombreuses cathédrales françaises, dont celles de Rodez ou d’Embrun, la cathédrale de Barcelone, les églises des Frari et de San Zanipolo à Venise, les abbatiales de San Giovanni à Saluzzo et de Santa Maria à Staffarda. Le roman et le gothique s’y associent, s’y épaulent avec naturel et sans solution de continuité, les projets se marient parce que l’élan qui les engendre reste fondamentalement le même.
Moins austère mais non moins mystique, le gothique poursuit, affine et élève la méditation du roman, il reste fondamentalement contemplatif presque jusqu’à la fin, alors que le baroque reste essentiellement matérialiste jusque dans ses tentatives de mysticisme. Ses splendeurs s’affichent avec ostentation, au point de sombrer parfois dans la vulgarité qu’engendre toute accumulation. Le baroque architectural est un peu l’ancêtre de l’approche publicitaire, et la Contre-Réforme ressemble à une superbe campagne de marketing visant la rentabilité, alors que le gothique est tout entier dans l’exubérance de la gratuité…

ROTHKO
Ce qui est intéressant chez Rothko, ce n’est pas à mes yeux sa peinture, c’est sa mégalomanie, poussée à un point véritablement pathologique, et qui s’exprime à tout instant dans ses écrits, où l’art se fait constamment recherche de pouvoir. Ce n’est pas par hasard qu’ont poussé à la même époque les totalitarismes de tout poil avec leurs dictateurs fous et les artistes à prétention démiurgique. Ils sortent du même moule, celui des hommes de pouvoir. L’art n’a jamais d’intérêt qu’en ce qu’il échappe aux pauvres sortilèges du pouvoir pour entrer dans la magie sacrée de la beauté sous toutes ses formes. L’ego hypertrophié de beaucoup des artistes modernes et contemporains a bien souvent bouffé leur création. Ériger sa propre statue, même revendiquer un statut, sont les plus sûrs moyens de passer à côté de la création profonde. S’autopersuader de son génie est certes le moyen le plus aisé d’en convaincre les contemporains, mais la postérité n’est pas toujours aussi crédule, qui ne voit plus le prestidigitateur mais ce qui reste de son œuvre.

SENSURE
À propos du très recommandable entretien de Bernard Noël sur la SENSURE :
Très bon texte en effet, que je vais m’efforcer de faire lire. Mais ce ne sera pas évident, il règne ces jours-ci une anesthésie, voire un coma artificiel tout à fait inquiétant.
C’est l’humanité qui est en réanimation, et j’ai bien peur qu’elle n’ait plus ni la force ni l’envie de se réveiller – ni même la capacité de comprendre qu’elle, littéralement, n’existe plus ;
En pire, ce que les marxistes, qui s’y connaissaient, et voyaient la poutre dans l’œil de leur voisin capitaliste sans voir celle qu’ils avaient fichée dans l’orbite, appelaient l’aliénation…

TICS
Il y a au moins une production que la pandémie en cours ne freine pas : celle des tics de langage, ces mots-tics, béquilles destinées à soutenir le discours quand on n’est pas très sûr de ce qu’on avance, et qui de fait l’affaiblissent. Donner à notre propos tout son poids d’indiscutable véracité, tel est le but maladroitement recherché par notre inconscient tentant de venir au secours d’un conscient empêtré dans ses efforts de rationalisation des émotions qui sous-tendent la plupart de nos réflexions…
L’adverbe Effectivement jouit depuis quelques années auprès des beaux parleurs d’une faveur absolument exaspérante. Parmi les 150 mots qui composent désormais le vocabulaire du bavasseur moyen, homme politique, journaliste, expert plus ou moins patenté ou quidam désireux de se hausser du cul pour péter à la bonne hauteur, effectivement revient sans cesse à la rescousse pour pallier l’absence d’arguments dignes de ce nom et l’incohérence du discours décérébré qui tient lieu de réflexion aux amateurs d’éléments de langage et de philosophie de bistro. Si je dis « effectivement », plus besoin de prouver quoi que ce soit, l’adverbe vaut preuve implicite, surtout si j’ai la présence d’esprit de lui adjoindre un passe-partout comme « c’est vrai que » ou « Y a pas d’doute que », Sésame-ouvre-toi qui ferment d’entrée toute possibilité de réflexion.
Si vous ne passez pas déjà votre temps à vous appuyer lourdement sur ces béquilles, essayez, c’est imparable. Vous vous retrouverez aussitôt « en capacité de » (« en mesure de » serait plus français, mais la mode est une maîtresse exigeante) mettre fin à toute discussion, opération intellectuelle trop délaissée, dont l’objet théorique est la recherche commune d’une vérité partageable ou d’un compromis intelligent.

TOUTE-PUISSANCE
Avec les nouvelles technologies, tout le monde va se souvenir de tout et de tout le monde, effrayante perspective…

VENISE
Vous trouverez ci-dessous l’intéressant commentaire d’André Rey sur mon article de blog du 26-3-2020, UN RENARD DANS LA NEIGE. Répondre aux deux objections principales (passé encombrant et possibilités de survie dans le monde actuel) que soulève André Rey demanderait de longs développements. Je me suis contenté ici de resituer rapidement Venise dans son double contexte passé et présent.
Il m’écrit :

« Magnifique, le texte du confiné de Venise, autant que le vôtre dont je partage de nombreux passages et d’abord ce monde des renards que vous saluez fort justement.
Pourtant l’un et l’autre me semblent en contradiction. Une question : Venise la belle indolente aujourd’hui momentanément retrouvée, Venise enfin débarrassée de ces hordes des touristes (dont je fus), Venise qui pour autant ne me donne pas envie de mourir après que je l’ai vue, dites-moi, cette Venise n’est-elle pas celle des marchands cupides et des ecclésiastiques puants auxquels les paysans grecs (entre autres) préféraient le « joug » musulman ?
Je reste sensible au charme esthétique de Venise où je retournerai volontiers – si ... – mais qu’on me dise de quoi – ou comment – vivrait une Venise enfin débarrassée du tourisme de masse autant que de son encombrant passé sans porter atteinte à un environnement proche ou lointain ou sans succomber aux démons du lucre et de la spéculation, bref sans renouer avec les sacrosaintes valeurs occidentales du « sabre et du goupillon » traduisons pognon (de dingue ?) et mondialisation. Si Venise doit mourir, de la peste ou du coronaschtroumpf, eh bien, qu’elle meure ! D’autres suivront que nous précèderons. Sans fierté. »
Je lui ai répondu :
« Merci beaucoup de ce judicieux commentaire auquel j’ai plaisir à répondre.
Oui, c’est certain, Venise fut une grande prédatrice commerciale. En revanche, les vénitiens ont toujours su utiliser la religion à leur avantage et tenir en bride, et fort serrée, les ecclésiastiques de tout poil, vénitiens et surtout romains, car en dépit de ses avantages ils ne prisaient guère la vocation ecclésiastique. Je n’oublie pas cet aspect mercantile sans grands scrupules, dont ils étaient bien loin d’avoir l’exclusivité, mais l’aventure vénitienne, par son originalité, son exceptionnelle durée qui ne doit rien au hasard et tout à la qualité de ses hommes et de leur formidable capacité d’organisation, reste une réussite incomparable.
Son passé me semble bien moins encombrant que le nôtre, et plus généralement que celui de notre monde occidental, parce qu’elle a toujours eu – en partie parce que les limites technologiques de l’époque et la dangerosité des expéditions commerciales rendaient ses marchands moins imprudents que no modernes « entrepreneurs » – un sens de l’équilibre dû en bonne partie à l’essentielle précarité de son existence lagunaire.
Depuis près de 40 ans, je passe au moins un mois par an à Venise, avec les vénitiens et la minuscule diaspora des français qui l’aiment assez pour y élire domicile en dépit de ses nombreux inconvénients. J’y poursuis ce que j’appelle mon travail, qui est en fait une joie parfois difficile mais jamais démentie, et j’y partage avec artistes et artisans vénitiens, loin des Biennale et autres Mostre, la passion d’un art où se rencontrent l’homme et la nature, et le goût de la plus belle ouvrage possible. Les vénitiens, plus encore qu’ailleurs en Italie, ont gardé l’amour de la gratuité et le sens de la beauté, en partie peut-être parce que de plus en plus minoritaires et décalés, ils se défendent en tentant de perpétuer des valeurs qu’une modernité dévoyée est désormais bien incapable de reconnaître.
Cette Venise-là se voit moins que celles des foules qui la piétinent, des commerçants qui la corrompent et des puissants qui la violent en lui imposant leur absence d’âme et leur ridicule mégalomanie. Mais plus on la connaît, plus on l’aime, parce qu’on y vit. Et qu’on s’y sent vivre.
D’où l’étonnante fascination qu’elle continue d’exercer.
Si vous lisez l’italien (Venise me l’a appris, à défaut de me permettre de parler vénitien), je vous recommande, puisque vous pensez qu’il ne serait pas grave que la Sérénissime meure, un bien beau livre de Salvatore Settis, remarquable archéologue et historien de l’art, qui fut président du Conseil scientifique du Louvre à l’époque où celui-ci était encore géré comme un musée et non comme une grande surface.
Son livre s’intitule  Se Venezia muore…  et c’est une remarquable réflexion sur ce qu’est une vraie cité : un lieu de vie fécond parce que lieu de civilisation et de ce que les italiens appellent la civiltà, dont les français, bien plus américanisés qu’ils ne le croient, et au pire sens du terme, ont perdu jusqu’à l’idée.
Venise mourra peut-être, et avec elle un passé qui, loin de nous encombrer, pourrait nous nourrir si nous prenions la peine de le vivre au présent.
Reste que même morte, et cela dit tout, Venise fascinerait encore. »

VISION
La vue, c’est l’accueil du dehors. La vision, c’est le regard qui crée. À force de regarder, on finit par voir plus loin que la vue. Et ce qu’on voit prend vie, la vision s’incarne. La vision est la récompense de l’humilité qu’il y a à se mettre à l’école et au service du regard.

WALSH (Raoul)
John Ford est biblique, Raoul Walsh est shakespearien. C’est pourquoi, bien qu’aimant le premier, je préfère le second. Reste que Ford, avec La Prisonnière du désert a réussi un western sublime, à la fois biblique et shakespearien, tout comme Walsh avait porté à l’incandescence le film noir avec L’Enfer est à lui, chef-d’œuvre aussi biblique que shakespearien.

vendredi 1er mai 2020

TESTAMENT D’UN CONFINÉ


TESTAMENT D’UN CONFINÉ



Au début, ça m’a fait marrer.
Cette histoire de confinement, de confits nés, de confiniais, que sais-je ?
Un bordel innommable, une tragicomédie grotesque.
Mieux valait en rire. Et se confiner bien sagement, comme le demandaient papa président et maman premier ministre, nos parents indignes. Pas par conviction, juste faute de mieux, puisqu’il était trop tard pour prévenir ce qui aurait pu être évité.
Au début, pas de doute, ça m’a fait marrer.
Tout seul dans l’île déserte d’une maison entourée d’un petit jardin printanier, c’était presque un cadeau, une chance à coup sûr, un privilège en tout cas.
Aujourd’hui, ce 30 avril, je ne rigole plus. Je craque.
J’en ai marre.
On va essayer d’être clairs.
J’ai toujours eu un certain mal à supporter les autres, je les trouve souvent envahissants et je n’aime pas trop leur façon, volontiers insistante, d’être différents de moi.
Un manque de tact assez irritant à la longue, une conduite de mauvais goût, dont ils semblent de plus n’avoir aucunement conscience.
Je m’isolais donc assez souvent, en vertu de l’adage : « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ».
Mais ça, c’était avant. Dans le monde d’avant, comme ils disent, ces crétins.

Maintenant… quelque chose, j’en ai peur, a changé.
Maintenant que je n’ai plus à supporter les autres, je les trouve moins insupportables. Au bout de sept semaines, j’en viens même à me demander s’ils ne me supportaient pas, si par hasard, ne serait-ce qu’en me supportant, ils ne m’aidaient pas à me supporter.
À vivre, en somme…
Sans eux, on dirait que peu à peu je m’écroule. M’effondre, comme un corps à qui on a retiré son squelette. Littéralement, je ne tiens plus debout.
C’est un fait, j’en ai plus que marre. Mais plus tellement des autres, non.
J’en ai marre de moi !
Peux plus me saquer… Rien que l’idée de moi me donne envie de vomir.
Bon, comme nous tous, je vis avec moi depuis ma naissance. Et c’est avec moi, plus qu’avec n’importe qui d’autre, que j’ai passé le plus clair de mon temps, comme nous tous.
À force, je commençais à me connaître, et j’arrivais à me tolérer ; il m’arrivait même, exceptionnellement, d’être content de moi.
Nous menions moi et moi une petite vie de couple un peu planplan, mais somme toute assez sympathique, égayée de temps en temps par la présence des autres, et parfois rendue franchement agréable, dans les moments où ces autres se rendaient importuns en faisant preuve du détestable excès d’altérité qui les rend si difficiles à vivre.
Rentrer dans sa coquille quand on sait pouvoir en sortir est un plaisir de gourmet…
Dans ces moments-là, en contemplant mon nombril, je me disais à moi-même :
« Bon, d’accord, tu n’es pas parfait, mais souviens-toi de l’adage : Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. »
Je me comparais, et ça me consolait.
Le problème est que depuis sept semaines, plus question de me comparer.
Et j’ai eu tout le temps de me regarder. Pire : impossible de ne pas me voir tout le temps !
Sept semaines sans me quitter d’une semelle.
Bien plus que le temps nécessaire pour me rendre à cette évidence que j’avais toujours réussi à ne pas voir, entre autres grâce aux autres : je suis invivable.
Depuis sept semaines, je mange avec moi, je dors avec moi, je jardine avec moi, moi et moi nous faisons tout ensemble, ce salaud fait tout ce que je fais, pense tout ce que je pense, rêve tout ce que je rêve, vit tout ce que je vis !
Je n’ai plus aucune intimité.
Quand j’y pense…
Je comprends enfin que vivre avec moi tout seul pour de vrai est une telle épreuve que par anticipation je faisais l’impossible pour y échapper. D’où mon agitation, mon goût du divertissement, la téloche, le ciné, l’ordi, le smartphone, l’admirable gestion du temps qui me permettait d’en perdre un maximum à des futilités sans trop culpabiliser, toute cette fuite de moi hors de moi…
Et quand je suis coincé avec moi, je me fuis encore dans le bavardage, je me parle tout seul, je discute avec moi, je m’engueule, me réconcilie, me flatte et m’agonis d’injures, et ne cesse de me raconter des histoires ou de rêvasser !
Comment ai-je pu m’accepter pendant trois quart de siècle ?
Comment ai-je pu supporter mes rêves mégalomaniaques, mes perpétuels radotages politiques, mon entêtement borné, ma faiblesse et ma dureté, ma méfiance et ma crédulité, et par dessus tout, rutilante cerise sur cet indigeste gâteau, mes innombrables et aberrantes contradictions ?
Et encore, ce n’est pas le pire. Mais bon Dieu, toutes ces petites manies ridicules et exaspérantes, un sucre dans le café, pas plus, pas moins, une brique dans le réservoir de la chasse d’eau, des gants de peau pour conduire, une collection de casquettes digne des Peaky Blinders ou de L’Homme Tranquille, se peser chaque matin plus cinq minutes de gym à la con, au moins quatre confitures différentes au petit déjeuner sans oublier le miel, les portes toujours verrouillées, les volets de la bibliothèque toujours fermés, la cuisine toujours impeccable, les prises électriques toujours débranchées, je vous le demande, comment ai-je pu endurer ce supplice chinois ?
Mais le pire du pire, ce sourire idiot accroché en permanence à la bouche comme une enseigne de salon de thé pour dames bien élevées !
Comment ai-je pu supporter ma tronche ?
Comment ai-je pu m’accepter ?
Certes, il m’est arrivé bien des fois de me regarder dans le miroir et de hocher la tête avec une compassion teintée d’ironie, mais le fait est que je m’acceptais…
Il m’arrivait même de me trouver fréquentable, et une ou deux fois, j’ai failli m’aimer.

C’est fini. Je ne peux plus me voir en peinture. Je ne veux plus rien avoir à faire avec moi.
C’est confiné que j’ai enfin compris que j’étais un con fini.
Et me voilà obligé de me poser la question que je ne voulais surtout pas me poser : Comment les autres ont-ils fait pour me supporter ?
Moi, je m’y refuse. Vivre encore des années avec moi ? Dans ma peau ? Pas question !
Pour sortir du confinement, je ne vais pas me contenter de sortir de chez moi, ce serait retourner au monde d’avant.
Dans le monde d’après, je vais sortir de moi.
En espérant devenir un autre.

Ci-dessous, le même texte en pdf :


Alain Sagault
TESTAMENT D’UN CONFINÉ



Vous pouvez aussi découvrir UN ENTERREMENT ANNULÉ et plein d’autres textes et photos dans les archives de ce petit Globe…

Je relaie par ailleurs le lien vers ce film envoyé par un ami cinéaste et photographe, Alain Nahum, avec nos commentaires.
Il vaut vraiment la peine d’être vu, tant il était lucide sur son époque… et sur la nôtre !

« La peste Blanche » (Bílá nemoc) film tchèque de Hugo Haas sélectionné pour le premier Festival de Cannes de 1939,
https://vimeo.com/401839761 mot de passe : cinecroisette (disponible jusqu’au 30 avril). Mais il semble qu’il soit encore disponible au moins aujourd’hui…

Alain Nahum me signale qu’on peut aussi se procurer le dvd du film sur le site cinecroisette.com)

On doit pouvoir le trouver aussi en streaming.

Bonjour Alain
Je te joins le lien pour un film Tchèque La Peste Blanche c’est une rareté incroyable sur la propagation d’un virus.
Il faut que tu le vois, il vaut le détour (malgré ses faiblesses) ,il résonne avec notre situation actuelle de pandémie.

Merci beaucoup, Alain,
je l’ai regardé avec beaucoup d’intérêt, de plaisir et d’étonnement. Tout y est, ou presque, confinement compris…
Eu égard à la date, il est d’une lucidité quasi prophétique, tant pour le futur immédiat que pour le long terme… qui aujourd’hui nous concerne !
Il est de son époque, c’est vrai, mais il n’en a pas que les défauts, et je l’ai trouvé plutôt bien fait et assez fascinant, même si les personnages restent plus près du cliché que du symbole.
Mais je trouve que la fable tient la route et n’a rien perdu de son actualité, notamment en ce qui concerne l’académisme intéressé et borné de la nomenklatura médicale mondiale…
Et le rapport peste physique et peste émotionnelle, qui vont de pair, comme nous le constatons aujourd’hui, me rappelle La psychologie de masse du fascisme, une des œuvres les plus actuelles de Reich, hélas.

Voir en ligne : À lire aussi : CONFITEOR, dans les Épistoles improbables de Jean Klépal

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