Bernadette c’est tout ensemble
c’est la joie et la peine
c’est le soleil levant la lune pleine
un bain dans le couchant
Bernadette c’est tout ensemble
la joie de vivre et la peine de vivre
un cou fragile porté bien droit
des épaules délicates
que rien ne fait baisser longtemps
Bernadette c’est tout ensemble
Bernadette c’est la dignité
Bernadette c’est un peu de rosée dans la main
née au coeur de la nuit dans le clair de lune
Bernadette c’est la douceur et la violence
la froideur et la tendresse
Bernadette c’est le soleil levant un matin d’hiver
quand la peau ne sait plus
si elle a froid ou chaud
quand la peau sait seulement qu’elle vit
pour de bon
Bernadette c’est tout ensemble
une course sur des rochers vers un sommet
qui se dérobe
pour être mieux atteint
un soupir un peu las
des yeux qui se perdent là d’où on ne revient pas
Bernadette c’est un rire de collier de perles lâchées
qui rebondissent de marche en marche
et n’en finissent plus de rouler dans la lumière
Bernadette c’est tout ensemble
la lassitude et l’enthousiasme
la franchise et la mauvaise foi
la jalousie et la compassion
c’est un chemin de campagne envahi de feuillages
et le soleil au bout comme un miracle
Bernadette c’est la fleur et le fruit
la feuille et la racine
la terre et le ciel
Bernadette c’est tout ensemble
la seule perfection qui vaille
la perfection de l’imperfection
Bernadette c’était ma femme

Bernadette, septembre 1998

Des maisons passent
des jardins des cours
des séchoirs à linge et des ballons d’enfant
TU ES LÀ
Tu es là même quand tu n’es pas là

D’autres maisons
d’autres jardins
du linge qui sèche des arbres et des voitures
TU ES LÀ
Tu es là même quand tu n’es pas là

sonnerie de portable
vite étouffée
nourrisson
dormant à poings fermés
cimetière cyprès serres
collines à demi chauves
TU ES LÀ
Tu es là même quand tu n’es pas là

Miettes sur le pull de la dame à côté
qui n’a pas fini son sandwich
air conditionné odeurs de sueur
usines lignes haute tension
TU ES LÀ
Tu es là même quand tu n’es pas là

souffle ronronnant du TGV
lumière blanche d’une journée d’automne
ennuagée de gris château d’eau HLM
entrepôts une gare à peine entrevue

TU ES LÀ
TU ES TOUJOURS LÀ
ENCORE PLUS LÀ
QUE QUAND TU ES LÀ