QUE MASQUE LE MASQUE ?
Par Alain Sagault, lundi 28 septembre 2020 à 10:12 :: LE GLOBE DE L’HOMME MOYEN ::#10858
J’avais diffusé à quelques correspondants ce texte écrit début septembre. Au vu de l’évolution de la situation, je le publie ici, légèrement modifié, et lui adjoins quatre prolongations : le texte d’un entretien de Dennis Meadows paru en 2012 dans Libération, un texte écrit hier par un ami, un remarquable résumé du scandale du COVID et une tribune pointant le caractère idéologique et anti linguistique de la très politique et exclusive écriture "inclusive".
Chacun dans leur domaine, ces textes renvoient à notre totale incapacité actuelle à prendre en compte la réalité concrète. Au lieu de négocier avec elle, et en dépit des désastreux résultats de notre hubris, nous continuons à vouloir lui imposer notre mégalomanie schizophrénique et nos délires paranoïaques.
Il me semble au minimum utile, sinon agréable, de les proposer à la réflexion des lecteurs de ce Globe dédié aux êtres humains moyens, quel que soit leur genre…
Je m’adresse, comme toujours, à ceux d’entre nous qui souhaitent non seulement vivre en harmonie avec leurs semblables mais aussi avec leurs dissemblables, et faire partie de la grande aventure de la vie plutôt que de tenter vainement de mettre l’univers au service de la pitoyable odyssée d’une espèce animale assez stupide pour se couper d’elle-même à force de se couper du monde.
MASQUE OU BÂILLON ?
Que masque le masque ? Telle est bien la première question qui se pose et que nous nous poserions si nous n’étions pas abrutis et tétanisés par la panique collective dans laquelle nous avons plongé allègrement avec l’aide bienveillante de nos gouvernants.
Pourquoi veut-on à toute force nous imposer le masque, même à l’extérieur où il n’a rien à faire, après nous avoir expliqué pendant deux mois que ce n’était pas souhaitable, leur efficacité contre les virus n’ayant jamais été scientifiquement prouvée ?
À elles seules, les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à utiliser les masques dans la vraie vie suffisent à conclure que leur utilité réelle serait voisine de zéro même s’ils étaient en principe efficaces, ce qui n’est pas exactement le cas.
Potentiellement efficaces contre les bactéries et les particules, les masques que l’on nous force à utiliser sont des passoires à virus et deviennent vite de véritables nids à microbes, qui inhibent notre respiration et nous font respirer ad nauseam le CO2 de nos expirations et les toxines que nous excrétons. Ils ne sont donc pas seulement inutiles, ils sont malsains, et potentiellement dangereux portés en continu.
Cerise sur le gâteau, leur production et leur destruction ou leur lavage sans cesse réitéré constituent une pollution supplémentaire de première grandeur, comme si de ce côté-là nous n’étions pas déjà mortellement menacés par notre avidité et notre incurie.
Enfin, qui ne voit que le masque généralisé crée et entretient forcément, par nature, une atmosphère délétère ? Anonymisée, la population devient une foule indistincte dont les éléments ne se reconnaissent plus et ne peuvent plus communiquer normalement.
Atmosphère délétère soigneusement entretenue par le biais de la culpabilisation des « égoïstes » à qui l’on demande de « se masquer pour protéger autrui s’ils ne souhaitent pas se protéger eux-mêmes », avec les conséquences habituelles à ce genre de manipulations, développement de phénomènes hystériques, d’angoisses et de dépressions, violences verbales et physiques, délation galopante, consignes impossibles à suivre et dont le non-respect entraîne une répression arbitraire voire carrément illégale, accompagnée de la mise en cause par le pouvoir de nos libertés fondamentales, liberté d’expression comprise.
Pire peut-être, la méfiance galopante et l’interdiction des contacts physiques multiplient l’insécurité affective et nous séparent d’une part vitale de notre présence au monde, faisant de l’autre un danger, voire un ennemi.
Brillants résultats obtenus par la mise en scène spectaculaire et renouvelée jusqu’à l’obsession d’une sérieuse crise sanitaire promue au rang de catastrophe planétaire avec un sens du grand-guignol qui relève davantage de la propagande que de l’information.
Pourtant, on condamne fermement toute tentative de discussion, toute critique même constructive : il faut se joindre au consensus imposé, faire unanimité, il s’agit de sauver la Patrie ! Vraiment ?
UNE PANDÉMIE PROVIDENTIELLE
Voilà en tout cas une pandémie bienvenue pour la santé chancelante des démocratures et dictatures qui se partagent le monde d’aujourd’hui. Elle leur permet d’imposer sans coup férir des mesures « d’urgence » drastiques violant tous les principes du droit tout en nous rendant fous de peur par un matraquage communicationnel d’une effarante grossièreté, excellent moyen de faire cesser d’un coup les virulentes révoltes que leur façon de gouverner et leurs résultats avaient provoquées. Jamais aucune grippe, même l’espagnole, qui était autrement redoutable, n’avait donné lieu à un tel ramdam.
M’a frappé la haine véritablement féroce de certains de mes contradicteurs sur Facebook, incapables d’accepter le moindre débat. À quand le bûcher pour les hérétiques, la balle dans la nuque pour les déviationnistes ?
Il est pourtant déjà évident que les conséquences de cette politique entraîneront bien davantage de décès et de problèmes que la maladie elle-même, et cela était dès le départ prévisible.
Pourquoi les gouvernements ont-ils pratiqué cette politique de Gribouille, et pourquoi continuent-ils de la pratiquer ? À ce stade, on peut douter qu’une telle continuité dans l’erreur soit involontaire.
La question est donc, une fois encore : avons-nous affaire à de regrettables erreurs, ou à une politique délibérée de récupération d’un événement au service d’une politique en cours ?
LES FAITS SONT-ILS COMPLOTISTES ?
La réponse qui me vient à l’esprit passera sans doute pour complotiste. Peu m’importe, puisqu’aujourd’hui est désignée comme complotiste toute pensée contredisant la propagande officielle et les fake news des divers pouvoirs, tout comme est étiquetée populiste toute approche contestant le bien-fondé des politiques ultra-libérales mondialisées.
En même temps, comme dirait l’autre, et n’en déplaise aux médias moutonniers, si l’on examine l’expertise et l’honnêteté du monde médical, de l’industrie chimique et de la recherche scientifique, les 150 dernières années nous ont montré qu’elles étaient depuis toujours sujettes à caution, et le sont plus que jamais. Vous avez dit Servier ? Vous connaissez la Dépakine ? C’est quoi, l’amiante, déjà ? Où se trouve Seveso ? Lubrizol, ça ne vous dit rien ? Etc, etc, etc, la liste est aussi infinie que l’avidité des amateurs de profit.
Je ne tiens pas pour parole d’évangile le discours des lanceurs d’alerte plus ou moins compétents qui dénoncent une pandémie fabriquée, mais j’ai encore moins confiance dans les ukases intéressés d’experts et de gouvernants qui se vautrent depuis des décennies dans des conflits d’intérêts aussi désastreux pour la population que rentables pour eux.
Cherche à qui le crime profite, disait à peu près Sénèque.
En l’occurrence, il serait peut-être temps que les masques tombent…
Cette pandémie confirme une fois de plus que le malheur des uns fait le bonheur des autres : à en juger par leurs cours de Bourse, les grands laboratoires pharmaceutiques, mais aussi les trop célèbres GAFA, et plus globalement la majorité des multinationales, peuvent se féliciter de cette aubaine, contrairement aux TPE et PME, notamment sous-traitantes, dont les faillites seront pain bénit pour les grosses firmes. En profitent aussi l’establishment médical, englué dans les conflits d’intérêts et la recherche de la rentabilité plutôt que de la santé, les gouvernements, démocratures et tyrannies débarrassés au moins pour un temps de toute opposition, et autorisés par « l’urgence » à faire fi de toutes les limites à leur pouvoir. Non, la crise du Covid ne fait pas que des malheureux, elle est même la « divine surprise » des Avides !
CIVISME OU SOUMISSION ?
Surprise ? Il me semble qu’on peut tout de même se demander si le système en place, qui entend non seulement perdurer mais établir définitivement son emprise, ne nous refait pas, mais à l’échelle mondiale et pour de vrai, l’expérience tragiquement instructive de Stanley Milgram intitulée, et pour cause hélas, SOUMISSION À L’AUTORITÉ, une expérience si riche d’enseignements sur notre nature humaine et sa tendance à l’obéissance aveugle que je l’étudiais chaque année avec mes élèves de première et de terminale, pour tâcher de nous aider à nous prémunir du conformisme et des consensus mous que pouvoirs et médias nous encouragent à pratiquer, non pour notre bien mais pour le leur.
Une « pandémie » qui, répétons-le, tombe donc à pic pour de nombreux gouvernements actuels qui étaient justement aux prises depuis de nombreux mois avec des contestations grandissantes suite à leurs politiques irresponsables et criminelles.
J’ai du mal à ne pas penser qu’il s’agit pour le pouvoir oligarchique économico-financier actuel de nous habituer bon gré mal gré à obéir aveuglément à des ordres stupides en vue d’achever de faire de la population humaine une masse indistincte d’esclaves décervelés, entreprise à vrai dire déjà bien avancée. C’est un pas décisif dans le progrès vers une humanité transhumaniste où une infime minorité au pouvoir régnerait sur la foule des anonymes – et quoi de plus anonyme qu’une foule masquée ?
Masquer une population entière n’a rien d’anodin. On ne saurait mieux lui intimer l’ordre aussi formel qu’implicite de fermer sa gueule, voire, dans toute la mesure du possible, de s’abstenir de respirer.
Les puissants n’aiment pas être dérangés et, c’est bien connu, le peuple a mauvaise haleine. Bâillonnons-le, et tant mieux s’il s’étouffe ! Avec le masque, les pouvoirs étouffent précisément dans l’œuf jusqu’à l’idée de rébellion, en même temps que sa possibilité : la foule est désormais indifférenciée, nul n’est plus reconnaissable, l’identité se résume au masque devenu l’uniforme de l’armée des anonymes. Pas un masque ne dépasse… sans être aussitôt démasqué !
Le masque aura été tout au long de cette épidémie un superbe objet de marketing, un des personnages principaux du story-telling pervers qui a mis en scène la pandémie comme un funèbre grand-guignol.
Le théâtre m’a appris que le port du masque peut être un merveilleux révélateur ou un terrible instrument de séparation, de négation de la personne et de répression directe ou indirecte. Les cagoules portées par nos actuels Robocops et autres GIGN ou GIPN, sont à mes yeux d’inadmissibles perversions, qui ont grandement et volontairement contribué à traumatiser nos sociétés et à élargir le fossé entre une police instrumentalisée par le pouvoir et une population conduite selon une logique infernale à la haine par la peur. Un pouvoir qui masque ses forces de l’ordre se déclare par là même illégitime.
Un pouvoir qui masque sa population l’est tout autant. Et une population qui se laisse masquer ou qui veut l’être ne mérite pas de vivre sous un gouvernement légitime.
L’imposition du masque, c’est la mort programmée de toute société où il ferait bon vivre, parce que c’est l’instauration triomphale du règne de la peur.
Y A-T-IL UN VACCIN CONTRE LA PEUR ?
Le plus grave est que la majeure partie de la population semble prête à se résigner à cette incommensurable régression. Jamais chien n’a accepté sa muselière avec autant d’empressement que l’humanité n’en met à se soumettre au masque, à se bâillonner, quitte à s’étouffer dans la foulée. Ce que prouve, une fois de plus dans l’histoire, la crise sanitaire actuelle, c’est qu’il y a quelque chose de bien plus contagieux que tous les virus réunis : la peur, ou pour mieux dire la trouille. Et comme nous l’apprend là aussi l’histoire, toute peur collective a vocation à tourner à la panique, transformant une crise sanitaire assez ordinaire en cataclysme mondial.
Si nous consacrions autant de temps et d’argent à la lutte contre la malbouffe, le tabac, l’alcool, les poisons chimiques et les pollutions de toutes sortes, les économies en morts indues seraient autrement plus substantielles que celles que permettra la très étrange gestion de cette épidémie.
Devant cette mort sociétale qu’on nous impose, le seul recours pour continuer à vivre, c’est la révolte ou la folie. La révolte, c’est l’explosion, la folie, c’est l’implosion, dans les deux cas, réponses désastreuses à une situation invivable.
Sur tous ces masques se superpose le masque hideux de la peur.
MOURIR DE VIVRE OU VIVRE DE MOURIR ?
Car plus profondément, cette pandémie et sa gestion posent une autre question, à mes yeux essentielle :
Vit-elle encore, cette humanité qui ne pense qu’à se protéger et qui meurt à la vie à force de fuir la mort ? N’anticipe-t-elle pas sa propre mort, cessant de vivre dans l’espoir d’échapper à la mort ?
La peur de la mort semble traumatiser, voire tétaniser, une grande partie de l’humanité contemporaine. Cette panique qui mène à fuir et à censurer jusqu’à l’idée du trépas, au besoin en en multipliant la représentation dans l’image et le spectacle au point d’en rendre la réalité inerte et imperceptible, pratiquant une sorte de vaccination par l’habitude, je la comprends sans parvenir à la partager. Mourir faisant partie de la vie, de deux choses l’une, ou nous « oublions » de penser à la mort (en général, on fait semblant d’oublier, la Camarde poursuit insidieusement son chemin dans notre inconscient, qu’elle colonise à notre insu, paralysant peu à peu de l’intérieur notre vie tout entière…) ou, à l’instar d’un Montaigne, on la fréquente, on tente d’en apprivoiser l’idée à défaut de comprendre le phénomène, en somme on s’efforce de la regarder en face, c’est à dire de l’accepter, d’assumer ce paradoxe qui n’est qu’apparent, l’existence de la mort. On ne peut regarder longtemps le soleil en face, mais savoir qu’il anime autant qu’il aveugle n’est pas une mince avancée.
Car cette modeste lucidité nous libère. La peur de la mort enchaîne, la conscience de la mort ouvre la porte à la vie. La plupart du temps, loin de m’anéantir, la pensée de la mort me donne des ailes, je m’appuie sur elle pour décoller et tenter de voler au plus près de la vie qui m’habite encore, tout le temps qui me reste.
Je ne sais pas ce qu’il y a ou pas après la mort, ce que je sais c’est que de toute façon c’est après. Et pour l’heure, nous sommes avant, d’où la nécessité, pour ne pas mourir par anticipation, de nous ancrer fermement dans ce pendant en cours. Notre vie est un cerf-volant, nous ne pouvons voler au cœur du vent céleste qu’ancrés dans la conscience de ce temps de passage dont le terme, la tombe, cette butte qui est aussi un but, étant notre seule certitude, est l’unique ancrage possible de notre envol dans le ciel de notre vie.
En vérité, la mort est le tremplin de la vie.
Aimer vraiment la vie, c’est prendre la mort en compte au lieu de tenter de l’ignorer.
Et si la peur de la mort doit nous empêcher de vivre, autant mourir tout de suite. Je croise dans les rues beaucoup plus de morts que dans les cimetières. Les masques cachent des têtes de mort, la peur et sa fille l’impuissance planent sur ce défilé macabre devant des boutiques que des yeux inquiets fouillent comme on appelle au secours. Mais si la bouée n’est pas lancée par un vivant, elle reste morte elle aussi.
Peur partout, tout le temps, peur de la mort, mais aussi de la souffrance, de n’importe quelle souffrance, fantasmée, caressée, entretenue, peur d’être soi-même, refus ou incapacité de s’habiter, d’être ce qu’on est, d’assumer son genre ou sa condition, d’où des changements incessants, dans le vertige illusoire d’une transformation permanente d’un soi qui n’a pas eu ni n’aura le temps de naître, recherche folle d’une identité sans limites, flexible à volonté, destinée à cacher l’absence d’identité, la plasticité amorphe d’une pâte à modeler prisonnière de la dernière mode idéologique.
Se changer soi-même sans cesse, sans cesse changer de « partenaire », ne plus prendre le temps d’aimer ni de s’aimer. Comment oser aimer ou s’aimer quand il faut sans cesse s’améliorer, se former, se bouger, s’évaluer, à tout instant complaire, c’est à dire plaire aux cons ? Aimer, c’est choisir et choisir, c’est prendre le temps, mais prendre son temps, c’est prendre le risque de vivre, donc de mourir…
C’est à partir du moment où nous voulons tout prendre en main que tout commence à nous échapper. La quête de la sécurité à tout prix est le plus sûr moyen de vivre dans la peur, tout comme la recherche exclusive du pouvoir est le plus court chemin vers l’impuissance.
On s’habitue au masque. L’être humain, si adaptable et flexible, s’habitue à tout. Accepte tout, même Hitler, même Staline.
S’habituer à tout, merveilleuse résilience !
À mes yeux, s’habituer à tout n’est pas la solution, mais le problème…
Face aux écrans de fumée déployés par une propagande officielle qui dénonce les fake news de ses opposants pour mieux imposer les siennes, comment mieux terminer ce questionnement qu’en vous proposant trois passionnantes approches complémentaires qui me semblent opérer une salutaire mise en perspective des dérives totalitaires actuelles et du danger mortel qu’elles font courir à court terme à l’humanité tout entière ?
De la passionnante poétesse surréaliste et essayiste Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Stock 2018, admirable réflexion sur la confiscation de l’art par le pouvoir financier et sa mise au service de la soumission définitive de l’humanité au règne de la finance.
D’Olivier Rey, remarquable mathématicien philosophe, à propos de la religion scientifique et de ses apories, culminant dans le transhumanisme néo-nazi :
Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, Le Seuil, 2003
L’Idolâtrie de la vie, Gallimard, coll. « Tracts », 2020
De Jean-Claude Michéa, qui, dans la lignée des prophétiques analyses d’Orwell, pointe lucidement les dérives de la gauche de « progrès » et la naissance d’un totalitarisme « mou » :
L’Empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Paris, Climats, 2003
Le Complexe d’Orphée : la gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Climats, 2011
UN ENTRETIEN AVEC DENNIS MEADOWS EN JUIN 2012…
Dennis L. Meadows, né le 7 juin 1942 au Montana (États-Unis), est un scientifique et professeur émérite de l’Université du New Hampshire et co-auteur, avec trois scientifiques du MIT
du Rapport Meadows en 1972, qui met en avant le danger pour l’environnement planétaire de la croissance démographique et économique de l’humanité.
Membre honoraire du Club de Rome, il a reçu — avec l’Américain et « père de la tomographie » David E. Kuhl — le Japan Prize en 2009
De 1970 à 1972, il a été le directeur du projet « Predicament of Mankind » pour le Club de Rome
2012-06-15 Libération, Laure Noualhat
• Le sommet de la Terre démarre mercredi à Rio. Vous qui avez connu la première conférence, celle de Stockholm, en 1972, que vous inspire cette rencontre, quarante ans plus tard ?
Comme environnementaliste, je trouve stupide l’idée même que des dizaines de milliers de personnes sautent dans un avion pour rejoindre la capitale brésilienne, histoire de discuter de soutenabilité. C’est complètement fou.
Dépenser l’argent que ça coûte à financer des politiques publiques en faveur de la biodiversité, de l’environnement, du climat serait plus efficace. Il faut que les gens comprennent que Rio + 20 ne produira aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse.
Regardez les grandes conférences onusiennes sur le climat, chaque délégation s’évertue à éviter un accord qui leur poserait plus de problèmes que rien du tout.
La Chine veille à ce que personne n’impose de limites d’émissions de CO2, les Etats-Unis viennent discréditer l’idée même qu’il y a un changement climatique.
Avant, les populations exerçaient une espèce de pression pour que des mesures significatives sortent de ces réunions.
Depuis Copenhague, et l’échec cuisant de ce sommet, tout le monde a compris qu’il n’y a plus de pression. Chaque pays est d’accord pour signer en faveur de la paix, de la fraternité entre les peuples, du développement durable, mais ça ne veut rien dire. Les pays riches promettent toujours beaucoup d’argent et n’en versent jamais.
• Vous n’y croyez plus ?
Tant qu’on ne cherche pas à résoudre l’inéquation entre la recherche perpétuelle de croissance économique et la limitation des ressources naturelles, je ne vois pas à quoi ça sert.
A la première conférence, en 1972, mon livre « Les Limites à la croissance » (dont une nouvelle version enrichie a été publiée en mai) avait eu une grande influence sur les discussions. J’étais jeune, naïf, je me disais que si nos dirigeants se réunissaient pour dire qu’ils allaient résoudre les problèmes, ils allaient le faire.
Aujourd’hui, je n’y crois plus !
• L’un des thèmes centraux de la conférence concerne l’économie verte. Croyez-vous que ce soit une voie à suivre ?
Il ne faut pas se leurrer : quand quelqu’un se préoccupe d’économie verte, il est plutôt intéressé par l’économie et moins par le vert.
Tout comme les termes soutenabilité et développement durable, le terme d’économie verte n’a pas vraiment de sens.
Je suis sûr que la plupart de ceux qui utilisent cette expression sont très peu concernés par les problèmes globaux. La plupart du temps, l’expression est utilisée pour justifier une action qui aurait de toute façon été mise en place, quelles que soient les raisons.
• Vous semblez penser que l’humanité n’a plus de chance de s’en sortir ?
Avons-nous un moyen de maintenir le mode de vie des pays riches ? Non. Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective, on se dira : « Je me souviens, avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre où on voulait », ou « je me souviens, avant, on prenait l’avion comme ça ». Pour les plus riches, cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé.
On me parle souvent de l’image d’une voiture folle qui foncerait dans un mur. Du coup, les gens se demandent si nous allons appuyer sur la pédale de frein à temps.
Pour moi, nous sommes à bord d’une voiture qui s’est déjà jetée de la falaise et je pense que, dans une telle situation, les freins sont inutiles. Le déclin est inévitable.
En 1972, à la limite, nous aurions pu changer de trajectoire. A cette époque, l’empreinte écologique de l’humanité était encore soutenable.
Ce concept mesure la quantité de biosphère nécessaire à la production des ressources naturelles renouvelables et à l’absorption des pollutions correspondant aux activités humaines.
En 1972, donc, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons 150% et ce rythme accélère. Je ne sais pas exactement ce que signifie le développement durable, mais quand on en est là, il est certain qu’il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.
• La démographie ne sera pas abordée à Rio + 20. Or, pour vous, c’est un sujet majeur…
La première chose à dire, c’est que les problèmes écologiques ne proviennent pas des humains en tant que tels, mais de leurs modes de vie. On me demande souvent : ne pensez-vous pas que les choses ont changé depuis quarante ans, que l’on comprend mieux les problèmes ? Je réponds que le jour où l’on discutera sérieusement de la démographie, alors là, il y aura eu du changement.
Jusqu’ici, je ne vois rien, je dirais même que c’est pire qu’avant. Dans les années 70, les Nations unies organisaient des conférences sur ce thème, aujourd’hui, il n’y a plus rien.
• Pourquoi ?
Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Aux Etats-Unis, on ne discute plus de l’avortement comme d’une question médicale ou sociale, c’est exclusivement politique et religieux. Personne ne gagnera politiquement à ouvrir le chantier de la démographie. Du coup, personne n’en parle.
Or, c’est un sujet de très long terme, qui mérite d’être anticipé. Au Japon, après Fukushima, ils ont fermé toutes les centrales nucléaires. Ils ne l’avaient pas planifié, cela a donc causé toutes sortes de problèmes. Ils ont les plus grandes difficultés à payer leurs importations de pétrole et de gaz. C’est possible de se passer de nucléaire, mais il faut le planifier sur vingt ans.
C’est la même chose avec la population. Si soudainement vous réduisez les taux de natalité, vous avez des problèmes : la main-d’œuvre diminue, il devient très coûteux de gérer les personnes âgées, etc.
A Singapour, on discute en ce moment même de l’optimum démographique. Aujourd’hui, leur ratio de dépendance est de 1,7, ce qui signifie que pour chaque actif, il y a 1,7 inactif (enfants et personnes âgées compris). S’ils stoppent la croissance de la population, après la transition démographique, il y aura un actif pour sept inactifs.
Vous comprenez bien qu’il est impossible de faire fonctionner correctement un système social dans ces conditions. Vous courez à la faillite. Cela signifie qu’il faut transformer ce système, planifier autrement en prenant en compte tous ces éléments.
La planification existe déjà, mais elle ne fonctionne pas. Nous avons besoin de politiques qui coûteraient sur des décennies mais qui rapporteraient sur des siècles.
Le problème de la crise actuelle, qui touche tous les domaines, c’est que les gouvernements changent les choses petit bout par petit bout.
Par exemple, sur la crise de l’euro, les rustines inventées par les Etats tiennent un ou deux mois au plus. Chaque fois, on ne résout pas le problème, on fait redescendre la pression, momentanément, on retarde seulement l’effondrement.
• Depuis quarante ans, qu’avez-vous raté ?
Nous avons sous-estimé l’impact de la technologie sur les rendements agricoles, par exemple. Nous avons aussi sous-estimé la croissance de la population. Nous n’avions pas imaginé l’ampleur des bouleversements climatiques, la dépendance énergétique.
En 1972, nous avions élaboré treize scénarios, j’en retiendrais deux : celui de l’effondrement et celui de l’équilibre.
Quarante ans plus tard, c’est indéniablement le scénario de l’effondrement qui l’emporte ! Les données nous le montrent, ce n’est pas une vue de l’esprit.
Le point-clé est de savoir ce qui va se passer après les pics. Je pensais aussi honnêtement que nous avions réussi à alerter les dirigeants et les gens, en général, et que nous pouvions éviter l’effondrement.
J’ai compris que les changements ne devaient pas être simplement technologiques mais aussi sociaux et culturels.
Or, le cerveau humain n’est pas programmé pour appréhender les problèmes de long terme. C’est normal : Homo Sapiens a appris à fuir devant le danger, pas à imaginer les dangers à venir. Notre vision à court terme est en train de se fracasser contre la réalité physique des limites de la planète.
• N’avez-vous pas l’impression de vous répéter ?
Les idées principales sont effectivement les mêmes depuis 1972. Mais je vais vous expliquer ma philosophie : je n’ai pas d’enfants, j’ai 70 ans, j’ai eu une super vie, j’espère en profiter encore dix ans. Les civilisations naissent, puis elles s’effondrent, c’est ainsi. Cette civilisation matérielle va disparaître, mais notre espèce survivra, dans d’autres conditions.
Moi, je transmets ce que je sais, si les gens veulent changer c’est bien, s’ils ne veulent pas, je m’en fiche.
J’analyse des systèmes, donc je pense le long terme. Il y a deux façons d’être heureux : avoir plus ou vouloir moins. Comme je trouve qu’il est indécent d’avoir plus, je choisis de vouloir moins.
• Partout dans les pays riches, les dirigeants promettent un retour de la croissance, y croyez-vous ?
C’est fini, la croissance économique va fatalement s’arrêter, elle s’est déjà arrêtée d’ailleurs. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique « perpétuelle », nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle.
Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance.
En Grèce, lors des dernières élections, je ne crois pas que les gens croyaient aux promesses de l’opposition, ils voulaient plutôt signifier leur désir de changement. Idem chez vous pour la présidentielle. Aux Etats-Unis, après Bush, les démocrates ont gagné puis perdu deux ans plus tard. Le système ne fonctionne plus, les gens sont malheureux, ils votent contre, ils ne savent pas quoi faire d’autre. Ou alors, ils occupent Wall Street, ils sortent dans la rue, mais c’est encore insuffisant pour changer fondamentalement les choses.
• Quel système économique fonctionnerait d’après vous ?
Le système reste un outil, il n’est pas un objectif en soi. Nous avons bâti un système économique qui correspond à des idées. La vraie question est de savoir comment nous allons changer d’idées.
Pour des pans entiers de notre vie sociale, on s’en remet au système économique. Vous voulez être heureuse ? Achetez quelque chose ! Vous êtes trop grosse ? Achetez quelque chose pour mincir ! Vos parents sont trop vieux pour s’occuper d’eux ? Achetez-leur les services de quelqu’un qui se chargera d’eux !
Nous devons comprendre que beaucoup de choses importantes de la vie ne s’achètent pas. De même, l’environnement a de la valeur en tant que tel, pas seulement pour ce qu’il a à nous offrir.
UN TEXTE DU CRÉATEUR DE L’ASSOCIATON "L’UBAYE CITOYENNE" :
Bonjour à toutes et à tous,
Voici une petite réflexion personnelle du dimanche matin avant d’aller fendre du bois pour me détendre. C’est ce que fait toujours Charles Ingalls dans la petite maison dans la prairie.
Si vous connaissez encore des personnes plus ou moins proches qui veulent rester dans la bulle du monde d’avant, il est certains que les semaines à venir vont être assez difficiles à vivre.
Vous avez probablement essayé de convaincre, d’apporter des arguments, vidéos, livres, mais rien n’y fait. La marche est trop haute. En retour, vous aurez probablement reçu diverses versions : tu tiens un discours complotiste, tu as des propos sectaires, les élites ont trop à perdre si ça se casse la gueule, mais pourquoi nous voudraient-ils du mal, je n’ai pas envie que la société s’effondre, etc.
Il faut comprendre que de nombreuses personnes sont aujourd’hui dans un état de peur profonde, et leur cerveau est en train d’activer tous les mécanismes de protections nécessaires à leur survie.
Le déni et la négociation en font partie. Accepter de sortir de sa zone de confort est une épreuve impossible pour de nombreuses personnes, et malheureusement, on ne peut rien faire pour elles.
Chacun son rythme, son chemin, sa destinée.
Les informations ne sont pas très réjouissantes pour les jours à venir, et je crains depuis le début de cette affaire que l’agenda ne se déroule comme prévu par les psychopathes qui contrôlent les élus que nous avons si docilement mis en place.
La multitude d’informations contradictoires contribue à nous rendre fous. Trop d’information, tue l’information.
La recherche de vérité est une quête impossible. Trop de complexité, de paramètres, de rapidité dans les changements. D’ailleurs la vérité est comme les yeux d’une mouche, elle a mille facettes. Notre corps n’est pas fait pour vivre cette accumulation de stress et ces changements permanents. Les adeptes des travaux du Dr Hamer savent que les conflits ou le stress créent des pathologies plus ou moins graves. Pendant la seconde guerre mondiale, un des instruments de torture pour les juifs dans les camps de concentration, était de changer les règles tous les jours.
Ce qui est désolant, pour ne pas dire épuisant, c’est notre impuissance face à la situation.
Si on ne fait rien, et que l’on reste passif en courbant la tête pour que ça passe, cela s’appelle la soumission, et voilà ce qui nous pend au nez.
[https://www.youtube.com/watch?v=Meg...->https://www.youtube.com/watch?v=Meg...]
Si l’on tombe dans le piège de la fabrication de l’ennemi, chacun va chercher à mettre la faute sur telle personne ou telle communauté, chacun fera sa révolution, et ce sera la guerre civile avec l’intervention de l’armée.
Dans tous les cas, la situation va vite devenir insoutenable dans les semaines/mois à venir. Inutile de faire un dessin quand on va découvrir que des millions de personnes vont se retrouver sans activité, que les entreprises ferment les unes après les autres, que les divorces et séparations explosent, que les taux de suicides sont exponentiels surtout chez les jeunes, que les banques vacillent car les gens ne payent plus leur crédit, en clair que tout s’effondre. Si on ajoute à cela l’effondrement écologique que nous vivons depuis déjà trop de temps, des changements climatiques qui vont contraindre des millions de personnes à migrer vers des terres non hospitalières, c’est que du bonheur !
Depuis à peu près 4 ans, j’ai accumulé énormément de documents sur différents sujets afin d’avoir une vision la plus globale possible de notre société. Il faudrait toute une vie, et cela ne suffirait pas pour comprendre la complexité et la folie du monde dans lequel nous vivons.
Aujourd’hui, la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien.
Aujourd’hui, je suis un optimiste qui a un peu plus d’expérience, et je suis donc devenu pessimiste.
Aujourd’hui, je me concentre sur les conditions nécessaires à notre survie dans les mois/années qui viennent. Manger, boire, avoir un toit.
Pour garder cette concentration, il faut de l’espoir. L’espoir que les choses s’améliorent. L’espoir que notre génération n’arrive pas au bout de ce qui est acceptable.
Est-ce qu’accepter que des laboratoires fabriquent des virus est une bonne chose pour l’humanité ?
Est-ce qu’accepter que des armes nucléaires ou électromagnétiques militaires soient capables de détruire 5, 6 ou 7 fois la terre est une bonne chose pour l’humanité ?
Visiblement la génération d’avant moi ne se soucie que de maintenir sa bulle la plus intacte possible.
Visiblement ma génération est écartelée entre l’éducation et les schémas de pensées qui ont formaté notre cerveau et la vision du monde d’après qui arrive plus vite que ce que l’on imagine. Le progrès est-il bon pour l’humanité ?
Visiblement la génération d’après est vouée à s’adapter aux conditions quoi qu’il arrive. Lorsqu’un enfant naît avec un masque, en ne voyant que des personnes masquées autour de lui, en ne voyant que des personnes avec des armes à la main, en voyant des gens qui courent se mettre à l’abri quand on entend la sirène, il croit que c’est la norme.
La norme de demain ne me convient pas, mais il faut garder le moral.
Heureusement, il y a la nature. Notre civilisation s’en est déconnectée, et c’est probablement le plus gros de ses problèmes.
Rester connectés aux arbres, aux plantes, aux animaux, à la terre mère, c’est peut-être cela qui nous sauvera.
Bon dimanche à toutes et à tous.
Renaud
Commentaires
L’ami Klépal, dont je ne saurais trop vous conseiller le blog, http://epistoles-improbables.over-blog.com/ m’envoie ces quelques lignes, qui me paraissent compléter utilement mon texte :
Réflexion intéressante et combien actuelle.
Eléments à verser au débat :
le rôle éminent d’un neveu de Freud, Edward Bernays, théoricien de la manipulation politique et de la propagande, pudiquement rebaptisée "relations publiques" - de nos jours "communication" - mis au point aux Etats-unis lors de la première guerre mondiale.
l’ouvrage de référence de Serge Tchakotine, turco-soviéique, "Le viol des foules et la propagande politique", paru dans l’entre deux guerres.
Les Etats totalitaires disposent de la propagende et de la terreur policière ; les Etats "démocratiques" disposent de la fabriue du consentement, et de plus en plus de la répression policière.
La différence est évidemment hénaurme...