Le Président va parler ce soir.
Il y a le boniment qu’il va nous servir, et il y a ce qu’il fait et fera, à savoir une politique ultra-libérale.
Commençons donc par montrer (par l’absurde ?) les mirifiques effets de sa « politique apolitique » appliquée à la Symphonie inachevée de Schubert, histoire de comprendre qu’il s’agit pour lui, non d’achever les réformes, mais bien d’achever les réformés…

Une imparable démonstration de l’efficacité absolue de la gouvernance néo-libérale



Comment la communication a tué la politique aux USA… et ailleurs !


Il va donc parler ce soir, le joueur de flûte.
Je tenterai prochainement de revenir sur ce que signifie sa présence au plus haut niveau d’un des états a-démocratiques consécutifs à la globalisation financière et au règne des multinationales mafieuses.
En attendant, voici un texte écrit fin juin juste après le discours au Congrès du Président nouveau, aussi vert et frelaté que le Beaujolais éponyme.
Je ne le publie qu’aujourd’hui, à peine complété, non que j’aie voulu laisser le temps à ce redoutable godelureau de « faire ses preuves », puisqu’il les avait déjà largement faites dans le gouvernement précédent, comme le savait quiconque prenait la peine de s’informer ailleurs que dans la presse appartenant au CAC 40 (voir sur ce sujet le remarquable article d’Aude Lancelin Sept idées fausses sur les médias), mais parce qu’à l’époque le macronisme moutonnier étant à son comble, il était parfaitement inutile de continuer à dire la vérité à des électeurs tombés sous le charme douteux d’une Sirène… de police !
On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, surtout quand il s’abreuve en continu des mensonges de médias manipulés et manipulateurs.
Trois mois ayant suffi à rendre plus qu’évident ce qui ne l’était déjà que trop, on peut donc revenir sur le « phénomène » Macron, histoire d’une invraisemblable imposture et désolant témoignage de la cécité plus ou moins volontaire de tant d’entre nous.



BABY FACE, LE CAVALIER DE L’APOCALYPSE



« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade. » Krishnamurti

« Ne pensez pas une seule seconde que si, demain, vous réussissez vos investissements ou votre start-up, la chose est faite. Non, parce que vous aurez appris dans une gare, et une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien, parce que c’est un lieu où on passe, parce que c’est un lieu qu’on partage. »
Au cœur d’un discours totalement incohérent et pour tout dire d’une rare stupidité (écoutez-le sur Internet, cela en dit long sur la pensée supposément complexe de l’actuel président), émerge cet aveu, coming up involontaire de l’inconscient du pervers narcissique. Difficile de pousser plus loin le mépris manipulateur.
Parole creuse, discours de folie, plus qu’inquiétant quant à la vision du monde et au comportement de son auteur.
Confirmé par le discours fleuve devant le Congrès, sommet de rhétorique tournant à vide et superbe témoignage du foutage de gueule institutionnalisé qu’est devenue la « politique » dans nos « démocraties » « représentatives ».
À la place de la pensée complexe revendiquée par les dévots de ce jeune homme trop pressé pour être honnête, on a eu droit à l’étalage complaisant d’une pensée-poubelle digne de figurer dans une anthologie des discours les plus ringards de la communication néo-libérale et tout à fait caractéristique des novlangues contemporaines…
Comme Trump, avec qui il s’entendra très bien, entre Matamores on se comprend comme larrons en foire, Emmanuel Macron est un cas d’école, typique des nouveaux zombies engendrés par le triomphe de l’idéologie libérale-nazie, ces dirigeants du futur dont Orwell disait prophétiquement : « lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon ».
Pendant que notre Communicant en chef barbote dans des envolées lyriques qui réussissent à être « en même temps » puériles et cyniques, la spéculation sur les matières premières, entamée il y a quelques années notamment pour optimiser les profits boursiers des fonds de pension, est en train d’échapper à toute mesure et sera bientôt l’un des déclencheurs d’une nouvelle crise économico-financière majeure. Et ce n’est qu’un des problèmes inextricables engendrés par la poursuite d’une crise économico-financière qu’on nous présente comme terminée alors qu’elle ne fait que commencer.
Telle est la logique de la course au profit qu’elle tombe inévitablement dans la cavalerie (métaphore financière fort pertinente, voir Wikipédia) et ne s’arrête dans sa chevauchée fantastique que quand elle a rendu par sa permanente accélération un déraillement inévitable.
C’est cette course au profit démentielle que Macron s’est chargé de faciliter à ses commanditaires, les 1% qui constituent l’élite mondialisée.
En quelques mois d’exercice, le jeune fondé de pouvoir des vrais riches a bien mérité de ses patrons, avec en particulier un tonitruant retour d’ascenseur en forme de suppression de l’ISF, qui permettra aux membres des 100 familles les plus fortunées de notre beau pays de se partager quelque 5 milliards d’euros à nos frais.
Comme c’était prévisible puisqu’annoncé (ah, l’étonnement de ce gros nigaud de Thomas Legrand constatant que le « ni gauche ni droite » est un « ni gauche ni gauche » !), Macron apporte avec lui la fin de toute solidarité institutionnelle, et le triomphe de la prétendue loi de la jungle, qui est la guerre de tous contre tous, ou plus exactement des individus entre eux, au profit des « entreprises », c’est à dire en réalité de la finance reine dont elles sont à la fois le masque et la vache à lait.
On n’a pas assez souligné la valeur symbolique des signes guerriers dont s’entoure le nouveau Big Chief, valeur symbolique dont il n’est pas sûr que ce produit artificiel d’une culture hors sol ait pleinement conscience, tant chez lui, comme chez le Matamore de L’Illusion comique de Corneille, le vacarme des mots remplace l’expérience de la réalité.
Car la guerre des individus entre eux, la compétition généralisée jusqu’à la folie autodestructrice, débouche inévitablement sur la guerre tout court, la vraie de vraie, celle qui se répand peu à peu et finira par exploser au nez des apprentis sorciers que nous sommes tous à des degrés divers.
Ce qu’apporte dès aujourd’hui un Macron, et cela se lit sur son visage dès qu’on prend la peine de le regarder vraiment, c’est la guerre sociale tous azimuts telle qu’elle fonctionne aux États-Unis depuis leur création.
Il est en guerre, ce jeune homme propret au regard bleu acier, à la fois froid et halluciné, regard qui jauge et juge et jamais ne partage, regard fermé de hobereau prussien. Comme ses maîtres, le domestique stylé de la haute finance est en guerre contre l’humain, contre tout ce qui n’est ni « efficace » ni « rentable ».
Ce que vante aujourd’hui l’oligarchie au pouvoir sous le nom fallacieux d’esprit d’entreprise, c’est le faux nez de l’esprit de lucre, de l’avidité comme horizon indépassable de « l’activité » humaine.
Vous chercherez en vain dans la « politique » de Macron autre chose que « l’optimisation » de la compétition généralisée en vue de la « maximisation » des profits.
« Libérer les énergies », ça ne veut pas dire permettre à chacun d’entreprendre, mais autoriser le loup à exploiter sans frein les moutons après lui avoir donné les clefs de l’enclos. Libérer les énergies consiste à libérer les prédateurs en leur livrant leurs victimes pieds et poings liés. Voyez les superbes et lucratives « carrières » des ministres issus de la prétendue société civile, à commencer par Murielle Pénicaud et Florence Parly, voyez Richard Ferran, ce profiteur forcément « innocent »…
Libérer les énergies, c’est permettre à une oligarchie aussi violente que corrompue de régner par la peur sur une société d’esclaves anesthésiés par la communication et tenus en laisse par la légalisation d’un état d’urgence permanent.
L’État n’est plus au service de la société pour assurer la promotion de l’intérêt général, mais pour la mettre tout entière au service de cet insatiable Moloch qu’est le Dieu Profit.
D’où la destruction du code de travail, le passage de la cotisation sociale à l’impôt, etc, etc.
Il s’agit de rendre les choses plus fluides, de n’agir qu’en fonction de la rentabilité potentielle : les cars Macron, c’est par exemple permettre aux salariés de se soumettre à la mobilité, au moindre prix…
Pour un Macron, il ne s’agit pas de savoir si Notre-Dame des Landes pose un problème écologique, mais de constater qu’il est pour l’heure plus rentable d’en faire – provisoirement, les promesses n’engagent que ceux qui y croient – cadeau à Hulot, caution écologique dont il sera facile de se débarrasser après usage, si ce ravi de la crèche peu regardant sur ses sponsors n’a pas le bon esprit de se retirer à temps d’un jeu où il n’a que le rôle du pion qu’on sacrifie.
En résumé, comme il fallait s’y attendre, les premiers mois de gouvernance d’Emmanuel Macron, ce n’est pas la nouveauté, c’est le retour des vieux démons de la mégalomanie et du mépris, c’est le viol systématique de tout ce qui peut donner valeur et dignité à l’existence humaine, bref, l’apothéose de ce type humain tragiquement dépassé et en même temps plus que jamais triomphant qu’est l’homme de pouvoir, cet individu à l’ego hypertrophié qui se voudrait surhumain et n’est jamais qu’inhumain.
Si l’humanité veut survivre, il lui faut d’une manière ou d’une autre guérir des hommes de pouvoir – quel que soit leur sexe…
Cela concerne chacun de nous, et passe sans doute par une nouvelle compréhension et une nouvelle pratique de ce qu’il faut bien appeler l’amour, cet élan non rentable en l’absence duquel notre existence n’a aucune valeur.
En matière de vie, seul a du prix ce qui est gratuit.


En guise de conclusion provisoire, je cueille ces trois vers dans un poème de Virginie Demont-Breton, intitulé Simulation et publié en 1920 dans son recueil Tendresses dans la tourmente, et je les dépose pieusement aux pieds de Sa Hauteur Condescendante Notre Manipulateur en Chef :
« Combien nous fait horreur toute supercherie
Surtout en ces temps durs de réelle douleur. (…)
On parle de son cœur et l’on songe à la Banque. »