LA CHARTE DE L’HOMME MOYEN


L’homme moyen ne connaît pas la vérité, mais il a sa vérité, dont il témoigne sans chercher à convaincre, parce que nul ne le convaincra de ne pas la vivre.

L’homme moyen tente de ne pas faire à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’autrui lui fasse, et s’efforce, ce qui est encore plus difficile, de faire à autrui ce qu’il voudrait qu’autrui lui fasse.

L’homme moyen respecte ce qui mérite de l’être, et n’adore par conséquent rien ni personne. Il n’attend de son côté que le respect qu’il mérite.

L’homme moyen ne cherche pas à réussir, mais à s’améliorer.

L’homme moyen a donc pour seule ambition de faire de son mieux ce qu’il a décidé de faire.

C’est pourquoi l’homme moyen s’intéresse davantage à la coopération qu’à la compétition.

L’homme moyen vit en société, mais laisse le moins possible la société vivre en lui.

L’homme moyen n’a rien contre l’argent, mais refuse de le payer plus cher qu’il ne vaut.

L’homme moyen cherche à réaliser ses rêves, mais se refuse à rêver la réalité. C’est pourquoi il ne pense pas que tous les moyens soient bons pour arriver à ses fins.

Même s’il lui arrive par chance d’avoir du génie, l’homme moyen se sait et se veut moyen, parce que telle est la condition humaine.

L’homme moyen ne cherche donc pas à péter plus haut que son cul, ni plus bas ; en toute occasion l’homme moyen veut juste être lui-même.

L’homme moyen aime la fidélité, mais se sait capable d’infidélité, et n’ignore pas qu’il en va de même de ses congénères.

Pour l’homme moyen, sincérité et honnêteté sont des idéaux qu’il s’efforce d’autant plus d’atteindre qu’il sait pertinemment qu’il n’y parviendra pas toujours.

L’homme moyen cherche l’infini dans le fini. Il accepte le mysticisme, mais rejette tout fanatisme.

L’homme moyen croit à l’imagination créatrice, mais aussi à l’esprit critique, et pratique aussi bien l’une que l’autre.

Parce qu’il a le sens de la mesure, l’homme moyen a presque toujours raison, ce qui lui permet de reconnaître sans hésiter ses erreurs.

L’homme moyen connaît ses faiblesses et tente de négocier avec elles, non pour les réduire, mais pour s’en faire des alliées.

L’homme moyen tient compte d’autrui, mais n’oublie jamais qu’il n’est responsable que de lui-même, et ne peut être utile à lui-même et aux autres qu’en respectant sa nécessité intérieure.

C’est pourquoi, en dernier ressort, pour tout ce qui le concerne, l’homme moyen ne rend de comptes qu’à lui-même.

La charte de l’homme moyen n’est pas gravée dans le marbre ; elle peut et doit être améliorée par l’expérience et la réflexion, y compris avec le concours d’autres homme moyens.