Le confinement est sans doute une mesure sanitaire efficace, mais il pourrait finir par être une erreur politique : il nous donne à tous le temps de réfléchir et de redécouvrir la vraie vie…
Dans cette optique, et tout particulièrement dans le contexte actuel, je ne saurais trop vous engager à lire, quitte à le discuter, mais après avoir pris la peine d’y réfléchir honnêtement tant il nous remet tous personnellement en cause, le livre de Jean-Claude Michéa, L’EMPIRE DU MOINDRE MAL, Essai sur la civilisation libérale, un ouvrage fondamental soigneusement occulté par la pensée officielle libérale dont il déchiffre impitoyablement la vacuité et la toxicité. Publié dans la collection « essais » des éditions CHAMPS.
Je joins en pdf à la fin de cette chronique une synthèse qui me semble remarquable, tant elle est claire, précise et complète, mettant en lumière et en perspective une catastrophe qui ne doit rien au hasard.
« CRISE SANITAIRE, FAILLITE POLITIQUE » a été publiée sur son blog dans Mediapart par Alain Bertho.




UN RENARD DANS LA NEIGE

La perfection ne faisait que passer



C’était il y a quelques années, après une tempête qui avait déposé au sol un épais manteau de neige immaculée, aussi légère que le duvet d’un caneton. Entre minuit et une heure, passa dans ma cour, sous ma fenêtre, au moment où je montais l’escalier dans le noir, un renard.
Il était très grand, hiératique et souple à la fois, et son trot silencieux semblait voler dans la neige, une apparition d’un autre monde, une image inoubliable, toute la justesse de l’animal parfaitement animal, et dans son sillage toutes les légendes que cette mystérieuse justesse, que cette aisance inouïe a fait naître dans une humanité si empesée et dénaturée par la conscience de soi, la connaissance du bien et du mal et le refus d’en assumer les conséquences.
Il savait où il allait, lui, et je n’ai jamais vu un être vivant aussi absolument royal.

Je sais que cette impression est partagée par tous ceux qui ont vu de près évoluer dans leur milieu vital les animaux dits sauvages, qui sont seulement des animaux naturels, animaux fidèles à eux-mêmes, auprès desquels nos animaux domestiques trop souvent dénaturés semblent, malgré la sympathie qu’ils peuvent inspirer, bien artificiels et bien patauds.
Dauphins, écureuils, passereaux et rapaces, loups et lynx, araignées et papillons sont des merveilles vivantes, au même titre que les être humains qui ni plus ni moins qu’eux font partie de cet ensemble d’inséparables merveilles vivantes qu’est notre monde à tous. La vérité est que nous nous méprisons et nous détruisons nous-mêmes chaque fois que nous partons en guerre contre leur vie qui est aussi la nôtre.
Stupidité et infamie de la guerre contre qui ou quoi que ce soit !
Tout comme les bactéries, les virus sont des merveilles, à nous de les comprendre et les apprivoiser.
Dans le vrai monde, toute entrée en guerre est une défaite…
Et toute quête de paix un progrès.
Puissent enfin le comprendre les guerriers de pacotille qui par notre faute, pour notre malheur et le leur, nous gouvernent !


LA GUERRE POUR TOUT BAGAGE



Car les virus ne sont pas nos ennemis. L’humanité n’a qu’un seul ennemi, et qui est assez fort pour la détruire à lui tout seul : le genre humain, tous genres confondus. Il est temps que l’humanité se réconcilie avec elle-même, en commençant par ne plus traiter en ennemi le monde où elle a la chance de vivre… et qui est aussi le seul où elle puisse vivre !
Fichons la paix au monde ! C’est notre seul moyen de la trouver nous-mêmes…
Je suis donc plus que réticent devant toute cette rhétorique guerrière, qui tourne à la logorrhée dans les allées mal famées d’un gouvernement à mes yeux radicalement illégitime, tant par la façon dont il a été élu que dans son exercice autocratique du pouvoir, sans oublier la parfaite incompétence qu’il y manifeste, qui trouve son apothéose dans la « gestion » aussi stupide qu’ignoble de la pandémie en cours.
Pas question que je me joigne à un consensus frelaté, manipulé par tous les moyens modernes de communication. Pas question que j’accepte d’encenser en chœur les héros que les autorités de tout poil me somment d’aduler, ni que je me joigne aux délateurs qui condamnent a priori les boucs émissaires que ces mêmes autorités nous désignent cyniquement en espérant que les déclarer irresponsables leur permettra d’escamoter leur propre irresponsabilité.
L’honnête homme est celui qui ne hurle pas plus avec les loups qu’il ne bêle avec les moutons. Le refus de se soumettre au consensus imposé, qu’il vienne d’en haut ou d’en bas, est le premier devoir du citoyen digne de ce nom. Aucune majorité ne saurait donner la moindre légitimité à un pouvoir que son action délégitime.


LA TENTATION DU POUVOIR



J’écoutais ainsi l’autre jour une journaliste évoquer avec des trémolos dans la voix l’engagement citoyen d’une philosophe autoproclamée, professeure à la Sorbonne, qui après avoir lu à la cantonade quelques phrases de La Peste de Camus a lancé à la foule cet ordre à mes yeux ahurissant : « Allez, on applaudit encore ! » C’est ça, la Philosophie ? Je rêve…
Étrange attirance des intellectuels pour le pouvoir, pour la prise en charge de ce qu’autrui doit savoir ou doit faire. Toute occasion leur est bonne pour enfourcher leur bidet poussif et prendre la tête d’une charge pataude et sans risque, peu importe laquelle, l’important étant d’être la tête (bien-)pensante du mouvement, fût-il futile, stupide ou désastreux…
Je ne doute pas une seconde de l’engagement du corps médical et de l’efficacité de son dévouement malgré tous les obstacles qui l’entravent et qui ne relèvent pas du hasard mais de choix aussi stupides que scandaleux effectués sans l’aveu citoyen et très souvent contre leur volonté par les minables « élites » qui ont confisqué le pouvoir depuis des décennies.
M’étonne et me chagrine tout de même la propension d’une partie dudit corps médical, la plus académique et statutaire, comme par hasard, à user d’arguments d’autorité et à préconiser des mesures bien plus politiques que scientifiques, et très propres à redonner de fait au bon Docteur Knock le pouvoir quasi divin auquel il avait dû peu à peu renoncer depuis quelques décennies.
Je ne pense pas que la science échappe par la grâce de la raison raisonnante à notre part d’irrationalité, celle que le scientisme cherche toujours à occulter, bien conscient que la présence de l’irrationnel lui ôte l’essentiel de sa légitimité à prétendre au pouvoir absolu qu’il rêve d’exercer sur le monde.
Pas plus que la raison n’est jamais pleinement rationnelle, la science n’est jamais seulement scientifique, l’idéologie et l’inconscient n’en sont jamais absents.


MOBILISATION GÉNÉRALE… MAIS POUR LA PAIX !



Pour qui nous prennent tous ces gens d’autorité, tous ces amateurs de pouvoir, qui veulent nous faire applaudir au commandement comme de bons petits soldats ?
Bientôt puisque c’est la guerre, leur guerre à eux tout seuls en fait et qu’ils mènent contre nous, il faudra claquer des talons à la cadence de leur orgasme dominateur !
Tartuferie des mobilisations générales, que la petite bourgeoisie, cette cocue des concessions perpétuelles et des compromis à courte vue, avale comme du petit lait, avide qu’elle est de consensus mous, de conformité rampante et de cafarde délation du hors norme inconvenant : pour ces perpétuels trouillards, que j’ai vus sévir dès l’école primaire dans les années 50, tant la peur et la lâcheté sont précoces chez certains, mieux vaut se perdre avec l’approbation générale que se sauver contre l’avis de tous…
Nous sommes confinés, pourquoi pas ? Je n’ai pas compétence pour savoir si la mesure est bonne, mais elle ne me paraît pas plus idiote qu’une autre, et je la respecte en espérant que c’est dans notre intérêt à tous. Pour autant, pas question de l’adopter d’enthousiasme, ni d’ânonner au garde-à-vous les slogans de basse propagande déversés à longueur de temps par des medias à qui l’absence d’esprit critique et la soumission cauteleuse aux pouvoirs en place tient lieu d’éthique et d’honneur.
Pas question non plus de faire confiance aux experts académiques, intellectuels d’autorité et mandarins stipendiés du système médico-pharmaceutique : les innombrables conflits d’intérêt où ils barbotent leur ôtent à mes yeux toute crédibilité. Pour ne rien dire du crime de masse contre l’humanité dont se rend coupable depuis plus de 150 ans l’industrie chimique tout entière…
Je ne m’engagerai pas dans votre guerre, pas plus que je ne serais parti la fleur au fusil en 1914 : je vous laisse vos guerres, elles vous appartiennent, c’est bien assez qu’avec tous mes concitoyens j’en subisse les conséquences, dont nous exigerons que vous nous rendiez compte et nous dédommagiez, et à vos frais, pour une fois !
C’est pour la paix que je m’engage, à commencer par ce minimum de paix intérieure sans lequel nul ne peut prétendre apporter la moindre paix à autrui…
Dans cet esprit je laisse la parole à une personne dont je ne connais pas l’identité, mais à qui sa réclusion forcée à Venise a inspiré un texte auquel pour le coup je souscris avec enthousiasme.
Les morts-vivants du profit ont fait assez de mal.
Qu’ils dégagent, et place à la Vie, aux renards et à la neige !



TEXTE D’UN CONFINÉ DE VENISE



« Je vous écris d’une ville coupée du monde. Nous vivons ici dans une parfaite solitude qui n’est pas le vide. Nous prêtons chaque jour un peu moins attention à ce que nous ne pouvons plus faire car Venise, en ces jours singuliers, nous ramène à l’essentiel. La nature a repris le dessus. L’eau des canaux est redevenue claire et poissonneuse. Des milliers d’oiseaux se sont installés en ville et le ciel, limpide, n’est plus éraflé par le passage des avions. Dans les rues, à l’heure de la spesa (des courses), les vénitiens sont de nouveau chez eux, entre eux. Ils observent les distances, se parlent de loin mais il semble que se ressoude ces jours-ci une communauté bienveillante que l’on avait crue à jamais diluée dans le vacarme des déferlements touristiques. Le tourisme, beaucoup l’ont voulu, ont cru en vivre, ont tout misé sur lui jusqu’à ce que la manne se retourne contre eux, leur échappe pour passer entre des mains plus cupides et plus grandes, faisant de leur paradis un enfer.
Venise, en ces jours singuliers, m’apparaît comme une métaphore de notre monde. Nous étions embarqués dans un train furieux que nous ne pouvions plus arrêter alors que nous étions si nombreux à crever de ne pouvoir en descendre ! À vouloir autre chose que toutes les merveilles qu’elle avait déjà à leur offrir, les hommes étaient en train de détruire Venise. À confondre l’essentiel et le futile, à ne plus savoir regarder la beauté du monde, l’humanité était en train de courir à sa perte.
Je fais le pari que, lorsque nous pourrons de nouveau sortir de nos maisons, aucun vénitien ne souhaitera retrouver la Venise d’avant. Et j’espère de tout mon coeur que, lorsque le danger sera passé, nous serons nombreux sur cette Terre à refuser de réduire nos existences à des fuites en avant. Nous sommes ce soir des millions à ignorer quand nous retrouverons notre liberté de mouvement. Soyons des millions à prendre la liberté de rêver un autre monde. Nous avons devant nous des semaines, peut-être des mois pour réfléchir à ce qui compte vraiment, à ce qui nous rend heureux.
La nuit tombe sur la Sérénissime. Le silence est absolu. Cela suffit pour l’instant à mon bonheur.
Andrà tutto bene. »



CRISE SANITAIRE, FAILLITE POLITIQUE
Alain Bertho