Paysages intérieursDessins, Gravues, PastelsTempera : ce que je vois quand je ferme les yeux

« L’esprit qui contemple voit la danse et les tourbillons sans fin des mondes, les lumières et les couleurs qui sont au commencement des choses. Tout ce qui l’entoure, toute la sphère de l’espace n’est plus loin de lui, mais en lui, à l’intérieur de lui. »
Préceptes de vie issus de la sagesse amérindienne

CE QUE JE VOIS QUAND JE FERME LES YEUX : SOUS MES PAUPIÈRES, LE MONDE S’OUVRE

La peinture peut nous montrer ce que nous voyons : la réalité visible.
Mais son vrai travail, même dans la peinture dite réaliste, c’est de nous donner à voir ce que nous ne voyons pas : la réalité cachée, invisible. La réalité de la réalité…
Longtemps, les peintres ont travaillé sur le motif : la réalité du monde telle que la perçoit notre œil.
De son côté et à sa façon, la science en faisait autant.
Mais depuis un siècle, il me semble que les peintres, plus ou moins consciemment, se sont mis à explorer ce que nous ne voyons pas, mais à la rencontre de quoi sans cesse nous partons.
Là encore, la science a suivi un chemin parallèle.
Ainsi depuis cent ans, on découvre et on peint l’infiniment petit et l’infiniment grand, tout ce que nous ne pouvons pas voir, mais qui n’en existe pas moins : cette table, cette feuille, c’est aussi et en même temps une danse effrénée d’atomes, des milliers d’univers en mouvement.
La science le découvre, l’art nous le révèle.
Ce que je ne vois pas les yeux ouverts, je peux le voir les yeux fermés…

Sous mes yeux fermés, observer et peindre le jeu joyeux et incessant de l’énergie universelle.

PEINDRE

Lisant les Propos sur la peinture de Citrouille amère – vraiment un surnom de moine zen ! –, je me dis que j’essaye d’ « ouvrir » ma peinture : il ne s’agit plus seulement que l’idée précède le pinceau, mais que ce qui préexiste à l’idée puisse à nouveau sortir, et même avant elle, car l’idée pousse sur l’émotion.
Autrement dit, pour avoir une vraie idée, il nous faut retrouver l’émotion. Nous sommes si habitués à penser que nous ne ressentons plus.
C’est bien beau d’abstraire, mais ça ne peut se faire qu’à partir d’une réalité concrète, vécue.
Cesser de penser, retrouver l’instinct, faire place à la spontanéité, ce n’est pas refuser de réfléchir, c’est remettre la pensée à sa place : au cœur du présent.
C’est comme en improvisation : laisser jouer l’inconscient, pour que le conscient puisse l’organiser. Car ce n’est pas à celui qui commande de faire.
En cela, je m’oppose, au moins en apparence à mon ami Renzulli.
Si tu vois trop ton tableau, tu n’es plus un voyant ! Tout savoir d’avance, c’est figer le mouvement : objectif d’ailleurs intéressant, mais en peinture, je n’aime pas la photo. La bonne peinture, pour moi, c’est du cinéma : de la couleur en mouvement, de la couleur qui prend vie.
Je n’aime pas la couleur en conserve.
Et les formes ? me dira-t-on. La forme naît de la couleur, et inversement : ce sont les deux aspects d’une même vibration. Si ma forme est juste, elle prendra sa vraie couleur ; si ma couleur est juste, elle trouve sa vraie forme : la couleur coule naturellement dans la forme, comme la forme se répand dans la couleur.
C’est ainsi que cela se passe quand je ferme les yeux : formes et couleurs ne cessent de couler les unes dans les autres, et je ne crois pas que ce soit hasard si dans couleur il y a coule…
C’est d’ailleurs pour ça que je ne peins pas des paysages : je raconte des voyages.