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Aquarelles

dimanche 15 janvier 2006, par Alain Sagault

L’aquarelle, je l’ai rencontrée en Irlande, là où la terre se noie doucement sous la mer venue à sa rencontre dans le lit du vent.
Pour tenter d’évoquer la lumière de l’eau, et l’eau du ciel, et l’humide douceur des nuages, j’ai su tout de suite qu’il me fallait l’aquarelle.
L’aquarelle, c’est marier l’eau, l’air, la terre et le feu, peindre, à travers la lumière, les quatre éléments émergeant de la nuit du néant. Pour faire voir le cinquième.
Et le cinquième élément, c’est la Lumière.

Mes Aquarêves tournent pour la plupart autour de mon travail sur « A ride on the wild side » que je traduis pour l’instant par « Un petit tour du côté sauvage ». Ça peut paraître surprenant qu’il y ait sous ce titre tant d’aquarelles paisibles. Mais d’une part cela correspond à la réalité, et d’autre part, ce qui est devenu sauvage, et à peu près introuvable, c’est la paix, c’est le temps libre, la mer libre, l’espace vierge, toute cette paix de la nature en vie, une vie si différente de notre agitation. Le sens premier, et essentiel de l’adjectif sauvage, c’est, selon le Robert, ce « qui est à l’état de nature ou qui n’a pas été modifié par l’action de l’homme. » Mais c’est aussi : « 4° (Lieux) Que la présence ou l’action humaine n’a pas marqué ; peu accessible, d’un aspect peu hospitalier, parfois effrayant. » S’y ajoute, très congrument, au sens figuré : « Qui fuit toute relation avec les hommes, se plaît à vivre seul et retiré. »
Et si je questionne le « wild » anglo-saxon, je retrouve le Wild West, qui n’est pas seulement le dangereux et féroce Ouest sauvage à conquérir, mais la Terre Vierge paisible, encore à l’état de nature. Un monde harmonieux et finalement assez tranquille, bon à envahir et à détruire. L’équilibre de la nature est une provocation pour l’humanité…
Sauvage, la nature qui nous dépasse, comme un infini perdu. De même, l’anglais « ride » évoque la chevauchée de la mer et des nuages, le galop des météores, le piétinement essoufflé des rafales de vent contre le mur de ma cabane de pêcheur, et les ruades du petit chalutier cinglant dans la mer formée vers Skellig Michael noyée sous les embruns.
C’est aussi pour ça que je m’intéresse à l’ordre du chaos. Ne pas toujours imposer mon ordre, et découvrir cet ordre inconnu ou incompris que nous appelons chaos. Dans mon travail, il y a un mariage avec le hasard, et pour que ça fonctionne, il faut que je trouve l’équilibre entre le hasard et ma façon de me servir de lui et de le servir. C’est une des choses qui m’intéressent dans l’aquarelle : elle se prête au hasard, mieux elle peut se donner à lui.

Ce qui fait qu’avec l’aquarelle on n’est jamais sûr de son fait, c’est que plus que tout autre technique elle fait la part du hasard. Avec elle, rien n’est jamais acquis, tout recommence à chaque fois. On ne s’improvise pas aquarelliste, parce que l’aquarelle est par nature improvisation.
Il y a un côté quitte ou double, et s’il y a place pour l’échec, il y a place aussi pour le miracle – si tu sais le laisser arriver et n’essaye pas de le ramener à ta pauvre idée de la perfection.

Il faut oser la douceur dans l’aquarelle. Quand seras-tu doux si tu ne l’es pas dans l’aquarelle ? S’abandonner sans se laisser aller.